Repérer les activités de renseignement dans les sources littéraires : l’exemple de la fin d’Abu Ṭahir le Qarmate (319)
Charifa AMHARAR
Ce texte est la version traduite, revue et corrigée de l’article écrit en arabe sous la direction du professeur Abdelilah Benmlih, paru dans la revue marocaine Al Istihlāl. (Charifa Amharar, « Tamyīzu l-anšiṭati l-‘istiḫbāriyyati fi l-‘aḥdāṯi at-tārīḫiyyah », Al Istihlāl 37, Fès, 2023, pp. 51-66).
Ecrire l’histoire du renseignement ancien peut s’avérer être une tâche délicate pour plusieurs raisons. Parmi celles-ci figure le manque de spécialisation en la matière, de la part d’historiens de profession. Ainsi, celui qui ne maîtrise pas les notions, les méthodes ou les principes propres à ce domaine risque de ne pas déceler, dans les sources littéraires, les interventions du renseignement. Cette science du gouvernement, comme l’appelle ainsi Gérald Arboit[1], ne se réduit pas seulement à l’espionnage mais concerne l’ensemble des activités (recherche, acquisition, analyse, protection, diffusion) visant à porter des renseignements à la connaissance d’un demandeur.[2] Qu’est-ce qu’un renseignement ? « Un renseignement est un produit fini, élaboré afin de répondre à une demande exprimée. Il est le résultat de la synthèse des informations recherchées, validées et interprétées, quelle que soit leur origine, secrète ou non ».[3] Ces renseignements permettent aux décideurs de prendre les mesures nécessaires à la réalisation de leur volonté. Plus le besoin de renseignements utiles aux décideurs sera important, plus l’organisation nécessaire à sa production sera complexe. Quand la demande émane d’un chef d’Etat, et le renseignement est un des fondements du gouvernement,[4] son organisation nécessite une administration solide, une grande aptitude à la discrétion et à la confidentialité, un nombre suffisant d’employés compétents dans divers domaines et beaucoup d’argent. Qui dit organisation dit forcément administration, et les sources littéraires arabes regorgent d’informations sur les administrations liées au renseignement comme celles du barīd (la poste), de la chancellerie ou de la police.
Le renseignement tel qu’on l’entend aujourd’hui est divisé en plusieurs catégories.: le renseignement intérieur, le renseignement extérieur et le renseignement militaire. Ces trois types de renseignement ont chacun des activités, des finalités et des administrations qui leur sont propres. L’espionnage n’est qu’une des nombreuses activités auxquels ces administrations se livrent, en complément de la reconnaissance, du contre-espionnage et de la surveillance de la population par exemple. Le mot « renseignement » qui englobe tout cela n’existe pas dans l’arabe classique. Néanmoins, malgré l’absence de mot unique pour désigner toutes les activités de renseignement, ce qui est compris du mot français « renseignement » existait bel et bien dans le Proche-Orient médiéval. L’équivalent en arabe moderne du terme français est Istiḫbar. Cela signifie littéralement « recherche d’informations », ce qui se rapproche de ce que le colonel Jules Lewal décrivait, à savoir : « l’ensemble des procédés par lesquels on se procure toutes les indications dont on a besoin doit donc être dénommé tactique des renseignements ».[5]
Les sources médiévales ou antiques mentionnant le recours à l’espionnage, au contre-espionnage, à la désinformation, aux assassinats ciblés, au renseignement militaire ou scientifique, bien qu’inégalement réparties, sont très nombreuses. Néanmoins, sans grande surprise, la confidentialité des rapports de renseignement détaillés en fait les grands absents de nos bibliothèques. Ce n’est pas faute d’existence d’archivage de ces rapports aux époques médiévale et antique. Al Ǧayšarī mentionne par exemple qu’à la mort de Hārūn al-Rašīd, plusieurs rapports confidentiels non lus étaient entreposés et négligés dans les archives califales.[6] A chaque époque, et ce presque systématiquement, ces sources voulues confidentielles, ont été soit détruites soit emportées par leurs auteurs ou destinataires pour diverses raisons. Certes, les masālik wa mamālik,[7] souvent rédigés sur la base de rapports de renseignement, sont fort utiles pour avoir une idée des informations recherchées et collectées par les musulmans au Moyen-Âge, mais malheureusement certains détails recherchés par l’historien du renseignement n’y figurent que trop rarement. Parmi les informations recherchées, il y a par exemple les détails sur ce que les spécialistes appellent aujourd’hui le « cycle du renseignement »[8], à savoir les différentes étapes nécessaires à l’obtention du produit fini qu’est le renseignement, ou encore ceux relatifs à la prise de décision sur la base de renseignements. Il va sans dire qu’il y avait des missions de renseignement non documentées. A l’époque du Prophète par exemple, les ordres et les rapports de missions ne se faisaient vraisemblablement qu’oralement. Leur existence nous est connue grâce au récit des agents sollicités par le Prophète qui sont pour la plupart consignés dans les diverses sīrah.[9] Le recours à ce genre de sources fait évidemment débat mais ce n’est pas là l’objet de notre propos.
