Les capacités de renseignement des armées au XIXe siècle : l’exemple de l’expédition de Syrie de 1860
Gérald ARBOIT
L’illusion créée par l’équilibre de la terreur, faisant suite à la Seconde Guerre mondiale a fait croire que le renseignement militaire s’était toujours caractérisé par un impératif d’objectif. Pourtant, les « zones contestées »1 , marquées par une grande hétérogénéité physique et humaine, la nécessaire « compréhension et intelligence de la situation, la perception des micro-situations et des micro-objets »2 ramènent aux origines de l’art. Même si la nature de la menace et les intentions de la partie adverse sont moins perceptibles depuis la fin de la Guerre froide, et bien que les technologies générées par l’âge de l’information qui lui a succédé aient modifié les procédures, la collecte du renseignement militaire et sa synthèse, « sous forme de tableaux, d’organigrammes et de graphiques », s’apparentent encore aux pratiques empiriques appréciables dans le passé.
Jusqu’à l’avènement d’une architecture moderne du renseignement militaire sous la Troisième république3, les chefs de corps étaient seuls chargés d’organiser, avec plus ou moins de bonheur, en avant de leur front, un système d’espionnage. Ils confiaient ce service à « un officier chargé de tenir un registre spécial sur lequel doivent être consignés, à mesure qu’on les obtient, tous les renseignements sur l’ennemi avec l’indication de la source d’où ils proviennent. L’emploi des fonds secrets destinés à rémunérer les agents, les guides, les courriers, et généralement à acquitter toutes les dépenses relatives au service des renseignements, est confié à l’officier chargé de ce service. » Ce numéraire était distribué mensuellement par le chef d’état-major, à qui étaient destinés deux états des sommes dépensées, avec indication succincte de leur motif ; un exemplaire restait entre ses mains, l’autre était transmis au commandant en chef4.
Ce formalisme de l’état-major général d’août 1884 ne faisait que normaliser dans un cadre réglementaire des pratiques courantes des armées françaises en vogue depuis l’époque napoléonienne5, révisé une dernière fois en mai 1844. Mais, souvent, les opérations militaires qui avaient accompagné, puis poursuivi, le rêve impérial, s’étaient contentées d’utiliser leur « partie secrète » à une simple reconnaissance de l’avant. Comme si le renseignement n’était qu’une matière particulière aux seules guerres… Aussi n’était-il pas étonnant de voir l’Armée d’Algérie, aux prises avec des fonctions politiques et administratives depuis la Monarchie de Juillet, fournir le modèle des guerres du Second Empire.
Et parmi ses piliers se trouvait le renseignement. Le relevé des « Fonds secrets, août 1860-juin 1861, dépenses de M. le marquis de Beaufort d’Hautpoul, général de division commandant6 » l’expédition de Syrie de 1860, était un exemple de ce savoir-faire acquis dans les contreforts de Kabylie. Le 3 août 1860, ému par les nouveaux massacres de chrétiens au Liban7, l’Empereur Napoléon III avait dépêché un corps expéditionnaire, puisé dans les meilleures troupes d’Afrique8. Fort de sept mille hommes, sa mission était d’« alle[r] porter du secours9 » ; il lui était surtout « expressément recommandé d’éviter toute action qui pouvait être de nature à froisser la susceptibilité du gouvernement anglais10 ».
