Evolution prévisionnelle des armements et de la guerre (7)
Jean-François GENESTE
Nous proposons aujourd’hui un nouveau chapitre concernant la monnaie et sa tendance à devenir électronique.
La monnaie en tant qu’arme
Nous nous concentrerons sur le dollar et résumerons son histoire pour faire quelques remarques de bon sens. À son avènement au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, sa contre-valeur en or est une nécessité de transition entre l’Ancien monde et le nouveau. En effet, le premier restait attaché à une économie physique qui avait été propulsée par le capitalisme sauvage du XIXe siècle, lui-même rendu possible par ce que l’on a appelé la révolution industrielle, cette dernière ayant été déclenchée par le progrès scientifique. Il lui fallait donc du « solide » pour les transactions. De plus, l’économie est aussi une affaire de confiance et qui n’aurait pas confiance en l’or au sortir – de plusieurs millénaires où ce fut la valeur de référence ?
Néanmoins, comme tous les royaumes avant lui, au cours des âges, l’Empire américain a fini par dépenser davantage que ce qu’il gagnait. Il guerroyait sans cesse et décaissait sans compter, engagé dans des aventures coûteuses comme par exemple la conquête spatiale. Il était surtout en compétition militaire avec l’URSS. Cela conduisit à des déficits et à l’impossibilité de fournir la contrepartie en métal jaune en cas de demande. De Gaulle, en rapatriant l’or français et en voulant convertir les dollars empochés par la France en or[1], a probablement contribué à accélérer la décision de Richard Nixon du 17 août 1971[2].
Dès lors, la devise américaine est comme les autres, elle flotte ! Ce qui fera dire à John Connally, secrétaire d’État au Trésor : « le dollar est notre monnaie, mais c’est votre problème ». Il est vrai que depuis le traité de Bretton Woods en 1944 et jusqu’à 1971, il s’était passé 27 ans, le temps d’avoir créé une addiction sur les marchés.
Les accords du Quincy[3] sont une « légende urbaine » qui a la vie dure. Néanmoins, en 1944, eut lieu la constitution de la compagnie ARAMCO qui scella une entente de fait entre les États-Unis et l’Arabie saoudite, et qui permettra aux Américains d’imposer le paiement du pétrole en dollars, obligeant le reste du globe à se fournir leur devise qu’ils pourront alors fabriquer à volonté et en toute impunité économique. Ceux qui se sont risqués à contester cela, Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi, l’ont payé de leur vie.
Entre-temps, le monde est passé d’un capitalisme industriel à un capitalisme financier dans lequel on fait de l’argent avec de l’argent, perdant le lien avec la production matérielle. La grave crise boursière de 1987 conduisit l’administration de Washington à mettre en place un marché des dérivés suivant en cela la fameuse formule de Black, Merton et Scholes, qui reçut le prix Nobel en 1997[4]. BNP-Paribas, alors dirigée par Michel Pébereau, se rua sur ce marché dès 1992[5]. Rappelons que la théorie en question est basée sur une hypothèse dite de non-arbitrage qui est constamment fausse. Souvenons-nous aussi qu’à partir de 1994 fut créé Long Term Capital Management (LTCM[6]), un fonds spéculatif, avec notamment les deux prix Nobel Merton et Scholes, qui fit faillite en 1998 avec des dettes « épongées » par le système. Bien qu’expérimentalement il apparaisse clairement que la formule élaborée par les lauréats ne fonctionne pas, elle continua néanmoins d’être appliquée de plus belle, conduisant à une fuite en avant dans une pyramide de Ponzi[7].
Dès lors, le monde étant prisonnier du dollar et la masse monétaire de ce dernier augmentant, nous avons assisté à deux étapes majeures dans le développement de sa militarisation :
– l’abandon de la publication par les États-Unis de leur agrégat M3 dès mars 2006[8] :
– l’extraterritorialité de la loi américaine concernant l’utilisation du dollar. Cela était présent de manière subliminale dans les accords de Bretton Woods[9] et, déjà, l’Empire le justifiait au nom de la lutte contre la corruption, le terrorisme, le blanchiment, etc. Mais le monde, au début, n’avait pas cette addiction qu’il a eu plus tard à la devise dollar. L’étau s’est donc resserré petit à petit pour, par exemple, pénaliser BNP Paribas de 9 milliards en 2014. Et bien d’autres en ont été victimes sans que jamais aucun État occidental n’osât rechigner à payer.