Les activités de renseignement évoquées dans les sources, sans aucune référence au renseignement, sans mots clefs issus du champ lexical de ce domaine permettant à l’historien d’affirmer l’existence d’une telle activité, sont nombreuses. Comment donc celui-ci peut-il conclure à l’intervention du renseignement sans que la source elle-même ne le mentionne explicitement ? En réalité, seul le résultat de l’enchainement d’actions particulières dans un contexte bien précis, ou seul l’évènement en lui-même, permet à l’historien du renseignement de comprendre qu’il y a eu activité de renseignement.
Considérons l’exemple d’une source littéraire qui fait état d’un groupe de gens assiégés par un ennemi qui lui est supérieur en nombre et en moyens. Puis, contre toute attente, à quelques jours de sa victoire, des inconnus intègrent le camp de cet ennemi, réussissent à gagner sa confiance et finissent par le tuer. Nous concluons ici aisément qu’il y a eu infiltration et assassinat ciblé, deux genres d’activités du renseignement bien connus. Savoir repérer de telles pratiques nécessite d’une part des connaissances suffisantes du domaine du renseignement et de ses différentes méthodes et techniques, mais également une méthode scientifique ou grille d’interprétation solide permettant de déceler le renseignement dans les activités humaines décrites par les historiens anciens. A notre connaissance, une telle méthode n’a pas encore été élaborée.
Nous nous proposons ici de porter à la connaissance du lecteur un cas d’étude concret, celui d’une mission de renseignement non désignée comme telle dans les sources, à savoir la chute surprenante d’Abū Ṭāhir al Ǧannābī le Qarmate. Contre toute attente, ce missionnaire et général qarmate est devenu en quelques années maître de l’Arabie et par la même occasion une des plus grandes menaces, si ce n’est la plus grande, qui pesait sur le califat abbasside au cours de la première moitié du Xe siècle. Alors qu’il avait ravagé Bassorah et Kūfa et qu’il ne lui restait plus qu’à prendre Bagdad où le calife al Muqtadir craignait pour son trône, un évènement vînt tout bouleverser et la menace qu’il représentait disparut.
Nous allons tout d’abord établir le contexte dans lequel a eu lieu l’opération à l’origine de la chute d’Abū Ṭāhir ; ensuite nous exposerons l’interprétation que nous avons fait de celle-ci en mettant en évidence les différents éléments qui nous portent à croire qu’il y a bel et bien eu intervention du renseignement ; puis nous tâcherons de déterminer l’origine de cette mission de renseignement.
Contexte
Vers la fin du IXe siècle, un chef ismaélien de Syrie, dans l’Empire abbasside, du nom de ʿAbdullāh ibn Maymūn al Qaddaḥ[10], envoya un de ses prédicateurs, vraisemblablement son fils al-Ḥusayn[11], à Kūfah. Ce prédicateur ismaélien logeait là-bas chez un homme appelé Ḥamdan ibn al ‘Ašʿaṯ et était surnommé Karmītah puis Qarmat.[12] Plusieurs significations ont été données à ce sobriquet. Celles généralement citées dans les sources disent que cela viendrait soit des yeux rouges de Ḥamdan – car « karmītah » signifierait « yeux rouges » en nabatéen -, soit de la démarche de Ḥamdan qui faisait des petits pas à cause de ses jambes courtes.[13] Le prédicateur envoyé par Ibn al Maymūn initia Ḥamdan à l’ismaélisme et lui en enseigna tous les mystères. Ce dernier devint rapidement un prédicateur efficace et ensemble, ils attirèrent de nombreux disciples. Ḥamdan succéda à son maître après sa disparition et devint le grand dāʿī[14] de Kūfah, sous les ordres directs du chef des Ismaéliens de Salamiyyah en Syrie, qui à l’époque était Raḍī Abdullāh.[15] Ses disciples furent appelés par leurs ennemis les « Qarmates », al Qarāmiṭah en arabe. La prédication de Ḥamdan fut très efficace et rapidement il exigea de ses disciples une contribution financière atteignant parfois 7 dinars d’or par personne.[16] Les fonds récoltés étaient envoyés à Salamiyyah pour renforcer la prédication ismaélienne.