Les capacités de renseignement étaient mises en œuvre par le colonel Auguste Adolphe Osmont, chef d’état-major, et par le chef de bataillon Jean-Baptiste Cerez, du 1 er tirailleurs algériens, l’un des deux officiers politiques. Tous deux étaient les plus qualifiés pour ces missions. Le premier était un officier d’état-major de quarante-deux ans ; il s’était distingué, au début de la campagne de Crimée, chef d’escadron, par sa reconnaissance des routes de Gallipoli à Andrinople et à Varna. Il était naturellement l’ordonnateur des fonds secrets de l’expédition. Le second, âgé de quarante ans, avait passé huit ans dans les bureaux arabes de la division d’Oran, entre 1850 et 1858 ; ses qualités topographiques et ses études tribales, où il avait démontré « une grande intelligence des hommes et des choses du Pays ». Les bureaux arabes avaient été définitivement organisés en mai 1844 autour de trois missions essentielles :
« Réussir à connaître à chaque moment avec précision l’état de l’opinion publique afin d’en prévoir les réactions, c’est l’idéal d’un bon service de renseignements. Etre capable d’infléchir cette opinion, c’est le travail d’une section de propagande efficace. Eliminer les audacieux qui voudraient partager avec le gouvernement cette manipulation de l’opinion, c’est la mission d’une police politique bien faite. […] Les bureaux arabes [avaient] à cœur de mener à bien cette triple tâche11. »
Ces fonctions s’imposaient également dans la Montagne libanaise, où il fallait ramener au calme les tribus druzes, tout en limitant l’influence contraire de l’Angleterre et de la Turquie.
Arabisant, Cerez s’imposait comme responsable de la partie secrète à son chef, lui aussi issu des bureaux arabes, le lieutenant-colonel Antoine Alfred Eugène Chanzy, du 71 e de ligne, commandant du quartier général, officier de plume et représentant du commandant de la force. Le bureau de renseignement ainsi constitué ressemblait grandement à un bureau arabe de première classe ; son chef était assisté d’un sous-officier copiste et d’un interprète12 de première classe (auxiliaire), Jean Fahim Chidiak. A la différence de son homologue titulaire du quartier général, Louis Ferdinand Goert, né à Trêves (Prusse), et formé comme lui à l’école des interprètes militaires d’Alger13, il était originaire de Bikfaya et possédait encore dans la Montagne des cousins bien introduits dans le milieu des Chihâb, les anciens émirs. Ainsi Tannûs Chidyâq, qui avait publié en 1856 une étude sur le Liban féodal14. Cerez bénéficiait en outre du renfort d’un escadron du 2 e spahis, du capitaine Tascher de la Pagerie, et de l’expérience du général Auguste Alexandre Ducrot, commandant l’infanterie ; ce dernier avait dirigé le département des affaires arabes à Alger, de 1849 à 1851, après y avoir servi en divers postes pendant six ans15.
Les mouvements des fonds secrets de l’expédition de Syrie
Le budget affecté au renseignement de l’expédition de Syrie était de 15 525 Francs or. Les paiements étaient réalisés en monnaie française, comme en attestaient les prises de fausse pièces de 5 Francs par la prévôté du lieutenant Raymond et du capitaine Flambart, en plus des prostituées qui envahissaient la place des Canons de Beyrouth16. Mais ils étaient apprécié en fonction de la piastre locale17. Ils se répartissaient autour de quatre postes : les informations provenant par des canaux extérieurs au corps expéditionnaire (26 %), les guides (3 %), les espions (24 %) et les agents (46 %). Une dépense (1 %) de 250 Francs n’a pas pu être affectée. En moyenne, les nouvelles étaient rémunérées entre 50 et 100 Francs, selon leur importance. Les guides reçurent en tout 120 Francs. Utilisés entre le 23 août 1860 et le 15 janvier 1861, les espions étaient rémunérés autour de 50 Francs (72 %), plus rarement 100 Francs (16 %). A l’inverse, les agents, qui commencèrent à être utilisés dès le 1 er octobre 1860, recevaient plus facilement 100 Francs (43 %), et même jusqu’à 200 Francs (4 %) que moins de 50 Francs (32 %).
