Le jeu vidéo et la guerre en Ukraine
Valère LLOBET et Théo CLAVERIE
Depuis février 2022 et l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes, on assiste à une utilisation sans précédent du jeu vidéo dans le cadre du conflit. Bien que souvent considéré comme un simple loisir destiné à la jeunesse, le jeu vidéo représente aujourd’hui un marché économique particulièrement développé qui connaît une croissance presque continue[1] et qui touche toutes les catégories de population, atteignant en 2023 quasiment un tiers de la population mondiale[2]. Ainsi, il n’est pas étonnant que l’industrie vidéoludique et ses productions soient impliquées directement ou indirectement dans le cadre d’un conflit contemporain.
Le jeu vidéo, a fortiori les jeux de stratégie, de gestion ou FPS[3], ont toujours eu pour particularité de se nourrir des conflits pour proposer aux joueurs une expérience toujours plus immersive. Déjà en 1992, le jeu Desert Strike : Return to the Gulfdéveloppé par Electronic Arts avait utilisé la toute récente opération Tempête du désert (1991) comme cadre pour son scénario[4]. Ces dernières années, on ne compte plus les jeux faisant référence à des tensions géopolitiques et des conflits récents ou toujours en cours. Citons la guerre d’Afghanistan de 2001 avec le jeu Medal of Honor en 2010 ; la guerre d’Irak de 2003 avec le jeu Call Of Duty 4 : Modern Warfare en 2007 ; ou encore Frontlines : Fuel of War en 2008. Ce dernier imagine que les tensions au Moyen-Orient entre Israël, l’Iran et l’Arabie saoudite entraînent une raréfaction des ressources poussant le monde à une troisième guerre mondiale en 2024. Précisons que ce scénario d’anticipation oppose les forces de l’OTAN à la Russie et la Chine, unies au sein de l’Organisation de coopération de Shanghai.
Ainsi le conflit ukrainien ne pouvait faire exception. Mais outre la publication de jeux dédiés au conflit, on note surtout pour la première fois un recours inédit à l’ensemble des moyens et outils fournis par le médium vidéoludique. Ceux-ci concernent aussi bien la guerre de l’information, la propagande et l’influence culturelle, que les matériels militaires et outils dédiés à la formation des troupes.
Propagande, guerre de l’information et influence culturelle
Sur de nombreux aspects, le jeu vidéo est devenu un outil puissant dans la guerre de l’information, dans les opérations de propagande et l’influence culturelle. Le conflit russo-ukrainien en fournit l’exemple puisqu’à plusieurs égards et l’industrie vidéoludique et ses créations y jouent un rôle non négligeable.
Propagande et désinformation
Rappelons tout d’abord que, dans les deux camps, l’emploi d’images extraites de jeux vidéo à des fins de propagande et de diffusion de fausses informations n’est pas rare. Cette utilisation s’avère plutôt efficace puisque plusieurs médias s’y sont laissé prendre. La forte couverture médiatique autour du conflit ukrainien permet une diffusion massive d’images prétendument tournées sur le front, à raison de centaines de nouvelles vidéos et photographies chaque jour[5]. Parmi ces images, on trouve « des éléments fabriqués de toutes pièces, souvent à partir d’images issues de jeux vidéo que le réalisme visuel peut, pour un œil non-averti, aider à faire passer pour des images réelles. Le jeu le plus fréquemment utilisé à ces fins est Arma III (2013) produit par le studio tchèque Bohemia Interactive, servant de base au simulateur de combat Virtual Battlespace 3 »[6]. Même si, parmi les diffuseurs de ces publications, certains ne cherchent qu’à propager de fausses informations par pur « loisir »[7], les développeurs d’Arma III ont tenu à préciser qu’ils refusaient que leur production soit employée « à des fins de propagande»[8]. C’est pourtant bien ce jeu, conjointement au simulateur de pilotage d’origine russe Digital Combat Simulator[9], qui est à l’origine des images du prétendu « Fantôme de Kiev », pilote de chasse ukrainien devenu héros de guerre.[10]
Une telle pratique n’est toutefois pas une première, car en 2017, le ministère de la Défense de la Fédération de Russie avait publié des images « montrant que les États-Unis couvraient les combattants de l’organisation de l’État islamique dans le but de les équiper militairement et de défendre les intérêts américains au Moyen-Orient ». Ces images se sont avérées provenir du jeu nord-américain AC-130 GunShip Simulator (2014)[11].