Les hommes de Ḥamdan lui étaient totalement soumis et le considéraient comme leur unique référent. Son homme de confiance était son beau-frère ʿAbdan qui s’occupait entre autres du recrutement. En effet, c’est ce dernier qui nomma Abū Saʿīd al-Ǧannābī, père d’Abū Ṭāhir, et Zikrawayh ibn Mihrawayh, deux des plus célèbres qarmates, respectivement dāʿī de la Perse et dāʿī de l’Irak. Il est important de spécifier ici qu’Abū Saʿīd, qui était perse d’origine, a dès le début de sa mission reçu le soutien de la famille des Banu Sanbar, notamment d’al Ḥusayn ibn Sanbar, ʿAlī ibn Sanbar et Ḥamdan ibn Sanbar.[17] Par ailleurs il était marié à la fille d’un homme très influent : Al Ḥasan ibn Sanbar.[18]
Dans la croyance ismaélienne, leur chef était le représentant (visible) de l’imam caché.[19] Vers 893, à la mort du chef ismaélien Radī Abdullāh, son successeur ‘Ubaydallāh, futur premier calife fatimide, n’inspirait pas confiance à Ḥamdan qui envoya ‘Abdan enquêter sur lui. De retour auprès de Ḥamdan, il lui confia que leur groupe était désormais tenue par des gens corrompus et avides de pouvoir. C’est à cette époque qu’eut lieu la scission entre les Ismaéliens et les partisans de Ḥamdan Qarmat. Dans son Mémoire sur les Carmathes du Bahrein et les Fatimides, De Goeje[20], se basant sur les rapports d’Ibn Ḥawqal et de Nuwayri, affirme que ‘Ubaydallāh, maître ismaélien de l’époque s’était rendu en Tunisie où il prétendait être l’imam caché. Hamdan entendit parler de cette rumeur du prétendu imam caché en Afrique et voulut en avoir le cœur net en se rendant en Tunisie avec son disciple ‘Abdan. Une fois sur place, ils intégrèrent la foule rassemblée autour de celui qui affirmait être l’imam tant attendu des Ismaéliens.
Hamdan réussit à s’approcher suffisamment pour se rendre compte qu’en réalité l’imam en question n’était autre que ‘Ubaydallah ; sa déception fut très grande. Ainsi, il comprit l’imposture et remis totalement en doute tous les enseignements ismaéliens. Hamdan et ‘Abdan complètement désabusés décidèrent d’abandonner l’ismaélisme pour se convertir au sunnisme. Ḥamdan se serait fait assassiner sur le chemin du retour en Irak où il comptait exposer à tous ses disciples l’imposture de ʿUbaydullāh. ʿAbdan fût quant à lui assassiné un peu plus tard.
Apparemment non informés de ces évènements, les hommes de Ḥamdan, ainsi que ceux de ses différents missionnaires, continuèrent leur prédication et furent de plus en plus nombreux. En raison de l’ampleur que prit leut mouvement, rapidement, ils tentèrent des révoltes armées. Toutefois, le calife al Muʿtaḍid était implacable avec les Qarmates. Sous son règne, certains chefs qarmates devaient vivre cachés. ʿArib rapporte le témoignage d’un homme présent lors d’un interrogatoire de prisonniers qarmates mené par le gouverneur abbasside Muḥammad ibn Dawūd ibn al Jarraḥ. L’un d’entre eux raconta au gouverneur que Zikrawayh vivait caché chez lui du vivant d’al Muʿtaḍid, il dit : « Nous avions aménagé pour lui une cave souterraine fermée par une porte en fer. Nous avions un four et lorsque quelqu’un venait à sa recherche, nous placions le four sur la porte par terre et une femme le faisait chauffer. » Zikrawayh vécut ainsi quatre ans jusqu’à ce qu’il emménageât dans une autre maison spécialement préparée pour lui. Ce prisonnier raconte : « Nous avions fait construire une chambre dont la porte se trouvait juste derrière la porte d’entrée, lorsque quelqu’un ouvrait cette porte elle s’imbriquait dans celle de la chambre et la dissimulait. »[21] De 284 à 289 les armées califales neutralisèrent plusieurs soulèvements qarmates. Mais à la mort du calife al Muʿtaḍid en 289, le mouvement qarmate avait pris tellement d’ampleur que, selon Ṭabarī, dès 293 le Yémen était quasiment entièrement sous son autorité.[22]
L’opération qui mît fin à la menace qarmate
Au Bahrein entre l’an 912 et 913, Abū Ṭāhir succéda à son père[23] et fit de nombreuses conquêtes. Il pilla La Mecque et de Médine, vola la pierre noire de la Kaaba et empêcha la tenue du ḥaǧǧ[24] pendant plusieurs années. Une fois le Bahrein sous son autorité, il ravagea Bassora puis Kūfa. A Kūfa, les Qarmates prirent plusieurs esclaves dont un Perse. C’était un homme fort qui refusa de se soumettre à son maître qarmate. Sa désobéissance poussa ce dernier à en référer à Abū Ṭāhir lui-même pour lui demander quoi faire. Abū Ṭāhir amusé par cela, voulut parler directement au Perse. Ils eurent un entretien à l’issu duquel Abū Ṭāhir reconnut cet esclave comme étant l’imām caché et lui prêta allégeance. Abū Ṭāhir présenta cet homme aux Qarmates comme étant l’imām qu’ils attendaient tous et leur ordonna de lui prêter allégeance à leur tour. Puis, rapidement ce mystérieux Perse ordonna à Abū Ṭāhir de mettre à mort plusieurs notables et généraux qarmates. Chaque jour des qarmates se faisaient assassiner sur ordre de l’imām. Lorsque la purge vida le groupe de ses supérieurs Abū Ṭāhir se mit à craindre pour sa propre vie et avec ses hommes ils assassinèrent l’imam, ce qui mena à une guerre interne entre les défenseurs de l’imām, les familles des victimes de l’imām et les hommes d’Abū Ṭāhir. Affaiblis par cette autodestruction les Qarmates d’Abū Ṭāhir ne représentèrent plus une menace sérieuse pour le califat abbasside.[25]