Nous ne serions pas complets à ce propos si nous n’abordions pas le cas des répressions économiques, par exemple contre l’Iran, et si nous ne soulignions pas que l’Europe vient de signer, contre la Russie, un treizième paquet de sanctions.
Tout ce qui précède montre que le système monétaire américain a été pensé dès le départ comme une entreprise de soumission, de mise en dépendance, voire en coupe réglée, des autres États, et a surtout a consisté en une militarisation d’un outil qui aurait dû rester du ressort des échanges libres entre pays. Son attaque aujourd’hui par la Russie et la Chine et, dans une moindre mesure, par les BRICS, ainsi que la volonté d’un certain nombre de zones, l’Afrique notamment, de s’en émanciper, est donc un phénomène majeur.
Flottabilité et guerre
La référence à l’or ou à un bien matériel précieux (on aurait pu choisir le rhodium qui est le métal le plus cher du globe) est un repère absolu. En mettant en place la flottabilité des monnaies, on rompt cette référence commune pour l’échanger contre un point de vue différent et relatif pour chaque acteur. On peut faire un parallèle avec l’histoire de la physique à travers les âges qui a commencé par considérer un centre du monde, la terre, pour, avec la théorie de la relativité, abandonner ce concept.
Néanmoins, si en science ce fut un grand progrès, il n’est pas sûr qu’en économie et en géopolitique cela en fut un. Expliquons-nous ! La seule règle qui s’applique alors est « ce qui est rare est cher ». C’est donc une loi de l’offre et de la demande. Quand vous êtes l’hégémon qui bat la monnaie mondiale, la tendance naturelle est à veiller à ce que la disponibilité soit suffisante, mais contrôlée par vous[10]. Néanmoins, cela a vocation – nous venons de le voir via le train de vie dispendieux dû à une existence facile – à faire baisser la valeur intrinsèque de la devise. Comme elle est, de surcroît, créée ex nihilo, son abondance sape la confiance et certains acteurs pourraient être tentés de trouver refuge ailleurs, par exemple en stockant des biens matériels et en échangeant la monnaie de singe contre du solide[11].
Quel est, dans ces conditions, l’appétit du détenteur des droits de tirage ? Simplement d’imposer par la force son papier pour convaincre les récalcitrants à rester dans le rang. Et ce d’autant qu’ils sont dépendants et qu’il faut absolument qu’ils le restent. Ce système est donc générateur de guerres comme nous avons pu le voir dans l’histoire d’après 1971. Et nous constatons que les BRICS semblent assez raisonnables pour réfléchir à une monnaie commune dont la valeur serait basée sur un éventail de biens matériels, montrant par-là que les protagonistes ont bien compris cette nécessité d’un référentiel absolu et non soumis au bon vouloir du prince.
La dédollarisation
Les sanctions contre la Russie
Nous ne nous référerons pas à l’historique ni ne donnerons le détail des sanctions occidentales contre la Russie, et dans une moindre mesure contre la Chine.
La stratégie russe a été relativement simple. Prendre très peu de contre-sanctions, mais efficaces, notamment à l’encontre des produits agricoles européens. Comme le pays est un des premiers producteurs mondiaux de matières premières, d’énergie et de biens agricoles, il lui était assez facile de mettre en place un commerce plus équitable et indépendant en acceptant en paiement les monnaies de ses clients.
Cela a largement affaibli le dollar et ce n’est qu’un début. Les BRICS et la trentaine d’États qui frappe à sa porte – un effectif supérieur à la moitié de l’humanité –, disposant de ressources naturelles plus abondantes, vont réorienter les flux marchands et appauvrir la zone dollar.
