La multiplication des actions des terroristes d’origine islamique
Alain RODIER
La fin de l’année 2009 connaît un accroissement notable des actes terroristes attribués à des activistes islamiques. Cela ne doit vraisemblablement rien au hasard. En effet, il est difficile d’admettre que les actions offensives qui ont lieu actuellement dans de nombreux pays ont été décidées indépendamment les unes des autres par des chefs de groupes locaux. Il semble bien qu’une décision ait été prise au plus haut niveau de la nébuleuse islamique internationaliste demandant aux activistes d’intensifier leurs opérations afin de répondre aux mesures prises par le nouvel exécutif américain dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Le seul organe fédérateur capable de prendre une telle décision reste Al-Qaida.
Les faits
– Sur ordre d’Hakimmullah Mehsud alias Zulfikar Mehsud, le chef du Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP/Mouvement des taliban pour le Pakistan), les actes terroristes – dont de nombreux attentats suicide – se sont multipliés au Pakistan causant des centaines de morts. Officiellement, cette vague d’actes de terreur est la réponse des taliban pakistanais à l’opération militaire d’envergure déclenchée par les forces armées pakistanaises au Sud-Waziristan en novembre 2009.
– En Afghanistan, fin novembre, le mollah Omar, chef historique des taliban afghans, est sorti de son long silence pour affirmer que les effectifs supplémentaires, notamment les 30 000 Américains prévus en renfort en 2010, ne feraient qu’augmenter les pertes des forces de la coalition. D’autre part, il espère même voir l’instauration d’un émirat islamique d’Afghanistan dans les deux années à venir.L’hiver n’étant pas une période favorable aux opérations, il est probable que les activistes afghans emmenés par le chef opérationnel des taliban, Abdul Ghani Baradar (alias Baradar Akhund [1]) ne repassent sérieusement à l’offensive qu’au printemps. Devant la difficulté que représentera le fait d’affronter directement les forces étrangères présentes dans le pays, il est possible que les moudjahiddines afghans privilégieront des actions de guérilla et des attentats terroristes en faisant largement appel aux engins explosifs improvisés (EEI).
– En Somalie, le 3 décembre, 23 personnes – parmi lesquelles trois ministres du gouvernement fédéral de transition – ont été tuées lors d’une remise de diplômes aux étudiants en médecine de l’université Benadir, dans l’hôtel Shamo, à Mogadiscio. Certains experts y voient la marque du responsable d’Al-Qaida pour la corne de l’Afrique, Fazul Abdullah Mohamed, qui sert de « conseiller opérationnel » aux milices al-Shabaab emmenées par Ahmed Abdi Godane (alias Muktar Ali Zubeyr).
– Au Sahel, Yahia Djouadi qui dirige la 9e région d’Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI [2]) multiplie les actions offensives, se livrant en particulier à des enlèvements d’étrangers. Du fait de l’action de ce groupe, l’insécurité est en forte augmentation dans le nord du Mali, du Niger et en Mauritanie.
– Le 27 novembre, le train Nevski Expess déraille à 284 kilomètres de Moscou après que les voies aient été endommagées par l’explosion d’une charge artisanale. Cet attentat, qui a fait au moins 26 victimes, a été officiellement revendiqué par Doku Oumarov, le successeur de l’ancien leader séparatiste tchétchène Chamil Bassayev, tué en 2006. Doku Oumarov s’est autoproclamé en 2007 « leader de l’Emirat du Caucase » signifiant par là qu’il étendait la lutte en dehors des frontières de la Tchétchénie. Le procédé employé qui prévoyait l’explosion de deux charges (un dysfonctionnement a fait exploser la deuxième charge le lendemain) laissent à penser aux autorités que l’exécutant pourrait être Pavel Kossolapov, un ancien militaire russe converti à l’islam qui aurait utilisé cette technique lors d’un attentat dirigé contre le même train le 13 août 2007. A l’époque, aucun mort n’avait été à déplorer.
Le rôle d’Al-Qaida dans l’augmentation des actes terroristes
Bien des analystes affirment qu’Al-Qaida est sur le déclin. Les évènements de fin d’année semblent prouver que, comme à son habitude, l’internationale terroriste islamique initiée par Oussama Ben Laden est plutôt en train de muter. L’organe dirigeant, le Majlis al-Shurah (conseil consultatif), qui semble toujours implanté au Pakistan, parait s’être fait plus « modeste » vis-à-vis des autres mouvements islamiques radicaux. Il aurait renoncé, peut-être provisoirement, à prendre la direction opérationnelle du Jihad international destiné à établir un califat mondial. Par contre, il propose toujours son aide technique aux différents groupes qui se battent sur le terrain. C’est pour cela que des savoir-faire spécifiques à Al-Qaida sont désormais employés sur les différents théâtres d’opérations, en particulier les attentats suicide et les techniques de mise en œuvre des EEI. Il semble également qu’Al-Qaida prend en charge la gestion de la majorité des volontaires étrangers, particulièrement en Somalie et au Yémen, vraisemblablement en raison de son expérience dans ce domaine.
Enfin, le déclenchement quasi simultané de toutes les opérations terroristes qui ont eu lieu en novembre/décembre 2009 a vraisemblablement été proposé par Al-Qaida. Cette recommandation s’est appuyée sur le fait que plus le nombre d’opérations est important, plus les capacités de réaction des Etats « mécréants et apostats » sont diminuées.
Il est donc très probable que des actions de ce type vont se poursuivre, voire s’intensifier dans les semaines à venir. Les fêtes de Noël ont toujours constitué une date hautement symbolique qui pourrait être exploitée par des activistes islamiques si l’occasion leur en est donnée. Elles pourront être le fait de groupes structurés mais également d’individus isolés, à l’image du major Malik Nadal Hassan, qui a tué 13 personnes et en a blessé 38 autres le 5 novembre sur la base de Fort Hood en Virginie aux Etats-Unis [3].
- [1] Si le réseau Haqqani et les forces de Gulbudin Hekmatyar gardent leur indépendance opérationnelle, ces deux importantes branches insurgées reconnaissent toutefois l’autorité morale du mollah Omar.
- [2] Mouvement dont le chef, Abou Moussa Abdelouadoud – alias Abdelmalek Droukdel – a reconnu l’autorité d’Oussama Ben Laden
- [3] Selon les enquêteurs, Malilk Nadal Hassan était en contact avec Answar al-Aulaqui, imam de la mosquée Dal al-Hijrah de Falls Church de janvier 2001 à avril 2002, date à laquelle il a émigré au Yémen où il est soupçonné entretenir des liens avec Al-Qaida. Nawaf al-Hazmi et Hami Hanjour, deux des terroristes du 11 septembre 2001 ont également fréquenté cette mosquée en 2001.