Comment cet esclave perse a-t-il convaincu Abū Ṭāhir qu’il était l’imām caché ? Il lui aurait parlé de l’emplacement d’un trésor familial dont seul son défunt père Abū Saʿīd connaissait l’existence. Ainsi, il lui fit croire qu’il connaissait les secrets du cœur et les choses cachées. Comment ce Perse connaissait-il l’existence de ce trésor ? Un homme, un certain Ibn Sanbar, l’aurait envoyé dans le camp qarmate avec ce secret en lui ordonnant de se faire passer pour l’imām caché et de faire assassiner les hommes qu’il lui indiquerait.[26] Cet Ibn Sanbar était probablement celui que nous avons cité plus haut, à savoir al Ḥasan ibn Sanbar, le beau-père d’Abū Sa’īd, le défunt père d’Abū Tāhir. Mais il reste possible qu’il s’agisse d’un des trois autres Ibn Sanbar cités.
Interprétation de l’opération
Cela étant dit, aucun mot issu du champ lexical du renseignement n’est mentionné dans les sources. Qu’est-ce qui nous permet de conclure à la mise en place d’une opération de renseignement d’envergure ? Plusieurs choses assez évidentes. Le postulat de départ était la supériorité d’Abū Tāhir qui menaçait immédiatement Bagdad. Puis, un soudain revirement de situation se produit suite à l’intervention d’un agent étranger infiltré[27] dans le camp qarmate se faisant passer pour ce qu’il n’est pas, manipulant son chef et faisant assassiner les personnes stratégiquement gênantes. La conséquence de l’intervention de cet agent est une guerre interne entre qarmates pro pseudo imam caché, pro Abū Tāhir, et familles des qarmates assassinés. Il semble donc difficile de ne pas voir ici une opération de renseignement. Ibn Sanbar a envoyé un seul homme à Abū Tāhir sous la couverture d’un esclave perse capturé à Kūfa. Cet agent était chargé de convaincre l’un des plus éminents chefs qarmates, ce qui n’est pas une mince affaire. Il devait donc savoir convaincre, manipuler et jouer pleinement son rôle de prétendu imam caché. Tenir ce rôle sur la longueur n’était pas chose aisée, sachant qu’il devait faire assassiner essentiellement les notables et les qarmates influents. Sans conteste, le l’infiltration de cet agent fut une réussite puisqu’il parvint à faire assassiner la grande majorité des « gradés » qarmates au point qu’Abū Tāhir eut peur pour sa vie, car, à part ses frères et lui-même, il ne restait plus grand monde. Cet agent avait certainement conscience que sa mission était sans retour. Survivre à une telle opération aurait été un exploit.
Que savons-nous d’autre au sujet de cet agent ? ʿArīb[28] l’appelle Zakarī al Ḫūrāsānī ; Ṭabarī[29] et Ibn al Aṯīr[30]l’appellent al-Asbahānī ; Birūnī, cité par De Goeje[31], le nomme Ibn abī Zakariyā at-Ṭammāmī. Notons ici qu’au début de la mission d’Abū Saʿīd, celui-ci fit tuer un autre missionnaire très apprécié des Banū Sanbar : Abū Zakariyā.[32]Supposer que cet agent perse soit le fils d’Abū Zakariyā n’est pas bien difficile. Il devait probablement être un esclave d’Ibn Sanbar ou un agent fidèle. Il n’était certainement pas un ismaélien convaincu ni même quelqu’un de versé dans la religion sunnite, à l’image de celui qui l’envoya. La nature de sa couverture permet de comprendre cela. En effet son modus operandi est difficilement attribuable à une autorité sunnite. Non pas que cela serait impossible qu’un sunnite enfreigne les lois religieuses, mais plutôt parce qu’en termes de communication cela aurait été une grossière erreur. Certes, le renseignement des musulmans sunnites de l’époque ne brillait pas forcément par ses scrupules religieux, mais il n’en demeurait pas moins aberrant de la part des Abbassides d’utiliser une telle méthode risquant de conduire à l’apostasie du commanditaire de la mission, tout comme à celle de son exécutant. On pourrait nous répondre qu’à situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Certes, mais il reste tout de même plus probable et plus conforme au contenu des sources que ce soit une opération commanditée par un ancien Qarmate ou un Qarmate peu convaincu.