Pis, les sanctions ne pourront plus avoir lieu sur les échanges qui se font via les devises nationales des pays impliqués. C’est donc un contrepoison à l’extraterritorialité des lois américaines. Dans un tel contexte, si nous reprenons l’exemple de BNP-Paribas de 2014, une pareille pénalité ne pourrait plus se produire. La militarisation de la monnaie perd ainsi de sa vigueur et la tentation de l’hégémon qui se voit contesté va dès lors être de déclencher la « vraie » guerre.
Le déficit américain
Si le volume des échanges en dollars diminue drastiquement, la capacité hégémonique des États-Unis va en faire de même. Le déficit américain ne pourra plus s’écouler avec le même débit sur le reste de la planète. Couplé à une perte de statut de réserve mondiale de sa monnaie, il deviendra non plus une fiction, mais une réalité qu’il faudra rembourser. Son niveau actuel, compte tenu de la quantité de production du pays, l’interdit, d’où une forte propension à déclencher une guerre de ce côté-ci de l’Atlantique qui, tout en restant exempt de ses ravages physiques, conflits donc à moindre coût pour Washington.
L’influence américaine
C’est un secret de Polichinelle que les États-Unis ont financé de nombreux coups d’État et des révolutions de couleur de par le monde. Le cas ukrainien en est un exemple emblématique et officiel. Néanmoins, pour corrompre les acteurs locaux, encore faut-il qu’ils puissent écouler l’argent touché des officines de l’oncle Sam. Hors zone dollar, cela risque de sérieusement limiter l’influence de Washington.
À terme, les contre-sanctions
Sans le faire exprès, l’espace BRICS, s’il développe son économie physique plus vite que son adversaire, devrait créer un déséquilibre des échanges entre une zone en excédent et une en déficit de produits divers. L’univers « otanesque » devrait donc se plier et acheter des biens dans des devises dans lesquelles il est en manque. Ce serait un renversement incroyable, mais qui est pourtant fort probable. À la baisse d’influence se rajouterait ainsi une dépendance au crédit.
Aussi, la première des stratégies de l’Occident collectif – comme l’appelle Poutine – devrait être de se garantir une indépendance matérielle totale vis-à-vis de l’autre monde. Force est de constater qu’aucune décision en ce sens n’a été prise alors que la situation est plus qu’urgente. Cela laisse augurer d’un grand problème qui pourrait déboucher, à terme, sur une guerre généralisée, l’Ouest étant incapable de se suffire à lui-même et ne résistant donc pas à la tentation de voler ses rivaux, qui, bien évidemment, se défendront.
Les monnaies électroniques
Le yuan électronique
Il a été mis en place dans le cadre du crédit social et interroge sur les libertés fondamentales de la population. On peut effectivement craindre le pire. Le problème est que l’Europe a prévu l’installation du même système qui produira, immanquablement, des effets identiques. Nous sommes donc plus ou moins condamnés, si nous ne réagissons pas, à une dérive dictatoriale comme cela n’a jamais été le cas dans l’histoire de nos contrées. Ainsi, l’euro, qui n’a jamais été une arme, contrairement au dollar, deviendra un instrument d’asservissement du peuple. Nous assistons alors, tel que sont pensés ces systèmes, à une forme de guerre contre les populations.
Le rouble numérique
La Russie a aussi son programme de monnaie électronique. Indépendamment de la façon dont elle s’en sert en interne, remarquons comment elle l’utilise en Afrique. Ce continent a trois caractéristiques essentielles :
– une corruption endémique notoire,
– une dette colossale,
– un retard de développement immense.
Le rouble numérique va permettre :
– d’augmenter la dette dans une autre devise que le dollar,
– un découplage de l’Occident,
– une corruption supplémentaire,
– le cas échéant, une réelle protection militaire russe,
– … laquelle permettra peut-être un développement économique et industriel assuré par les Chinois.
Tout cela dans le cadre d’une confrontation toujours plus directe entre les blocs et donc avec des risques sérieux de déflagration.
