Yémen : d’anciens détenus de Guantanamo ont repris du service au sein d’Al-Qaida
Alain RODIER
Selon le Pentagone, 61 des 520 anciens détenus de Guantanamo ayant été libérés auraient repris du service au sein d’Al-Qaida. Les services de renseignement américains détiendraient des preuves formelles de l’implication de 18 d’entre eux dans des activités terroristes.
Début 2009, deux d’entre eux sont apparus sur deux vidéos diffusées par un site islamique. Il s’agit du Saoudien Abou Soufyan al-Azdi al-Shihri (détenu numéro 372) qui serait devenu un des adjoints de Naser Abdel Karim al-Wahishi, le dirigeant d’Al-Qaida dans la péninsule arabique [1] ; et d’Abou al-Hareth Muhammad al-Oufi (détenu numéro 333) [2] qui se présente comme un chef de guerre d’Al-Qaida. Ils expliquent que : « par Dieu, l’emprisonnement a seulement renforcé notre fidélité à nos principes pour lesquels nous sommes partis, nous avons mené la guerre sainte puis nous avons été arrêtés ». La preuve est désormais faite que les anciens prisonniers de Guantanamo sont accueillis comme des héros par Al-Qaida et qu’ils sont même ensuite promus au sein de l’organisation terroriste.
Al-Shihri avait été capturé, après avoir été blessé par un bombardement à la frontière afghano-pakistanaise en décembre 2001. Il avait été l’un des tous premiers pensionnaires du camp X-Ray de Guantanamo. Il lui était reproché d’avoir fourni de l’argent aux moudjahiddines et d’avoir participé à des entraînements dans un camp situé au nord de Kaboul. Il était également soupçonné avoir rencontré des activistes islamiques en Iran et leur avoir facilité le passage en Afghanistan. En aucun cas il ne s’agissait alors d’un cadre dirigeant d’Al-Qaida. Il a été libéré en 2007 et transféré en Arabie Saoudite où il devait suivre un programme de réinsertion. Après s’être marié, il serait passé clandestinement au Yémen.
Les cas similaires les plus connus sont les suivants :
- le Koweitien Abdullah al-Ajmi, libéré en 2005, qui a commis un attentat-suicide à Mossoul en Irak en avril 2008 ;
- Abdullah Mehsudin Khattak, qui s’est fait exploser plutôt que de se rendre aux autorités pakistanaises en juillet 2007;
- Rusian Odizheh, qui a été tué par les forces de sécurité russes en juin 2007 à Naltchik en Kabardino-Balkarie ;
- Mohamed Youssouf Yakoub, relâché le 8 mai 2003, puis tué le 7 mai 2004 dans le sud de l’Afghanistan alors qu’il assurait la coordination entre différences forces talibanes ;
- Abdullah Meshud, libéré en mars 2004, qui a mené une opération suicide au Pakistan en juillet 2007 (son rôle consistait alors à assurer la liaison entre Al-Qaida et les talibans au Pakistan) ;
- Muallavi Abdul Ghaffar qui, après avoir été détenu huit mois à Guantanamo en 2002 est devenu le chef de talibans pour les provinces d’Helmand et d’Uruzgan avant d’être abattu par les forces afghanes le 25 septembre 2004 ;
- Mohammed Islamil, relâché en 2004 pour être finalement repris en mai de la même année alors qu’il combattait les forces américaines ;
- Abdul Rahman Noor, libéré en juillet 2003, il combattrait actuellement dans la province de Kandahar ;
- Mohammed Nayim Farouq, relâché en juillet 2003, il aurait rejoint les rebelles en Afghanistan.
Début 2009, il restait 245 détenus – dont une centaine de Yéménites – dans la prison de Guantanamo. Dans les jours qui ont suivi son investiture, le président Barack Obama a signé le décret ordonnant la fermeture de ce centre de détention dans un délai d’un an.
Certains des détenus devraient être renvoyés dans leur pays d’origine ou dans des pays tiers, si ces derniers les acceptent. Ceux qui sont considérés comme les plus dangereux pourraient être incarcérés aux Etats-Unis. Cependant, le problème de l’application stricte de la législation américaine que souhaite la nouvelle administration Obama se pose. En effet, il convient que ces prévenus soient jugés et condamnés en bonne et due forme. Il est tout à fait possible que certains soient libérés faute de preuves suffisantes ou recevables. En particulier, les aveux recueillis dans des circonstances discutables – particulièrement si ces aveux ont été obtenus en employant des moyens qui peuvent être assimilés à des actes de torture comme le waterboarding – rendent toute procédure caduque.