Il est difficile de faire la distinction entre ces deux dernières catégories. Il paraît peu probable qu’il se fut agi d’une différenciation ethnique. En effet, les 15 et 19 février 1861, il est fait mention d’« agent indigène ». Et encore, l’un d’eux est celui de Mukhtâra, fief du chef druze Sa‘îd Djoumblatt reconverti en siège du tribunal spécial ottoman, dont on sait qu’il était « un bon agent à Moukhtara18 » du secrétaire interprète du ministère des Affaires étrangères Charles Schefer ; en service depuis le 25 novembre 1860, il s’agit d’un sujet druze. Il ne s’agit pas plus d’une évolution, puisque les deux dénominations cohabitent entre octobre 1860 et janvier 1861, même si la première disparaît ensuite. Trois jours après le dernier rapport d’un espion dans cette région, Charles Schefer proposa au général Beaufort « l’engagement d’un musulman de Meïdan comme agent secret dans le Hauran19 » ; il apparaît même qu’y opérèrent indifféremment, entre le 3 octobre 1860 et le 15 janvier 1861, au moins quatre informateurs, deux sous chaque appellation20, dont rien n’indique qu’ils ne furent pas les mêmes.
Pour comprendre cette distinction, deux explications pourraient s’imposer d’emblée : l’une technique, l’autre culturelle. La première tient simplement au fait que l’état de l’utilisation des fonds secrets, non daté, a été rempli chronologiquement, pour ne pas dire quotidiennement ; même les noms de lieux sont différemment orthographiés tout au long du document. La seconde raison réside dans les catégorisations que faisaient les militaires et que l’on retrouva pour partie normalisée en 1884. Les espions étaient forcément recrutés dans les populations allogènes et nomades. Sur les théâtres européens, il était préconisé d’utiliser colporteurs et contrebandiers. Au Proche-Orient, ces activités étaient plutôt le fait de commerçants ambulants juifs, que l’on trouvait à Safed et Tibériade, en Palestine, et de Bédouins du désert arabo-syrien. Le corps expéditionnaire maintenait ainsi une liaison avec « un chef arabe du désert, du nom de21 », Muhammad Dukri al-Samir, de la tribu des Anizah, pour surveiller les Druzes du Hauran, à plus de cent cinquante kilomètres de Beyrouth vers le sud-est. Au fond, il ne semblerait pas y avoir de véritable différenciation entre espion et agent. Plus simplement, il conviendrait de la chercher dans les fonctions remplies par chacun. L’espion serait ainsi celui qui recueille de l’information en s’infiltrant au-delà des lignes du corps expéditionnaire, tandis que l’agent interviendrait ensuite pour assurer établir une liaison. Les multiples espions qui sillonnèrent le Hauran détectèrent ainsi Muhammad Dukri al-Samir et quelques autres recrues potentielles, que des agents s’attachèrent à rallier. Les agents assuraient également les reconnaissances en avant des troupes. Ainsi s’expliquerait la concomitance, les premiers mois, de missions d’espionnage et de parcours d’agents.
L’origine des guides et des renseignements était plus simple à établir. Les massacres du 27 mai au 9 juin 1860, dans la Montagne libanaise, puis du 17 juin au 5 juillet, dans l’intérieur syrien, avaient ramené vers Beyrouth et les villes du littoral une masse de réfugiés maronites22. L’arrivée de navires occidentaux au large23, puis le débarquement d’un corps expéditionnaire le 16 août provoqua un immense soulagement dont bénéficièrent les capacités de renseignement françaises. En effet, ainsi que le notait le consul général de France à Beyrouth, le comte florentin Stanislas Bentivoglio, « l’arrivée de nos troupes (…) [avait] excité une joie extraordinaire dans toutes les classes des populations chrétiennes, qui les [reçurent] à bras ouvert »24. Le 18 août, les représentants des grandes familles, Chihâb, Khazin, Bellamah, Mansûr, exilés par une jacquerie de paysans maronites plutôt que par la rébellion druze, étaient chez le général Beaufort d’Hautpoul25. Des militaires français, dont le capitaine Charles Gélis, de la brigade topographique, furent également rémunérés pour leurs renseignements, après s’être rendu dans « la vallée du Jourdain et Tibériade » pour célébrer Noël (23 décembre 1860, 100 Francs) et Pâques (21 mars 1861, 50 Francs)26.