Influence culturelle : les mesures occidentales et ukrainiennes à l’encontre de la Russie
En parallèle du conflit armé, l’Ukraine mène une campagne d’influence culturelle en Occident à l’encontre de la Russie, et le jeu vidéo y joue un rôle non négligeable. D’après le chercheur Yevgeniy Golovchenko, Kiev considère « qu’il n’y a pas que les exportations russes de pétrole ou de gaz qu’il faut limiter, mais il en va de même pour les produits culturels et le jeu vidéo est un représentant important de cette industrie »[12]. À titre d’exemple, le jeu Atomic Heart (2023), édité par Mundfish Studio, met en scène une dystopie présentant une Union soviétique conquérante. Les origines russes du studio de développement, ainsi que l’apparente glorification de l’imagerie soviétique dans le jeu[13], ont suscité une véritable polémique et un appel au boycott. Le jeu était également soupçonné de collecter les données des utilisateurs et d’utiliser potentiellement « des fonds provenant des ventes du jeu pour continuer à faire la guerre contre l’Ukraine », selon Alex Bornyakov, ministre ukrainien de la Transformation digitale[14].
En mars 2022, le vice-Premier ministre ukrainien Mykhailo Fedorov appelait également au boycott du marché vidéoludique russe. Il demandait notamment l’instauration de sanctions à l’encontre des utilisateurs russes et biélorusses, comme le blocage des comptes en ligne, l’arrêt des participations aux compétitions eSport[15] et l’annulation d’événements internationaux de la discipline organisée en Russie et en Biélorussie[16]. Ces mesures visaient, selon lui, à pousser « les citoyens de la Russie à arrêter de façon proactive cette honteuse agression militaire »[17]. De nombreux grands studios de développement et d’édition de jeux, comme CD Projekt Red, Sony, Nintendo, Microsoft, Activision ou encore Ubisoft ont répondu à l’appel en retirant leurs productions du marché russe[18].
En plus de ces mesures, le groupe Electronic Arts a déclaré que l’édition 2023 de son célèbre jeu de football FIFA n’intègrera aucune équipe russe. Cette décision s’inscrit dans une volonté d’exprimer sa « solidarité avec le peuple ukrainien » et « d’appeler à la paix et à la fin de l’invasion »[19]. De la même manière, Nintendo a annoncé le report indéterminé de la sortie du jeu de stratégie Advance Wars, certains de ses généraux fictifs étant inspirés de la culture soviétique[20]. Notons également qu’une polémique a éclaté autour du jeu de stratégie World Of Tanks, jeu biélorusse dont la moitié des serveurs se trouveraient en Russie, alors même que de nombreux soldats ukrainiens profitent de leur temps libre sur le front pour jouer à ce jeu très populaire[21].
Influence culturelle : les mesures occidentales en faveur de l’Ukraine
Le rejet du jeu vidéo d’origine russe n’est qu’une facette de l’influence culturelle et économique du jeu vidéo dans le conflit. En effet, une partie de l’industrie vidéoludique occidentale œuvre à soutenir des ONG intervenant en Ukraine. Par exemple, le studio britannique Perp Games reverse 10% des bénéfices de son jeu Chernobylite à l’UNICEF. Blizzard propose aux joueurs de World of Warcraft l’achat d’une mascotte virtuelle[22] dont les bénéfices – 1,5 million de dollars en octobre 2023 – sont reversés à une ONG ukrainienne, BlueCheck Ukraine[23]. Le studio Epic Games a reversé les bénéfices du jeu Fortnite du 20 mars au 3 avril 2022 à plusieurs associations humanitaires œuvrant en l’Ukraine, parmi lesquelles Direct Relief, l’UNICEF, le World Food Program (WFP) et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés. La cagnotte finale s’élevait à 144 millions de dollars[24]. Dans la continuité de ces élans de solidarité, les développeurs ukrainiens encouragent les joueurs à télécharger des jeux issus de leur industrie nationale afin les soutenir[25].