La perte de contrôle occidental
Dès lors que les transactions sont numériques et dans une monnaie non occidentale, l’Empire perd pied de plusieurs manières :
– absence d’informations financières fiables à l’heure des bases de données, de l’intelligence artificielle et de la valorisation de l’information,
– absence de connaissance réelle quant à la solvabilité des acteurs,
– absence de connaissance des coûts réels et de points de repère pour une compétition non faussée[12],
– difficultés à prouver la provenance des produits et en conséquence inefficacité des éventuelles sanctions[13],
– Etc.
Prenons un exemple pour illustrer notre propos. Depuis le 24 février 2022, la Russie empile les privations. Le Kirghizstan est la voie qu’elle a choisie pour s’approvisionner en composants électroniques, entre autres[14]. Dans la mesure où l’Occident n’a pas accès aux statistiques du commerce entre cet État et son voisin, il ne peut imposer ses sanctions. Il en va de même avec l’Inde et la Chine qui sont de plus des pays disposant de moyens de rétorsion sérieux à la différence du précédent.
Là encore, la perte d’hégémonie dans le domaine militarisé de la monnaie risque de glisser vers de vrais conflits.
La stratégie Trump
Donald Trump a récemment promis, dans sa campagne, que s’il était élu président, il ne mettrait jamais en place le dollar numérique. On peut voir cela de trois façons.
– Une forme de populisme qui donne résonance au discours de certains qui souhaitent garder leur liberté en conformité avec ce que nous avons écrit plus haut et ne pas suivre les exemples chinois et européen.
– Une tentative de jouer davantage la carte de la corruption, car elle est beaucoup moins traçable avec l’argent liquide qu’avec de l’électronique.
– La possibilité de créer de la monnaie ex nihilo sans avoir à la compter (il sera extrêmement difficile de faire cela avec une devise numérique qui pourrait avoir un statut international).
Nous observons donc à ce stade que la guerre fait rage sur plusieurs fronts que nous venons d’examiner :
– le contrôle des populations,
– la corruption mondiale,
– la planche à billets.
Les cryptomonnaies
Nous ne pouvions pas passer cela sous silence ! Elles existent et sont issues de la communauté des cryptologues qui se sont demandé si l’on pourrait créer l’équivalent informatique de pièces ou de billets. Nous épargnons les détails mathématiques, mais cela n’a pas été facile à concevoir, même si, in fine, cela a été possible. Néanmoins, une cryptomonnaie, quelle qu’elle soit, est un engin flottant. Il n’a pas de « sous-jacent » comme disent les économistes. Si nous nous référons à ce que nous avons expliqué précédemment, nous pouvons affirmer que ce type de produit a de grandes chances d’être générateur de guerres, mais pour d’autres raisons que celles alors invoquées.
Remarquons d’abord que le « sous-jacent » ultime d’une monnaie reste la force militaire de son pays. En effet, si un acteur vous la refuse pour tel ou tel motif, il vous reste ce moyen suprême pour vous faire entendre. Et d’ailleurs, nous ne pouvons que constater que les États-Unis ne perdurent guère que par leur armée qui est obèse avec un budget annuel de plus de 850 milliards de dollars.
L’absence de « sous-jacen »t a été, soi-disant, compensée par la rareté puisque, par exemple pour le bitcoin, dont le nombre d’unités en circulation est limité. Seule la fragmentation permet son extension à de nouveaux acteurs.
Si sa valeur était stable, cela serait un avantage exorbitant pour ceux qui en ont acquis au début et « pour rien » ou presque. Au-delà de ce « détail », les cryptomonnaies, que nous différencions ici profondément des monnaies numériques d’État, ne sont que des moyens d’échange pour éviter les circuits légaux prélevant l’impôt, levant l’anonymat, etc. Ce sont donc des instruments de « zone grise » favorisant la corruption.