Le consul à Beyrouth mit également à la disposition du commandant de la force ses propres informateurs27. Ils étaient des expatriés français comme le filateur de Btâtir, Fortuné Portalis, ou l’ingénieur de la route Beyrouth-Damas, le comte Edmond de Perthuis. Il y avait aussi les protégés français, membres des congrégations religieuses et des églises chrétiennes, commerçants locaux… Des informations provenaient des postes consulaires dans la région. Le 20 octobre, Beaufort d’Hautpoul recevait ainsi une lettre du consul à Damas, Maxime Outrey, qui « lui révélait la triste situation des chrétiens dans cette ville »28. Enfin, l’analyse des placards, des lettres, des pétitions et des documents saisis par les patrouilles fournissaient des connaissances appréciables sur l’état d’esprit dans le pays.
La mission incombant au corps expéditionnaire conditionnait évidemment ses besoins en information. Répondant à un mode nouveau se rapprochant de l’« hu-militaire » développé un siècle et demi plus tard, à la faveur de la famine somalienne,
« l’expédition [n’avait] pas pour but, ni une conquête territoriale, ni même une occupation de quelque durée. Elle [répondait] au sentiment public et à la pitié profonde [qu’inspiraient] les malheurs des chrétiens d’Orient. »
L’amiral Hamelin, qui assurait l’intérim du département de la Guerre, avait insisté auprès du général de Beaufort d’Hautpoul : « Vous allez porter du secours29. » Dans le même temps, « il lui était expressément recommandé d’éviter toute action qui pouvait être de nature à froisser la susceptibilité du gouvernement anglais30. » Le divisionnaire devait, avant tout, concerter son action avec le commissaire ottoman, Fu‘âd Pacha . En aucun cas, il ne lui était permis de risquer ses hommes dans des aventures militaires incertaines. D’emblée, sa mission était limitée à Beyrouth et à ses environs immédiats.
Dans cette perspective, les efforts de renseignement portèrent dans deux directions, stratégique et tactique d’une part, politico-économique de l’autre. Dans le premier cas, il s’agissait de préparer un déploiement offensif de la force et un assaut vers Damas. En effet,
« le général de Beaufort [désirait] agir promptement et [poussait] de toutes ses forces le Commissaire de la Porte à le seconder dans les opérations qu’il [voulait] entreprendre dans la Montagne. Fouad Pacha [résistait] et [voulait] traîner en longueur31. »
Jusqu’au 25 septembre 1860, l’essentiel de l’activité (3 espions, 2 renseignements, 240 Francs) consista à s’assurer de la voie vers Dayr al-Qamar et à reconnaître en profondeur les positions des Druzes dans le pays. A partir du 30 septembre, le déploiement français s’opérant autour de Beyrouth dans un rayon de trente kilomètres, avec un point fort entre Bayt ad-Dîn et Dayr al-Qamar, l’activité (24 espions, 4 agents, 6 renseignements, 2 435 Francs) porta sur le sud, vers Jazzîn et Shaaba. Des reconnaissances furent menées dans les hauteurs du Jabal Chaykh, refuge des Druzes et voie ouvrant sur la plaine de la Biqâ‘ et Damas. Dans le même temps, des missions étaient lancées vers le Haurân, pour nouer des alliances avec les bédouins, fantasme récurant de la politique française au Proche-Orient depuis Napoléon I er. Des nouvelles parvenaient également de l’intérieur et du Nord du pays.
