Quelle stratégie derrière les achats russes de missiles en Corée du Nord ?
Giuseppe GAGLIANO
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La récente décision de la Russie d’acheter des missiles à la Corée du Nord a soulevé une tempête médiatique. Contrairement à ce que rapportent les médias italiens, décrivant l’événement comme un scandale international, cette action peut être vue comme une manœuvre de guerre standard. L’achat d’armes en situation de conflit n’est pas inhabituel. Il importe donc d’analyser les raisons possibles de cette démarche et ses implications géopolitiques.
En premier lieu, il est important de considérer le contexte historique et politique. La Russie, dirigée par Poutine, a toujours démontré une capacité de planification stratégique à long terme, notamment en réponse à l’expansion de l’OTAN et aux tensions croissantes avec l’Occident. Cette prescience s’est manifestée dans divers mouvements stratégiques, y compris la recherche d’alliés et de marchés alternatifs, comme en témoigne l’accord de 2014 avec la Corée du Nord.
En second lieu, il est important de noter que l’achat de missiles par la Russie ne reflète pas nécessairement un état de désespoir ou de faiblesse de l’armée russe, comme le suggèrent certaines narrations. Au contraire, il y a plusieurs raisons plausibles pour lesquelles la Russie s’est tournée vers la Corée du Nord pour ces achats.
- Rapport coût-efficacité. La première explication possible est économique. Acheter des missiles prêts à l’emploi en Corée du Nord pourrait être plus économique pour la Russie que de produire en interne, surtout dans un contexte de tensions économiques et de sanctions.
- Gestion des Ressources. Seconde hypothèse, la Russie pourrait vouloir éviter de transformer totalement son économie en une « économie de guerre» – surtout avec les élections présidentielles de mars 2024 en perspective – en optant pour l’achat d’armements plutôt que pour une intensification interne de la production.
- Alliance géopolitique. Par cet achat, la Russie cherche à renforcer son alliance avec la Corée du Nord et démontre qu’elle n’est pas isolée sur la scène internationale et peut compter sur des alliés importants.
- Gestion de la dette coréenne. Compte tenu de l’importante dette de Pyongyang envers Moscou, la Russie pourrait accepter la fourniture de missiles comme paiement, afin de régler une partie de cette dette. Rappelons qu’en 2014, la Russie a annulé une grande partie de la dette nord-coréenne[1] et que le remboursement en nature, sous forme d’armements, pourrait être une solution avantageuse pour Pyongyang.
Quelles que soient les raisons exactes de ces achats, ils démontrent la capacité financière russe à s’approvisionner en armement à l’étranger et à renforcer son arsenal militaire malgré les sanctions internationales. Cela signale également une intensification probable du conflit avec l’Ukraine et un accroissement du déséquilibre des forces.
Ainsi, bien que les médias occidentaux tendent à présenter les achats russes de missiles en Corée du Nord comme un signe de faiblesse, une analyse plus approfondie suggère que cette démarche relève au contraire partie d’une stratégie bien réfléchie[2]. Cela renforce non seulement la position militaire de la Russie, mais révèle aussi une capacité de manœuvre politique et financière qui va au-delà du narratif occidental.
La Russie a non seulement anticipé et préparé les sanctions occidentales, mais a également démontré sa capacité à naviguer avec succès dans un environnement international hostile. Ces achats ne sont pas des signes de faiblesse, mais plutôt indiquent une nation qui est prête à utiliser tous les outils à sa disposition pour atteindre ses objectifs stratégiques
[1] https://www.reuters.com/article/russia-northkorea-debt-idUKL6N0NB04L20140419/