La guerre inspire également les créateurs. En effet, plusieurs jeux ont vu le jour, reprenant plus ou moins parodiquement des épisodes du conflit. Parmi eux, Ukraine Defense Force Tactics, jeu de stratégie créé par le studio polonais Spacewalker Games, basé sur la défense du territoire ukrainien contre un envahisseur russe supérieur en nombre. Le studio a présenté ce jeu comme un projet de charité, l’intégralité des profits étant reversé directement à l’Ukraine. Dans Farmers Stealing Tanks, jeu gratuit proposé par le studio indépendant PixelForest, le but est de remorquer des chars russes abandonnés grâce à un tracteur. Ce jeu s’inspire d’événements réels qui ont été largement médiatisés au début du conflit, par leur caractère insolite[26]. Bien que le jeu soit en accès libre, son menu principal incite le joueur à adresser un don à la Banque nationale d’Ukraine ou à une organisation humanitaire comme l’UNICEF, l’UNHCR ou le Programme alimentaire mondial (PAM). Des boutiques de produits dérivés, dont les bénéfices sont reversés aux mêmes organismes, y sont également mises en avant. Le chercheur Julien Lalu explique, au sujet de Farmers Stealing Tanks, qu’il y a aussi « tout un pan du conflit qui tourne autour des médias, de la communication et du soft power ». Il ajoute, qu’outre la critique de la guerre, le jeu œuvre à « humilier l’ennemi, avec cette ambivalence du tracteur contre le char »[27].
Influence culturelle : les actions russes
Côté russe, l’heure est moins à la création de nouveaux supports qu’à l’appropriation de jeux déjà existants et populaires. Ainsi a-t-on pu voir des joueurs russes reconstituer la bataille de Soledar dans Minecraft, le défilé de la victoire des chars soviétiques à Moscou en 1945 dans World of Tanks[28], ou encore une parade en ligne, sur le jeu Roblox, à l’occasion de la fête nationale russe[29].
De plus, d’après l’Institute for the Study of War[30], le groupe Wagner cherche à recruter des « personnes âgées de 21 à 35 ans ayant une expérience de jeu[31] » et ce, même sans expérience militaire. L’objectif étant de piloter des drones, des candidats disposant d’une expérience dans le jeu vidéo semblent suffire à la société militaire privée russe[32].
La popularité du support vidéoludique en fait donc un outil de choix pour des opérations de propagande et d’influence culturelle. A l’instar des autres productions artistiques, le jeu vidéo est aujourd’hui un outil à part entière du Soft Power des États.
Accessoires, matériels, formations et systèmes de simulation virtuels
Au-delà de l’affrontement informationnel et culturel, le jeu vidéo a acquis une place notable dans le conflit ukrainien car il offre des outils et des services à destination des forces armées, et ce, au travers d’un médium disposant d’une grande modularité pour un coût financier relativement faible.
Les accessoires et les matériels
Les matériels et accessoires issus du jeu vidéo sont utilisés depuis de nombreuses années dans le monde militaire. En effet, divers équipements s’inspirent, voire utilisent directement, des manettes et des périphériques originellement créés pour les consoles de jeu. On peut citer le contrôleur de tir du char Challenger 2 et la manette du véhicule de combat M-SHORAD qui possèdent de nombreuses ressemblances avec plusieurs manettes de jeu, dont celle de la Nintendo 64[33]. Mentionnons également l’utilisation de la manette de la Xbox 360 pour contrôler des drones, des périscopes de sous-marins[34], ou encore des robots tactiques polyvalents (RTP)[35] comme l’Aurochs, un véhicule franco-allemand, qui peut être piloté avec plusieurs manettes de jeu différentes selon les préférences de l’opérateur[36].