D’après la Loi islamique sunnite, celui qui fait croire à la mécréance (kufr), qui l’encourage ou qui l’ordonne devient mécréant.[33] Or cet agent perse s’est rendu coupable d’au moins deux sortes de kufr : rendre licite ce que la Loi interdit[34] et prétendre à l’omniscience.[35] Les sources consultées sont en principe toutes anti-qarmates, donc leurs exagérations au sujet de leur idéologie – notamment leurs accusations d’athéisme – peuvent difficilement être prises en compte par l’historien. Mais ces deux actes cités par les contemporains de l’opération ont tout l’air d’être vrais et c’est ce qui a permis à cet agent de remplir sa mission. Légalement, un sunnite, agent de renseignement ou pas, ne peut pas justifier le fait de se faire passer pour l’Imam caché et appeler les gens à lui obéir et à persister dans une religion considérée hérétique par les sunnites. De même, un ismaélien convaincu n’oserait pas se faire passer pour l’Imam caché et appeler les gens à lui obéir. Il est vrai qu’auparavant plusieurs personnes se sont fait passer pour le Mahdi ou pour l’Imam caché, comme ʿUbaydullāh. Toutefois, la prétention de l’agent n’avait pas l’air d’avoir pour but d’attirer des gens à sa cause ou de servir un autre but que la neutralisation d’Abū Ṭāhir. Ses motivations et son action étaient complètement différentes de celle du premier dirigeant fatimide. Ainsi, le chef de l’opération et l’agent ne pouvaient être ni des sunnites instruits et pratiquants, ni des ismaéliens convaincus.
La façon même dont l’agent approcha Abū Ṭāhir indique une grande expérience dans l’infiltration et une planification méticuleuse de l’opération en amont. Ibn Sanbar a forcément formé son agent quant à la façon d’opérer des Qarmates. Ceux-ci entrent en ville, massacrent, pillent ce qu’ils peuvent, puis emmènent avec eux les vaincus aptes au travail. L’agent perse, dont les qualités physiques devaient lui permettre de survivre à l’attaque qarmate, avait pour première objectif de faire partie des hommes réduits en esclavage. Une fois la chose faite, il devait obtenir une entrevue avec le chef qarmate. Certainement au courant du fait que les mises à mort n’étaient exécutées que sur ordre d’Abū Tāhir, l’agent, soit en improvisant, soit sur ordre de celui qui l’avait envoyé, joua la carte de l’esclave insoumis et rebelle. Le but était de pousser son nouveau maître à ne plus savoir quoi faire de lui et à en référer au chef qarmate. Cette première étape atteinte, il fallait convaincre Abū Ṭāhir de sa « légende ». Nous supposons que les nombreux secrets révélés par Ibn Sanbar à son agent concernaient bien plus que la localisation des trésors d’Abū Saʿīd, le père d’Abū Ṭāhir. L’entretien qui eut lieu entre les deux hommes se conclut par le serment d’allégeance du chef qarmate à notre esclave.
Nous ne pouvons croire qu’Abū Ṭāhir, général expérimenté, habitué au renseignement[36], ait été un homme facilement manipulable. Il a forcément été convaincu par les nombreux secrets révélés par l’agent. Une fois que ce dernier eut atteint cette seconde étape de l’opération, il devait entamer la dernière phase, celle de la suppression des cibles d’Ibn Sanbar. Encore une fois, pour ce faire, il devait forcément avoir été familiarisé avec la façon d’agir des Qarmates pour ne pas éveiller les soupçons. Faire assassiner toutes ses cibles allait prendre du temps, l’agent ne pouvait se permettre d’adopter n’importe quelle approche. Il devait donc agir conformément à ce qu’attendaient les qarmates de l’imam caché. Ainsi, il justifia les mises à mort des individus ciblés par l’insincérité religieuse qu’il décelait dans leur cœur. L’agent put alors en éliminer un grand nombre sans être inquiété ; mais cela ne pouvait durer longtemps. L’étau se resserrait autour d’Abū Ṭāhir, ce qui le poussa à avoir peur pour sa propre vie et à remettre en question la légitimité de ce nouvel imam. Mais la mise à mort de celui-ci provoqua fit encore plus de victimes chez les Qarmates, puisqu’ils s’affrontèrent entre eux à son sujet. Il reste difficile d’établir si la mort de l’agent faisait également partie de la mission. Quoiqu’il en soit, l’opération qui commença avec l’infiltration de l’agent sous la couverture d’un esclave, puis celle d’imam caché eut pour effet un nombre important d’éliminations ciblées. Nous les considérons elles ne visaient que les Qarmates de rangs supérieurs et d’influence. La question est maintenant de savoir qui est à l’origine de cette opération.