Néanmoins, dans le cadre du conflit ukrainien, ces supports ont servi à établir une convertibilité entre le rouble et les devises occidentales dans un cadre où le système bancaire de l’Ouest refusait, hégémonie oblige, cette convertibilité. Cela poussa les acteurs de passer par un vecteur intermédiaire, le yuan par exemple. Mais rien de fondamentalement nouveau n’a été amené, à part créer des convoitises chez les personnes à la recherche d’argent facile.
Une vision personnelle de l’argent électronique
J’ai publié un parti pris pour l’argent électronique, cours forcé et sans substitut, dès 2008 dans mon ouvrage intitulé Ainsi marchait l’humanité[15] ? Avant de donner quelques détails assez techniques, je voudrais revenir sur les arguments de ceux qui sont contre et sur l’état des lieux.
Très succinctement, les opposants mettent en avant le danger d’ingérence dans la vie privée et le contrôle social. Dans la situation actuelle, l’essentiel des transactions se faisant de banque à banque, voire via des chambres de compensation, la proportion d’opérations électroniques mondiales est forte. Concernant les personnes, l’épisode du Covid a favorisé ces échanges et des questions de sécurité évidentes incitent à utiliser votre carte bancaire plutôt que d’avoir un portefeuille plein d’espèces, surtout dans des sociétés de plus en plus violentes, notamment en Occident.
Il y a ensuite un autre argument qui dit qu’en cas de panne généralisée, les billets et pièces seraient le seul recours et qu’en conséquence, l’argent liquide ne sera jamais supprimé. C’est absolument faux et relève de la croyance pure et dure. Pourquoi ? Si nos pays devaient faire face à des interruptions majeures de leurs systèmes de communication, et ce pendant longtemps, le problème principal ne serait sûrement pas les transferts monétaires ! Une société qui vit de et par l’information serait bien plus impactée que via les seules opérations fiduciaires. Rappelons aussi qu’en cas de rupture du réseau, les téléphones mobiles pourraient assurer les transactions en local si l’architecture a été bien pensée. Nous aurions encore, potentiellement, les constellations de type Starlink ou, dans un proche avenir, ses concurrents chinois, qui assureraient tout cela. Le problème serait alors de trouver assez d’énergie pour charger son portable. Et là, bien que n’étant absolument pas favorable aux panneaux solaires et autres éoliennes, cela suffirait.
Le combat des opposants à l’argent électronique sur le principe est donc une bataille d’arrière-garde et de gens qui ne sont, en leur for intérieur, pas favorables au progrès en général. Néanmoins, comment répondre à leurs inquiétudes qui demeurent quand même légitimes ? Nous n’entrerons pas ici dans les détails, mais votre serviteur a mis au point un système qui assure les propriétés suivantes pour les transactions électroniques :
– des transactions anonymes et en même temps traçables,
– un système résistant aux attaques externes, y compris effectuées à l’aide d’ordinateurs quantiques,
– un système que l’État ne peut plus « bricoler » une fois qu’il est en place,
– un système où l’on ne peut mettre personne sous surveillance, sauf décision de justice prise à la majorité de cinq magistrats indépendants,
– un système dans lequel votre banque (ou la banque centrale le cas échéant), si vous en avez une, ne peut pas savoir à quoi vous dépensez votre argent,
– un système dans lequel vous pouvez stocker votre argent en dehors de toute banque sur un support banalisé quelconque (clé USB, disque dur, cloud, etc.) en toute sécurité et si vous perdez votre substrat ou vous le faites voler, cela n’a aucune incidence.
Il nous reste cependant une inquiétude qui est celle envisagée par l’Europe qui produirait des euros électroniques périssables, c’est-à-dire qui auraient une date limite de validité. Le lecteur remarquera que c’est déjà le cas avec les billets lorsqu’on décide de les changer. Mais il faut reconnaître ici la perversité d’une telle mesure pour des bits informatiques.