De même, en 2013, les forces armées sud-coréennes ont acquis des kinects – caméras à détection de mouvement – utilisées comme périphériques de jeu pour les consoles de Microsoft. Ces accessoires étaient déployés pour surveiller la zone démilitarisée (DMZ) entre le nord et le sud de la Corée[37]. Cette utilisation des manettes de jeu vidéo est tellement importante que des partenariats ont même été tissés entre les forces armées et les entreprises spécialisées. Par exemple, l’US Army et l’entreprise Logitech se sont associés pour fournir des manettes et des adaptateurs pour le contrôle de drones ou pour les engins autonomes de déminage[38].
Le conflit en Ukraine ne pouvait donc pas faire exception et on assiste à une évolution significative dans l’utilisation de matériels et d’accessoires de jeux vidéo. En effet, en plus des manettes employées pour le pilotage de drones, on note depuis le printemps 2023 que les forces ukrainiennes utilisent directement des consoles de jeu sur le champ de bataille. Plus précisément, c’est la console hybride[39] développée par l’entreprise américaine Valve, le Steam Deck, qui est détournée comme contrôleur à distance d’une tourelle. Le dispositif, nommé « Shablia », est constitué d’un fusil-mitrailleur lourd PKT et d’un bac à munitions[40], le tout installé sur un trépied électronique équipé d’une caméra[41] qui est contrôlé à distance (jusqu’à 500 mètres) par la console de jeu[42]. Notons que la mitrailleuse installée sur Shablia pourrait être remplacée par d’autres armes anti-personnelles ou antichar légères[43]. La tourelle a été développée par la société ukrainienne Global Dynamics, grâce à une campagne de financement participatif en ligne lancée en 2015 et qui a récolté 12 000 dollars[44]. Cette dernière aurait permis de livrer dix exemplaires de la tourelle aux troupes de Kiev[45] et aux forces de défense territoriale ukrainiennes[46].
Le Steam Deck n’étant disponible sur le marché que depuis le 25 février 2022, son implémentation sur le système Shablia est donc très récente. La console a été choisie pour plusieurs raisons : d’abord, parce que son système d’exploitation intégré est facilement modifiable[47]. Ensuite, parce qu’elle possède un poids minime de 700 grammes pour une grande puissance de calcul[48]. Enfin, grâce à son prix attractif de 399 dollars[49], inférieur à celui des contrôleurs militaires présentant les mêmes caractéristiques[50].
Ajoutons à cela une raison ergonomique[51]. En effet, le Steam Deck est équipé d’un gyroscope, d’un écran tactile, d’un trackpad, d’une croix directionnelle, de deux sticks analogiques ainsi que de plusieurs boutons et gâchettes[52]. Avec un choix aussi large de contrôles différents, l’ensemble des opérateurs peut utiliser ce matériel de manière personnalisé dans la même logique que celle du RTP Aurochs, précédemment cité[53]. Cette modularité permet également aux militaires de se former plus rapidement à l’usage de nouveaux matériels.
La formation et les systèmes de simulation virtuels
Dans le domaine opérationnel, la simulation dite « virtuelle » passe par la simulation des environnements et des matériels ainsi que de leurs effets, mais chaque opérateur contrôle ses propres actions, contrairement à une simulation dite « constructive » qui simule également les troupes en présence. Elle permet un drill[54] très poussé grâce à une mise en situation immersive et un bon engagement physique des entraînés[55]. La simulation virtuelle présente de nombreux avantages, notamment la rapidité et la facilité de mise en œuvre, ainsi que les économies en matériel qu’elle permet. Or, le temps et les moyens étant deux ressources précieuses pour l’Ukraine, il n’est pas surprenant que ses forces armées emploient divers systèmes de simulation virtuelle pour la formation et l’entraînement des troupes.
A l’échelle du fantassin, les soldats ukrainiens s’entraînent sur des systèmes de simulation virtuelle comparables au SITTAL (Simulateur d’instruction technique aux armes légères d’infanterie) français, composés d’écrans géants interactifs et d’armes factices infrarouges[56]. Il s’agit de champs de tir virtuels et interactifs permettant de former rapidement, discrètement et à moindre coût, les soldats au maniement des armes. Le système de tir par capteur infrarouge permet également de ne consommer aucune munition et de n’user aucune arme, ressources précieuses dans ce conflit, a fortiori lorsque celles-ci sont à usage unique comme le lance-missile antichar NLAW suédois[57].