Origine de l’opération
Pour tenter de savoir qui est derrière toute cette opération, on peut se demander à qui profite le crime. Sans hésitation aux Abbassides. Cela serait une trop grande coïncidence que cette opération ait lieu au moment où le calife al Muq’tadir, désespéré, est barricadé dans son propre palais, sans qu’il en soit à l’instigateur. En effet, il avait déjà, à de nombreuses reprises, tenté de neutraliser la menace qarmate, mais en vain. Al Muq’tadir avait fait appel à certains de ses généraux turcs, sollicité plusieurs de ses armées mais aucun d’entre eux ne fût efficace. Abū Ṭāhir était quasiment aux portes de Bagdad lorsqu’il prît Kūfa. Cependant, même si l’intervention du Perse a été profitable au calife, il reste invraisemblable, comme nous l’avons déjà dit plus haut, qu’une autorité sunnite ordonne à son agent de se faire passer mensongèrement pour l’imām caché ou pour un associé de Dieu dans l’omniscience. Par contre, du côté fatimide, nous avons l’exemple de ʿUbaydullāh al Mahdī qui n’a pas hésité à se faire passer pour l’imām caché. Et, l’histoire a montré que ce souverain fatimide n’hésitait pas non plus à faire supprimer ses rivaux, même ismaéliens, ou ceux qu’il jugeait gênants. Selon les sources, bien qu’officiellement ʿUbaydullāh condamnait fermement les agissements des Qarmates d’Abū Ṭāhir, il les soutenait secrètement car ils servaient ses intérêts. Sur la base des récits d’Ibn Hawqal, de Nasir Khusraw, d’Ibn al Jawzi et d’autres, De Goeje va même jusqu’à dire que les Qarmates étaient pilotés par ʿUbaydullāh.[37] Le souverain fatimide n’avait donc aucun intérêt à arrêter l’avancée des Qarmates qu’il dirigeait lui-même et encore moins à s’inventer un imam caché concurrent.
Une troisième possibilité existe. Cette opération a très bien pu être pilotée par un vétéran qarmate, forcément proche d’Abū Saʿīd ou de quelqu’un qui l’était, qui, pour trouver bonne grâce aux yeux du calife abbasside, aurait mis fin à la menace que représentaient Abū Ṭāhir et son armée. C’est la possibilité vers laquelle nous penchons le plus. ʿUbaydullāh n’avait aucun intérêt à cette opération, quand bien même il aurait pu se débarrasser d’Abū Ṭāhir laquelle revenait à s’inventer un concurrent dans l’imāmat et discréditer le statut qu’il s’était donné lui-même. Cette troisième possibilité colle tout à fait avec le récit rapporté dans différentes sources.[38]
De Goeje juge peu probable que l’instigateur de la mission de l’agent perse soit Ibn Sanbar, car les Banū Sanbar continueront après lui d’être fidèles à la cause qarmate et le fils d’al Ḥasan ibn Sanbar en sera même l’un des plus impliqués et des plus convaincus.[39] Cependant, ce qui engage le père n’engage pas forcément le fils. Nous ne pouvons ignorer la probable implication d’al Ḥasan Ibn Sanbar dans cette affaire. Combien de pères furent radicalement opposés à leurs propres fils ? Abdulwahhāb, le père de Muḥammad ibn Abdulwahhāb (fondateur éponyme du wahabisme) est un exemple parmi d’autres. Il mit publiquement en garde les gens contre l’hérésie de son fils Muḥammad.[40] Dans notre cas, Ibn Sanbar, probablement converti au sunnisme et n’ayant pas d’espoir d’influence sur son fils, a probablement agi de façon unilatérale. Autre possibilité : Ibn Sanbar, ayant eu connaissance de ce qui s’était passé avec Ḥamdan, aurait été déçu et, sans forcément se convertir au sunnisme, aurait cru voir là une occasion rêvée pour obtenir les faveurs du calife. Et comment mieux prouver sa sincérité qu’en trahissant son ancienne cause ? Dans tous les cas, le statut d’Ibn Sanbar rend tout à fait crédible le fait qu’il ait eu connaissance d’autant d’informations secrètes concernant son beau-fils Abū Sa’īd et qu’il sache exactement comment s’y prendre pour mettre fin à la menace d’Abū Tāhir.
A part les Abbassides, qui d’autre aurait pu avoir intérêt à cette opération ? Une vengeance personnelle d’Ibn Sanbar ? Cela reste possible, puisqu’il n’a envoyé qu’un seul homme et que cette mission n’a pas nécessité beaucoup d’efforts. Mais un qarmate convaincu n’aurait pu oser cette mascarade.