Nous allons maintenant nous pencher rapidement sur la question des transactions à la fois anonymes et traçables. Cela est obtenu en établissant un double canal lors de l’opération : une interaction anonyme avec la banque centrale et, en parallèle, un échange avec le système juridique qui va enregistrer la tractation qui aura été chiffrée par les protagonistes. Pour cette dernière partie, il est utilisé un algorithme cryptographique dit « à seuil ». C’est un dispositif dans lequel il y a un nombre impair de juges, cinq pour simplifier, et qui ont chacun un bout de la clé de déchiffrement. Dès qu’ils sont en majorité à vouloir déchiffrer, ils le peuvent, sinon, les mathématiques le leur interdisent. Dans un cas extrême, on peut même avoir des arbitres dont la banque centrale elle-même ou l’État connaissent l’existence, mais ne savent pas qui ils sont pour éviter les pressions.
Comme vous le voyez, on arrive à des propriétés extraordinaires et qui fournissent une bien plus grande sécurité en termes de liberté individuelle et d’échappatoire à la société de la surveillance.
Ainsi, je me permettrai ici d’inciter les lecteurs opposés la monnaie électronique, à réviser leur jugement. Ils est légitimes qu’ils soient opposés à ce qui nous est proposé en Europe, en Chine voire en Russie et peut-être aux États-Unis (selon qui sera élu en novembre prochain), mais au lieu d’exiger les caractéristiques décrites ci-dessus.
Cela a présente en effet beaucoup d’avantages :
– lutte contre la corruption. Un dealer de drogue est pris en flagrant délit. Il est déféré au parquet qui décide d’ouvrir ses transactions. Dès lors, on sait qui sont ses clients, mais aussi qui sont ses fournisseurs. Cela permettra de remonter la filière jusqu’aux « gros bonnets », une fois n’est pas coutume ;
– la masse monétaire, au moins en théorie, peut être diffusée en temps réel sans possibilité de tricherie ;
– ce système inaugure la voie à la suppression de toute forme d’impôt. En effet, l’État, via sa banque centrale, assure la sécurité et la circulation de la monnaie. Pour cela, il facture 0,2% sur chaque transaction. On remarquera que même s’il est anonyme, ce prélèvement est tout à fait praticable. 0,2% pour la France correspond à peu près à 400 milliards d’euros par an. Ceux qui sont attentifs s’étonneront que notre pays, avec 350 milliards d’euros de budget, ait besoin d’une TVA à 20 %, d’une TIPP, d’un impôt sur les sociétés et le revenu, etc. En réalité, cela est dû au fait que certains acteurs ne paient pas, ce qui est une honte. Si vous faites du trading haute fréquence dans une banque, vous ne versez pas de taxe, alors que si vous allez acheter votre baguette de pain chez le boulanger, vous êtes soulagé de 7%. Cela rétablirait une forme de justice. Là encore le lecteur trouvera davantage de détails dans mon ouvrage.
Comment éviter la guerre ?
L’auteur de ces lignes est absolument contre toute pénalité économique à l’encontre de qui que ce soit. D’une part, cela n’a d’impact que sur les pauvres alors qu’ils n’ont pas voix au chapitre. D’autre part, rappelons-nous que le Japon déclencha l’opération Tora, Tora, Tora en 1941 à cause des sanctions américaines.
La mise en place d’une plateforme électronique de transactions et compatible avec toutes les devises mondiales, comme celle présentée ci-dessus, semble un moyen d’éviter les guerres. Les opérations étant anonymes avec, pour les échanges internationaux, un système de juges équilibré, cela devrait empêcher le blocage du commerce et de la circulation de biens, et ainsi soulager les démunis. La publication en temps réel de la masse monétaire devrait contrecarrer la prédation financière de certains États du type États-Unis. En effet, si ces derniers veulent acheter n’importe quel actif dans le monde, il leur suffit aujourd’hui de créer ex nihilo la somme correspondante en dollars sans que cela se voit. C’est inacceptable.
La taxe à 0,2% serait probablement assez uniforme de par le monde pour éviter les paradis fiscaux et donc la concurrence déloyale. Leur disparition supprimerait les mafias[16] au pouvoir dans les « grands » pays, ce qui assainirait leur fonctionnement démocratique.