L’armée ukrainienne a également commencé à percevoir des avions F-16 américains. Il a été décidé que la livraison ne serait effectuée qu’une fois la formation des pilotes achevée[58]. Cette dernière s’est effectuée notamment sur simulateur virtuel, plus précisément sur Digital Combat Simulator (DCS). Il s’agit d’un jeu vidéo de simulation « grand public » édité par Eagle Dynamics, studio d’origine russe basé en Suisse romande[59]. Chaque pilote en formation dispose d’une copie du jeu, d’un levier de poussée, d’un joystick et de lunettes de réalité virtuelle[60]. Rappelons que l’un des développeurs du jeu, Oleg Tishchenko, a été condamné en 2019 pour s’être procuré par le biais d’eBay, dans un souci de réalisme, un manuel technique de chasseur F-16, en contournant les réglementations américaines d’export de matériel militaire[61].
Notons que le Wargame, système de simulation sur plateau dédié à l’entraînement des officiers d’états-majors[62], est également employé activement par les stratèges ukrainiens, principalement pour tester les futures stratégies d’offensives et les réadapter en fonction des résultats obtenus. Ainsi, les offensives sur Kherson et Kharkiv en août et septembre 2022 ont été planifiées après avoir été mises à l’épreuve sur plateau[63]. Les Wargames ukrainiens s’appuient sur la simulation informatique qui permet de prendre en compte de nombreux paramètres, notamment les différences techniques entre les chars utilisés par les deux belligérants. L’informatisation du Wargame pour la simulation des stratégies futures, et donc la numérisation du champ de bataille, offre ainsi une plus grande précision. Cette informatisation permet également une prise en compte plus sûre du matériel occidental dont est issue une bonne partie des équipements et des armements ukrainiens, leurs caractéristiques pouvant être directement implémentées dans le système informatique. De manière générale, la planification d’une stratégie par la simulation semble permettre aux forces ukrainiennes de se préparer à réagir à toutes les situations. Ce mode opératoire se différencie drastiquement de la doctrine russe qui planifie et respecte un schéma d’action rigide qui laisse peu de place aux initiatives et qui bride significativement la capacité de réaction face aux imprévus[64].
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Depuis l’invasion russe de l’Ukraine en 2022, le jeu vidéo est devenu une composante non négligeable du conflit. L’utilisation des productions et du matériel vidéoludique dans le domaine militaire, du renseignement ou encore de la guerre économique offre au médium une place nouvelle unique dans les domaines de la guerre de l’information, de l’innovation en matière d’armement et de la formation.
Grâce à un format d’image particulièrement adapté à leur diffusion au travers des réseaux sociaux, un coût de formation réduit ou encore des fonctionnalités et l’ergonomie unique de ses périphériques, le jeu vidéo est un véritable atout dans le cadre des conflits actuels, qu’ils soient de haute intensité ou asymétriques.
Par exemple, dans le cadre du conflit de 2023 entre Israël et le Hamas, on constate également le détournement d’images tirées de jeux vidéo dans un but de désinformation. En effet, dans les jours qui ont suivi les attaques terroristes du 7 octobre et le déclenchement de la riposte par Tel-Aviv, on a pu assister à l’utilisation sur les réseaux sociaux de séquences de jeux vidéo issues, là encore, de ARMA III[65] et de Digital Combat Simulator[66]. Ces séquences représentent des batteries anti-missiles, des destructions d’hélicoptères israéliens par des combattants palestiniens ou encore des escadrilles d’avions en route pour Gaza.
Les enseignements tirés du conflit russo-ukrainien quant à l’usage du jeu vidéo comme outil de désinformation semblent avoir été assimilés. Il y a fort à parier que ce mode opératoire se reproduise à l’avenir, notamment lorsque l’attention médiatique est focalisée sur un conflit potentiel, naissant ou acté.
[1] Ce marché représentait environ 184,4 milliards de dollars en 2022 (cf. Wijman Tom, « The Games Market in2022 : The Year in Numbers », Newzoo, 21 décembre 2022).