Ce qui nous semble tout de même plus probable, c’est qu’Ibn Sanbar, venant juste de se convertir sans s’être donné la peine de s’instruire religieusement, voulait simplement servir ses propres intérêts tout en servant ceux du calife. Cette opération a donc dû être préparée dans l’intérêt des Abbassides mais pilotée unilatéralement par Ibn Sanbar. Et, il n’est pas étonnant que celui-ci ait fait appel à son propre réseau de renseignement. Abū Tāhir avait lui-même ses agents en Irak, à Bagdad et à Kūfah, ainsi que dans l’armée du calife ! Les informations lui parvenaient relativement rapidement via les pigeons voyageurs.[41]
*
La présence de terminologie du renseignement dans des sources n’est pas une condition sine qua non pour y repérer des activités de recherche d’informations ou pour conclure à l’intervention du renseignement. Ce qui est par contre nécessaire au chercheur, c’est de savoir reconnaître de telles activités. Pour cela il faut se familiariser avec le renseignement. Toutefois, avant de parvenir à maîtriser les bases de ce métier et de ses principes, le chercheur néophyte pourrait être aidé par l’élaboration d’une méthode lui permettant de confirmer ou d’infirmer le recours au renseignement. Cette méthode pourrait être un ensemble de questions auxquelles devrait répondre l’historien. En fonction des réponses, il pourrait alors conclure à l’intervention du renseignement – ou non -, même si les sources ne mentionnent pas explicitement le recours à cette pratique. Ces questions doivent nécessairement être posées par des spécialistes du renseignement plus expérimentés que les historiens en la matière. Quelques questions pourraient être par exemple : dans un camp donné, y-a-t-il eu intervention d’un agent extérieur ? Cet agent a-t-il imposé une décision à celui ou ceux qu’il a infiltrés ? A-t-il tué ou fait tuer des gens du groupe ? A-t-il un lien avec un ou des ennemis du camp infiltré ? Est-il intervenu à un moment stratégique ? Le résultat de son intervention est-il à la défaveur du camp infiltré ? Est-il en faveur de son ennemi ? Ou d’un allié concurrent ? Etc… Cette méthode, qui aspire à faire la lumière sur ce que les sources ne disent pas, pourrait faciliter considérablement les recherches consacrées à l’histoire du renseignement.
La conclusion tirée de ses réponses, même si elle ne sera pas catégorique dans tous les cas, permettrait de nous éclairer un peu plus sur le déroulement de différents évènements historiques. Ainsi, l’historien pourra, malgré l’absence de références explicites dans les sources, pencher pour l’intervention du renseignement ou au contraire éliminer cette piste.
[1] Gérald Arboit, Le renseignement, dimension manquante de l’histoire contemporaine de la France, Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R), Rapport de recherche n°9, mars 2013, p. 34, (https://cf2r.org/recherche/le-renseignement-dimension-manquante-de-l-histoire-contemporaine-de-la-france/)
[2] Charifa Amharar, Le renseignement sous le règne de Saladin, mémoire de Mastère 2 d’histoire, Université de Rouen, 2010 (non publié.)
[3] Éric Denécé, Les services secrets, E/P/A, Paris, 2008, pp. 16-17.
[4] Voir à ce sujet Gérald Arboit, op. cit.
[5] Jules Lewal, Etudes de guerre. Tactique des renseignements, L. Baudoin & Cie, Paris, 1881, p. 2.
[6] Al Ǧayšarī, al Wizarā’ wa l-kuttāb [Les vizirs et les chanceliers], Musṭafā al-bābī al-ḥalabī, Le Caire, 1938, p. 265.
[7] Manuels géographiques. Ibn Ḫurdaḏbah, Ibn Ḥawqal et al Yaʿqubī, pour ne citer qu’eux parmi les auteurs de tels ouvrages, étaient soit agents, comme Ibn Ḥawqal, soit chef du renseignement comme Ibn Ḫurdaḏbah. Al Yaʿqubī, lui-même fonctionnaire du renseignement abbasside, était le descendant du chef du renseignement de l’Egypte, le célèbre Wadīḥ, qui fût exécuté pour avoir aidé Idrīs ibn Abdullāh al Kāmil – ancêtre éponyme de la dynastie des Idrissides – à s’enfuir au Maroc.
[8] Ce cycle est composé de quatre étapes : l’orientation, la collecte, le traitement et la diffusion (cf. E. Denécé, Les services secrets, op. cit., p.14).
[9] Biographie du Prophète.
[10] S.M. Stern, « Abdullāh ibn Maymūn », in Encyclopédie de l’Islam, I, Brill, Paris, 1960, pp. 49-50. Au sujet de la prédication ismaélienne da‘wa ismaélienne voir Abbas Hamdani, « Evolution of the Organizational Structure of the Fatimi Da‘wah», Arabian Studies, III, 1976, p. 86 ; ainsi que M. Canard, Encyclopédie de l’Islam, 2e édition, II, Brill, Paris, pp. 168-170.
[11] Cf. relation du Fihrist d’Ibn Nadīm citée dans De Goeje, Mémoire sur les Carmathes du Bahrein et les Fatimides, Brill, Leyde, 1886, p. 17.