L’axe de pénétration privilégié par le commandant de la force était toutefois situé entre Zahla et Dayr al-Qamar, ces « boulevards chrétiens dans la montagne »32. Le 2 octobre, Beaufort d’Hautpoul informait le représentant français à la commission internationale de Beyrouth, Léon Béclard, des mouvements français et turcs. Il notait aussi que « les passages qui mènent du Liban dans le Djebel Cheikh, et de là dans le Hauran, ne sont pas surveillés par les Turcs »33. Pourtant, victime du « complot des endormeurs34» turcs, la promenade du corps expéditionnaire ne devait pas avoir de suite. Le 24 octobre, l’état-major quittait le bivouac de Qab‘ Ilias et retournait à Beyrouth. « Le rôle purement militaire de l’armée [était] terminé35. » Un mois plus tard, la force prenait ses quartiers d’hiver36. L’inaction donna au général français l’occasion de penser à de nouveaux plans d’action. Il espérait obtenir en renfort les contingents rentrant de Chine. Il rêva d'une expédition dans le Haurân, à Hâsbeyya et Râchayya37. A compter du 19 novembre, il étendit son champ d’information à toute la Syrie38. Les missions de renseignement (16 espions, 30 agents, 23 renseignements, 5 230 Francs) reflétaient cette tendance. Mais, plutôt que de ramener de l’information utile au combat, elles rappelaient combien les Turcs, soutenus par l’Angleterre, se moquaient de la présence française. Beaufort d’Hautpoul en était persuadé depuis la fin janvier seulement, alors que ses officiers, comme le lieutenant-colonel Chanzy, l’étaient depuis fin octobre39…
Au printemps, les renseignements privilégièrent l’action lointaine en Palestine ou au-delà de Damas, vers le Jabal Ansariyya. Des opérations spéciales furent mises en place. Des armes furent livrées à Aqili Agha, près de Nazareth40. D’autres furent apportées à Muhammad Dukri al-Samir. Elles servirent à un règlement de compte dans le Haurân au début de l’été 1861. Le chef bédouin assassina le chef druze Isma‘îl al-Atrash41, qui s’était montré le plus féroce lors des attaques contre Hâsbeyya, Râchayya, puis dans la montagne jusqu’à Qab‘ Ilias42.
La période d’hivernage amena également le général français à s’occuper des suites politiques de sa mission. Les ressources du renseignement, sur le modèle des bureaux arabes algériens, lui permit de faire émerger un candidat. L’option autour d’‘Abd al-Qâdir s’étant avérée irréalisable43, son choix se porta sur l’émir Madjid Chihâb44. Le rôle de l’interprète Jean Fahim Chidiak n’y était assurément pas pour rien… A cela s’ajoutait la demande du clergé maronite, qui transperçait des rapports de renseignement qui remontaient des postes français de Bayt ad-Dîn, Dayr al-Qamar, Sayda, Btâtir, Hamana, Zahla et Qab‘ Ilias45. Cette information typique du savoir-faire des bureaux arabes permettait aussi à Beaufort d’Hautpoul de discréditer le candidat du consulat, Joseph Karam46. Enfin, les « nombreux entretiens des gens du pays » auxquels se livrèrent ses « officiers » lui permirent de faire établir des tableaux statistiques de la population47, des listes de suspects48… Cette activité justifia les deux dernières tournées, le 14 avril, à Bkirke et dans le Kisruwân, puis du 21 au 25 avril 1861, dans les districts mixtes, Chûf, Jazzîn, Dayr al-Qamar et Zahla49. Les derniers contingents français quittèrent leurs positions dans la Montagne le 2 juin suivant alors qu’un agent revenait de chez Muhammad Dukri al-Samir. Pendant encore une semaine, des agents rapportèrent les derniers renseignements des Mutawâlî, des districts du Nord et Jabal Chaykh. L’état-major embarqua le 17 août de Beyrouth pour Alexandrie. La mission du corps expéditionnaire français, telle que la révélaient les renseignements dont il disposait avait été un échec politique et diplomatique…
L’œuvre la plus durable du renseignement français du corps expéditionnaire français fut certainement la carte au 1/200 000 e de la chaîne du Liban entre Tripoli et Sur (Tyr). Etablie par la brigade topographique, elle occupa pendant cinq mois le capitaine Gélis, assisté de son collègue Nau de Champlouis. En compagnie du colonel Chanzy , chef du bureau politique du général Beaufort d’Hautpoul , il accomplit du 29 août au 5 septembre 1861, une mission à Damas . Le but avoué était d’arranger une rencontre entre le commandant de l’expédition française et l’envoyé ottoman , Fu’âd Pacha . En réalité, ils devaient en organiser une avec l’émir ‘Abd al-Qâdir et reconnaître l’arrière-pays libanais, en direction de la plaine damascène. Aussi s’intéressèrent-ils aux voies de communication, notamment à la praticabilité de la route carrossable en cours de construction. L’aridité du paysage, une fois passés les premiers contreforts de la Montagne, avait d’abord plaidé pour un déploiement le long des côtes, plutôt que pour une vaste campagne vers l’intérieur de la Syrie50.