[2] En 2023, on compterait 3,38 milliards de joueurs de jeux vidéo dans le monde (cf. Newzoo, Global Games Market Report 2023, Amsterdam, octobre 2023, pp. 16-24).
[3] Acronyme de First Person Shooter ou « jeu de tir à la première personne ».
[4] Précisons que, malgré de très importantes similitudes, le scénario ne mentionne pas nominalement l’Irak ni Saddam Hussein et son régime.
[5] Olivier Dujardin, « Méfiez-vous de la preuve par l’image ! », CF2R, Note Renseignement, Technologie et Armement n°56, 18 avril 2023.
[6] Valère Llobet et Théo Claverie, « Renseignement et jeux vidéo », CF2R, Note Renseignement, Technologie et Armement n°57, mai 2023.
[7] « Trolls are Using This Life-like Video Game to Spread Misinformation About the Ukraine War », Euronews, 3 janvier 2023.
[8] Matt Kim, « Arma 3 Developers are Fighting Against In-Game Footage Being Used as War Propaganda », IGN, 29 novembre 2022.
[9] Maxime Recoquillé, « Martyrs de l’île des Serpents, « fantôme de Kiev »… L’Ukraine en quête de héros », L’Express, 25 février 2022.
[10] Valère Llobet et Théo Claverie, « Renseignement et jeux vidéo », op. cit.
[11] « Guerre en Ukraine : Les jeux vidéo au centre de la désinformation », DeusSearch, 5 mars 2022.
[12] Sébastien Seibt, « Guerre en Ukraine : Atomic Heart, un jeu vidéo sous influence russe ? », France 24, 23 février 2023.
[13] Ibid.
[14] « L’Ukraine réclame le retrait du jeu vidéo Atomic Heart » », HuffPost, 23 février 2023.
[15] L’eSport désigne la pratique du jeu vidéo au niveau professionnel. Les parties entre joueurs professionnels, souvent sponsorisées par des entreprises, sont médiatisées et diffusées à la manière des sports traditionnels.
[16] Raphaël Lavoie, « L’Ukraine appelle PlayStation, Xbox et toute l’industrie du jeux vidéo à sévir contre la Russie », Pèse sur Start, 2 mars 2022.
[17] Ibid.
[18] Andy (pseudonyme), « Les conséquences du conflit Ukraine-Russie sur le jeu vidéo », Le Mag Jeux High-Tech, 26 mars 2022.
[19] « Guerre en Ukraine : Le jeu FIFA 23 ne proposera aucune équipe de football russe », 20 Minutes, 22 juillet 2022.
[20] L.M. (pseudonyme), « Guerre en Ukraine : Nintendo reporte la sortie de l’un de ses jeux vidéo », La Voix du Nord, 9 mars 2022.
[21] Anne Castella, « Les soldats ukrainiens jouent à la guerre pour le plaisir et ça dérange », Watson, 7 septembre 2023.
[22] Comme beaucoup de jeux en ligne massivement multijoueurs, World of Warcraft propose des ajouts payants, notamment, comme ici, de petites mascottes pouvant accompagner le personnage du joueur.
[23] Louis Nicod, « World of Warcraft – Les joueurs réunissent 1,5 million de dollars pour BlueCheck Ukraine », Actualités Jeux Vidéo, 12 octobre 2023.
[24] Valentin Boero, « En 5 jours, Fortnite a déjà récolté 70 millions de dollars pour l’Ukraine », Les Inrockuptibles, 28 mars 2022.
[25] Isabelle Hontebeyrie, « Jeux vidéo : soutenir l’Ukraine », le Journal de Québec, 19 mars 2022.
[26] Début 2022, de nombreuses images montrant des tracteurs ukrainiens remorquant des chars russes abandonnés avaient circulé en ligne, en faisant l’un des symboles de la résistance ukrainienne.
[27] Ibid.
[28] Steven Lee Myers & Kellen Browning, « Russia Takes Its Ukraine Information War Into Video Games », The New York Times, 30 juillet 2023.
[29] Sacha Carion, « Minecraft, Roblox : comment la Russie utilise les jeux vidéo comme canal de propagande », Géo, 31 juillet 2023.