[12] Ṭabarī, Tārīḫ al-rusul wa l-mulūk [Histoire des prophètes et des rois] X, Dār at-turāṯ, Beyrouth, 1967, p. 63] ; W. Madelung, Karmaṭī, in Encyclopédie de l’Islam, V, Brill, Paris, 1960, pp. 687-69
[13] Idem ; J.-F. Michaud, Biographie Universelle, VI, Chez Madame C. Desplaces, Paris, 1854, p. 163.
[14] Missionnaire
[15] ʿŪbaydullāh, descendant présumé de ʿAbdullāh ibn Maymūn, devint chef des Ismaéliens vers 893.
[16] De Goeje, op. cit., p. 28.
[17] Al-Maqrizī, Ittiʿāẓul-ḥunafā’ bi akhbāri l-a’imati l-fāṭimiyyīna l-ḥulafā’ [L’exhortation des fidèles par les notices des imams fatimides], I, al-Majlis al-aʿlā liššu’ūn al-islāmiyya, Le Caire, 1996, p.1 60.
[18] Ibid, p. 37.
[19] Cf. Seyyed Hossein Nasr, Ismaili Contributions to Islamic Culture, éd. Imperial Iranian, Academy of Philosophy, Téhéran, 1977, pp. 227-265.
[20] De Goeje, op. cit., pp.63-64 et 67-68.
[21] ʾArīb, Ṣilatu tārīḫ Ṭabarī [Continuation de l’Histoire de Tabari], Brill, Londres, 1897, pp. 9-10.
[22] Ṭabarī, op. cit., pp. 161-62.
[23] Tabari dit qu’Abū Saʿīd commença sa mission au Bahreîn vers l’an 899 (cf, Ṭabarī, op.cit., X, p. 71).
[24] Pèlerinage à La Mecque.
[25] Ṭabarī, op. cit., p. 344 ; Ibn al-Aṭīr, al-Kāmil fī t-tārīḫ [Histoire complète], VII, Dār al-Kitāb al ʿarabī, Beyrouth, 1997, p. 76.
[26] Idem.
[27] Il y a eu une double infiltration : d’abord une infiltration à Kūfa, pour se faire prendre comme esclave puis celle du quartier général qarmate.
[28] ʿArīb, op. cit., pp. 162-163.
[29] Ṭabarī, op. cit., XI, p. 344.
[30] Idem.
[31] De Goeje, op. cit., p. 131.
[32] Al-Maqrizī, op. cit., p. 160,
[33] Voir Nawawī, Rawḍatu ṭ-ṭālibīn [Manuel de jurisprudence šāfiʿite], X, al-Maktab al-Islāmī, Beyrouth/Damas, 1991, pp. 64-65 ; Mullā ʿAlī al-Qārī, Minaḥu l-rawḍi l-azhari fī šarḥ fiqhu l-akbar [Commentaire du traité de croyance attribué à l’imām Abū Ḥanīfa], Dār al-bašā’ir al-islāmiyyah, Beyrouth, 1998, p. 483.
[34] Idem ; Ibn ʿĀbidīn, Rad al-muḥtār ʿalā d-dari l-Muḫtār [Manuel de jurisprudence ḥanafite], IV, Dār al-fikr, Beyrouth, 1992, p. 221; Muḥammad ʿIlaych, Manḥu l-ǧalīl šarḥ muḫtaṣaru l-Ḫalīl [Commentaire de l’abrégé de jurisprudence mālikite d’al Ḫalīl], IX, Dār al-fikr, Beyrouth, 1989, p. 210 ; Mullā ʿAlī al-Qārī, op. cit., p. 485.
[35] Mullā ʿAlī al-Qārī, op. cit., p. 372.
[36] Cf. ʿArīb, op. cit., p. 111.
[37] De Goeje, op. cit., pp. 81-82.
[38] Ṭabarī, op. cit., XI, p. 344-345 ; ʿArīb, op. cit., pp. 162-163.
[39] De Goeje, op. cit, p. 134 ; Ibn Ḥawqal, Masālik wa mamālik [Le livre des routes et des royaumes], Brill, Leiden, 1872 , p. 108 ; Ṭabarī, op. cit., XI, p.345.
[40] Muḥammad ibn Abdullāh ibn Ḥumayd al-Naǧdī, as-Suḥuub l-wābilah ʿalā ḍarā’iḥi l-ḥanābilah [Biographies de savants ḥanbalites], éd. Maktabatu l-imām Aḥmad, Beyrouth, 1996, pp. 275-76.
[41] ʿArīb rapporte qu’en l’an 311, lorsqu’Abū Ṭāhir entra à Bassorah, il savait déjà que le calife avait remplacé le vizir, chose qui était à l’avantage des Qarmates. Cette nouvelle lui était parvenue directement de Bagdad par pigeons voyageurs (cf. ʿArīb, p. 111).