- 1 Robert E. Schmidle, Frank G. Hoffman, « Commanding the Contested Zones », Proceedings of the US Naval Institute, Annapolis, MD, septembre 2004, vol. 130, n° 9, pp. 49-54, http://www.usni.org/magazines/proceedings/archive/story.asp?STORY_ID=461 ; une copie gratuite est disponible à http://www.military.com/NewContent/0,13190,NI_0904_Command,00.html.
- 2 Vincent Desportes, « Editorial », Doctrine. Revue d’études générale, juin 2006, n° 9, p. 3 www.cdef.terre.defense.gouv.fr/publications/doctrine/doctrine09/fr/edito.pdf.
- 3 Circulaire du 15 décembre 1870, relative aux « Fonctions du Bureau de reconnaissance », et arrêté du 8 juin 1871, instituant un deuxième Bureau (statistique militaire) au sein de l’état-major général du ministre [Service historique de la Défense, département de l’armée de terre (SHD/DAT), 7 N 1].
- 4 Aide-mémoire de l’officier d’état-major en campagne (Paris, Imp. nationale, 1884), pp. 117-118.
- 5 Les années 1804-1815 avaient déjà contribué à formaliser certaines pratiques, notamment des reconnaissances. Cf. Gérald Arboit, « Introduction à l’étude de l’espionnage sous le Premier Empire », Renseignement et opérations spéciales, n° 4, 2000, pp. 39-80.
- 6 SHD/DAT, G 4 1.
- 7 Sur cette question, on se reportera à Gérald Arboit, Aux sources de la politique arabe de la France. Le Second Empire au Machrek, préface de Jacques Frémeaux, professeur à la Sorbonne (Université de Paris-IV) (Paris, L’Harmattan, 2000), pp. 124-154.
- 8 Infanterie : 5 e et 16 e de ligne, un bataillon du 1 er Zouaves ; Cavalerie : un escadron des 1 er Hussards et 2 e Spahis, deux escadrons des 1 er et 3 e Chasseurs d’Afrique ; Artillerie : une batterie de montagne du 1 er régiment, une batterie montée du 10 e, une escouade de la 6 e compagnie d’ouvriers ; troupes de commandement et de service : prévôté, une compagnie des deuxième et troisième escadrons du Train des Equipages, ouvriers et infirmiers.
- 9 SHD/DAT, G 4, 1, lettre de l’amiral Hamelin, qui faisait fonction de ministre de la Guerre, au général de Beaufort d’Hautpoul du 4 août 1860.
- 10 Général Ducrot, Documents inédits, cité par Camille de Rochemonteix, Le Liban et l’expédition française en Syrie, 1860-1861 (Paris, Librairie Auguste Picard, 1921), p. 108.
- 11 Jacques Frémeaux, Les Bureaux arabes dans la province d’Alger (1844-1856), thèse de 3 e cycle, Université de Toulouse-le-Mirail, 1977, p. 156 [publiée sous le titre Les Bureaux arabes dans l’Algérie de la conquête (Paris, Denoël, 1993)]. Voir aussi Salah Ferkous, Officiers et tribus. Les Bureaux arabes dans la province de Constantine (1844-1857), thèse de 3 e cycle, Université Paul Valéry, Montpellier III, 1984.