[30] Karolina Hird, Nicole Wolkov, Grace Mappes & Mason Clark, « Russian Offensive Campaign Assessment », Institute for the Study of War, ISW Press, 19 juin 2023.
[31] Laurent Morales, « Guerre en Ukraine : pourquoi le groupe paramilitaire russe Wagner cherche à recruter des joueurs de jeux vidéo »,L’indépendant, 20 juin 2023.
[32] Ibid.
[33] Manuel Castejong, « Sous-marin Titan : la manette Logitech n’est pas si ridicule », Frandroid, 23 juin 2023.
[34] Ibid.
[35] Laurent Lagneau, « L’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis présente l’Aurochs, un robot-mule (très) prometteur », Opex 360, 14 juillet 2019.
[36] Bogdan Bodnar, « Des soldats ukrainiens se servent d’un Steam Deck pour contrôler une mitrailleuse », Numerama, 26 avril 2023.
[37] Julien Bonnet, « Le Kinect de Microsoft transformé en garde-frontière entre les deux Corées », L’Usine Digitale, 4 février 2014.
[38] Manuel Castejong, op. cit.
[39] Une console dite « hybride » possède deux modes d’utilisation : portable et fixe, connectée à un écran.
[40] Bogdan Bodnar, op.cit.
[41] Camille Allard, « Ukraine : la console de jeu Steam Deck utilisée pour le combat », Gameblog, 3 mai 2023.
[42] https://www.facebook.com/tro.media.news/posts/pfbid02WH8wn384mZtJtagg9QnK9MnEFNpmjX6NLTyd3xzFsEtMmWM9cV55hVkvT8GvjJeEl
[43] Adrian Branco, « Guerre en Ukraine : le Steam Deck pilote des mitrailleuses automatisées ! », 01 Net, 28 avril 2023.
[44] Bogdan Bodnar, op.cit.
[45] Sylvain Biget, « Ukraine : une mitrailleuse robotisée télécommandée par une console de jeux », Futura Science, 10 mai 2023.
[46] Adrian Branco, op. cit.
[47] Le système intégré du Steam Deck est appelé un Steam OS, un distribution Linux, qui est capable de faire fonctionner l’ensemble des systèmes Linux et Windows.
[48] Adrian Branco, op. cit.
[49] Prix de vente de l’appareil sur le site officiel : https://www.steamdeck.com/fr/.
[50] Camille Allard, op. cit.
[51] Bogdan Bodnar, op.cit.
[52] Ibid.
[53] Aurore Gayte, « Conduire un drone armé, c’est mieux avec une manette de Xbox », Numerama, 12 mai 2023.
[54] Entraînement par la répétition d’un geste ou d’une manœuvre.
[55] Valère Llobet et Théo Claverie, « Les systèmes de simulation opérationnelle », CF2R, Note Renseignement, Technologie et Armement n°55, avril 2023.
[56] John Hendren, « Ukrainian military training : Forces partner with video game maker », Al Jazeera English, 6 août 2022.
[57] Ibid.
[58] « Ukraine : les F-16 seront livrés une fois les pilotes formés », Euronews, août 2023.
[59] Daniel Schurter, « Un jeu vidéo romand permet de former les pilotes de chasse ukrainiens », Watson, 7 octobre 2023.
[60] Ibid.
[61] Valère Llobet et Théo Claverie, « Renseignement et jeux vidéo », op.cit.
[62] Valère Llobet et Théo Claverie, « Les Wargames », CF2R, Note Renseignement, Technologie et Armement n°62, septembre 2023.
[63] Hugo Lallier, « Ukraine : les Wargames, ces simulations prisées des soldats de Kiev pour préparer les combats », l’Express, 10 mars 2023.
[64] Ibid.
[65] Reuters Fact Check, « Fact Check : Clip Shows Arma 3 Gameplay, not Israel’s Laser Weapon System », Reuters, 18 octobre 2023.
[66] Pierre Monnier, « Attaques du Hamas en Israël : des images de jeux vidéo sont utilisées pour désinformer », BFM TV, 9 octobre 2023.