Dès lors, les transactions électroniques couplées à des monnaies de même nature devraient constituer un facteur de paix et de liberté. À condition toutefois de leur donner les caractéristiques correctes, ce qui n’est, hélas, aucunement le cas aujourd’hui. Leur régulation au niveau international, tout en garantissant une certaine harmonie, empêcherait la mise à l’index de populations dont on veut brider l’autonomie. Enfin, l’absence de la possibilité de sanctions éviterait la formation de coalitions de vassaux avec leur suzerain comme nous le voyons actuellement et qui n’amène rien de bon pour personne.
On remarquera au bout du compte que les monnaies électroniques supprimeraient de fait la nécessité d’une devise de référence mondiale, mais pas leur valorisation par un ou des « sous-jacents ». Le rôle de gendarme que nous avons observé plus haut joué par les États-Unis au nom de cette référence serait donc caduc. Cela modifierait profondément la géopolitique. En lieu et place d’imposer, il faudrait négocier et convaincre dans un cadre multipolaire où corrompre serait devenu nettement plus difficile. Tous les pays européens et d’Amérique du Nord devraient alors faire une sérieuse révolution culturelle quand on se remémore les propos de Mike Pompéo[17].
C’est pourquoi nous incitons chacun à plaider la mise en place de devises et d’échanges électroniques généralisés, mais avec, à minima, les spécifications énumérées plus haut. Bien entendu, on ne pourra pas prévenir toutes les guerres, mais en empêcher ne serait-ce qu’une seule, ne serait déjà pas si mal.
[1] https://www.rtbf.be/article/l-or-de-la-guerre-froide-quand-charles-de-gaulle-a-defie-le-dollar-americain-11088810
[2] https://www.lemonde.fr/economie/article/2012/10/08/dans-les-archives-du-monde-nixon-suspend-la-convertibilite-du-dollar-en-or_1771983_3234.html
[3] http://orientxxi.info/magazine/de-quoi-parlaient-le-president-americain-et-le-roi-saoudien-en-fevrier-1945,1213
[4] Rappelons qu’initialement, ce genre de transactions, inventées par un journaliste américain à Cuba dans les années 40, était interdit.
[5] Communication personnelle.
[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Long_Term_Capital_Management
[7] De mémoire et à titre d’exemple, le hors bilan de BNP Paribas est de l’ordre de 25 000 milliards de dollars.
[8] On ne peut plus voir la solvabilité de l’émetteur du tout !
[9] Et c’était le résidu guerrier du second conflit mondial.
[10] C’est un peu comme le taux de chômage. Il en faut un petit peu pour que ceux qui ont un emploi se tiennent tranquilles et ne deviennent pas trop gourmands.
[11] Voir de Gaulle à nouveau.
[12] Dans le système dollar, la compétition est complètement faussée en faveur des États-Unis, bien entendu.
[13] En l’absence de connaissance des achats indiens de pétrole russe, il sera très difficile de savoir si le gasoil indien vendu aux États-Unis, provient de Russie et à quel pourcentage en cas de mélange.
[14] https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/guerre-en-ukraine-les-voisins-de-la-russie-soupconnes-de-laider-a-contourner-les-sanctions-2077885
[15] https://www.placedeslibraires.fr/livre/9782756311036-ainsi-marchait-l-humanite-une-vision-psycho-mathematique-des-sciences-humaines-et-sociales-et-du-management-jean-francois-geneste/?select_langue=nl
[16] Dans son ouvrage intitulé Rapacités (Fayard, 2007), Jean-Louis Gergorin explique que la plupart des grands groupes rémunèrent leur dirigeant dans des paradis off-shore. On sera aussi très étonné de la déclaration d’avoirs de certains hommes politiques en France qui ne correspondent absolument pas à leurs gains antérieurs.
[17] https://www.espacemanager.com/un-ancien-directeur-de-la-cia-confie-nous-avons-menti-triche-et-vole-ete-entierement-formes-pour-ca