- 12 Arrêté ministériel du 1 er février 1844 [Charles-Louis Pinson de Ménerville, Dictionnaire de législation algérienne. Manuel raisonné des lois, ordonnances, décrets, décisions et arrêtés publiés au Bulletin officiel des actes du gouvernement du 5 juillet 1830 au 31 décembre 1852, ainsi que des principaux décrets du 1er janvier au 1er août 1853, avec notes sur la jurisprudence de la Cour et des tribunaux de l'Algérie, suivi d'une table chronologique de toutes les dates de lois, ordonnances, décrets, décisions et arrêtés (Alger, Madame Philippe, Paris, Cosse, A. Durand, 1853), pp. 6-7].
- 13 SHD/DAT , Xr 32, 1, dossiers personnels.
- 14 Kitâb akhbâr al-a‘yân fî Jabal Lubnân (Annales des notables du Mont Liban), texte revue et réédité, avec introduction, tables, par Fouad E. Boustany, 2 vol. (Beyrouth, 1970).
- 15 SHD/DAT, 7 YD 1422, et E. Franceschini, « Ducrot (Henri, Louis) (1820-1910) », Dictionnaire de Biographie française, 11, pp. 1339. Il arriva à Beyrouth le 15 octobre 1860.
- 16 SHD/DAT, G 4, 4, passim.
- 17 Pour 5 Francs, on obtenait selon « la fluctuation du Change » 26 à 26,40 piastres [ Ibid ., 5, Rapports des monnaies, poids et mesures de l’empire Ottoman avec ceux de la France (Marseille, Impr. civile et militaire de Joseph Clappier, 1860).
- 18 Archives du ministère des Affaires étrangères (AMAE), Papiers d’Agent (PA) Schefer, vol. 161, III, lettre de Schefer à Thouvenel du 9 septembre 1860, PA Thouvenel, vol. 233, 17, lettre de Schefer à Thouvenel du 17 septembre 1860, f. 446-447, et vol. 4, lettre de Beaufort d’Hautpoul à Thouvenel du 13 janvier 1861, f. 48-49.
- 19 AMAE, Mémoires et documents (MD), Turquie, vol. 146, lettre de Schefer à Beaufort du 17 janvier 1861, f. 246 ; réponses de Beaufort du 18 janvier, f. 247 et de Thouvenel du 1 er février, f. 278.
- 20 4 novembre 1860 ; 24 janvier, 17 avril et 8 mai 1861.
- 21 Service historique de la Défense, département de la marine (SHD/DM), 4 GG 2, lettre du vice-amiral Le Barbier de Tinan à l’amiral Hamelin, ministre de la Marine, du 16 juin 1861.
- 22 AMAE, CPC Beyrouth, vol. 12, lettre de Bentivoglio à Thouvenel du 3 juin 1860, f. 34-38 et lettre du capitaine de vaisseau La Roncière le Nourry à sa femme du 5 juillet 1860, cité par Joseph L’hôpital, Louis de Saint-Blancard, Correspondance intime de l’amiral de La Roncière Le Nourry à sa femme et sa fille (1855-1871), I (Paris, H. Champion, 1928), pp. 228-230. Cf. aussi Jules Ferrette, « La guerre du Liban et l’état de la Syrie », La Revue des Deux Mondes, 15 août 1860, pp. 1007-1016.
- 23 « Une frégate russe forte de 52 canons et de six cents (600) hommes de débarquement » Ilia Mourometz était arrivée le 3 juin [ Ibid ., lettre de Bentivoglio à Thouvenel du 7 juin 1860, f. 44-45] ; les premiers vaisseaux français, la frégate Zénobie, du commandant en chef de la station navale du Levant, La Roncière le Nourry, et de ses avisos d’escorte la Sentinelle et l’Eclaireur, ne parurent que le 14 juin [ Ibid ., lettre de Bentivoglio à Thouvenel du 16 juin 1860, f. 50-51, et Archives Nationales (AN), BB 4, vol. 782, lettre de La Roncière le Nourry à Hamelin du 16 juin 1860].
- 24 Ibid ., lettre à Thouvenel du 22 août 1860, f. 311.
- 25 Ernest Louet, Expédition de Syrie. Beyrouth, le Liban, Jérusalem (1860-1861). Notes et souvenirs (Paris, Amyot, 1862), p. 41.
- 26 SHD/DAT, G 4, 1, lettre de Beaufort d’Hautpoul à Randon du 15 mars 1861.
- 27 AMAE, CPC Beyrouth, vol. 12, lettre de Thouvenel à Bentivoglio du 3 août 1860, f. 250.
- 28 Ernest Louet, op. cit., p. 138.
- 29 SHD/DAT, G 4, 1, lettre du 4 août 1860.
- 30 Général Ducrot, op.cit., cité in Ibid., p. 108.
- 31 AMAE, op. cit., lettre de Bentivoglio à Thouvenel du 14 septembre 1860, f. 362-365. Voir aussi la dépêche de Schefer à Thouvenel, le même jour, Ibid ., PA Thouvenel, vol. 233, 17, f. 444-445.
- 32 Ibid ., CPC Beyrouth, vol. 12, lettre de Bentivoglio à Thouvenel du 3 juin 1860, f. 34-38.
- 33 Ibid ., MD Turquie, vol. 148, f. 18-19.
- 34 Ernest Louet, op.cit., p. 91 et Camille de Rochemonteix, op. cit., 1921, p. 119.
- 35 AMAE, PA Thouvenel, op. cit., lettre de Schefer à Thouvenel du 4 novembre 1860, f. 452-454.
- 36 SHD/DAT, G 4, 1, lettre de Beaufort d’Hautpoul à Randon du 23 novembre 1860.
- 37 Ibid ., deux lettres de Beaufort d’Hautpoul à Randon du 10 mars 1861 [AMAE, op. cit., vol. 123, f. 9-13]. Cf. aussi AMAE, PA Thouvenel, vol. 233, 4, lettre de La Valette à Thouvenel du 24 février 1861.
- 38 Ibid ., lettre de Beaufort d’Hautpoul à Randon.
- 39 Ernest Louet, op. cit., pp. 131-134.
- 40 SHD/DM, op. cit..
- 41 Ibid ., lettre du 10 juillet 1861.
- 42 AMAE, CPC Beyrouth, vol. 12, lettres de Bentivoglio à Thouvenel des 17 et 26 juin 1860, f. 52-59 et 90-98.
- 43 Gérald Arboit, op. cit., pp. 189-191.
- 44 SHD/DAT, op. cit., lettre de Beaufort d’Hautpoul à Randon des 6 octobre et 4 novembre 1860.
- 45 Cf. par exemple les « Extraits des renseignements fournis par les officiers chargés de commandements ou de missions dans la Montagne » du 30 mars au 5 avril, du 5 au 11 avril, du 11 au 16 avril, du 26 avril, [ Ibid ., annexes aux lettres de Beaufort d’Hautpoul à Randon et AMAE, MD Turquie, vol. 148, f. 130-132, 138-140, 161-164, 192-194].
- 46 AMAE, vol. 148, lettres à Béclard du 25 novembre, et à Randon des 2 décembre 1860, 15 et 29 mars, 12 avril 1861, f. 57-58, 62-65, 116-117, 120-122, 141-142.
- 47 SHD/DAT, G 4, 3, documents annexés à la lettre de Beaufort d’Hautpoul à Randon du 15 février 1861 [copies aux AMAE, MD Turquie, vol. 122 et 134, f. 378-391 et 140-153].
- 48 Ibid ., 2, passim, cf. les liste des Druzes compromis ou en fuite du 9 décembre 1860 et des prisonniers suspectés de massacres à Dayr al-Qamar, non datée.
- 49 Ibid ., lettres de Beaufort d’Hautpoul à Randon des 12 et 26 avril 1861 et AMAE, op. cit., f. 141-142 et 170-175.
- 50 Ibid., 1, annexe au rapport de Beaufort d’Hautpoul au maréchal Randon du 9 septembre 1861.