La menace du nucléaire iranien
Alain RODIER
Tous les services de renseignement de la planète cherchent à connaître l'état d'avancement du programme nucléaire militaire iranien. Un National Intelligence Estimate (NIE) américain, paru en 2008, avait prétendu que l'effort iranien dans ce domaine avait cessé en 2003. De nombreux experts – dont ceux du CF2R – avaient mis en doute les conclusions de ce rapport qui semblaient avoir été dictées, à l'époque, par la volonté politique de ne pas envenimer les choses.
Début 2010, les faits démontrent que les Iraniens n'ont jamais arrêté leur programme nucléaire à des fins militaires. Par contre, ils auraient rencontré de nombreuses difficultés qui auraient considérablement ralenti le processus. Ainsi, si l'Iran a installé 3 000 centrifugeuses en 2007 à Natanz, les 8 700 unités opérationnelles sur ce site début 2010 semblent rencontrer de nombreuses difficultés techniques[1]. Si certains de ces problèmes avaient une cause naturelle, les services secrets israéliens ont largement participé à ces retards en neutralisant quelques scientifiques[2] et, surtout, en démontrant aux savants étrangers qu'il n'était pas de leur intérêt de collaborer avec Téhéran, que ce fusse au prix de juteuses rémunérations. De plus, les trafiquants et fournisseurs en tout genre, qui pouvaient éventuellement apporter à l'Iran les produits nécessaires au bon développement de son programme nucléaire, ont été découragés de prendre toute initiative intempestive. Une exception notable toutefois : la Corée du Nord, qui continue d'envoyer en Iran matériels et scientifiques, particulièrement sur le site de Khojir, une zone militaire ultra protégée de 120 km2 située à une trentaine de kilomètres au sud-est de Téhéran.
Il n'en reste pas moins que les scientifiques iraniens travaillant au sein du Field of Expansion and Deployment of Advanced Technologie (FEDAT) devraient pouvoir présenter un engin atomique expérimental avant la fin de l'année.
A ce propos, il a beaucoup été question du site nucléaire secret enterré de Fordoo (secret jusqu'en septembre 2009), situé près de la ville de Qom. Il est intéressant de remarquer que les infrastructures construites à grands frais sont trop petites pour produire régulièrement du combustible nucléaire civil, mais sont suffisantes pour obtenir de l'uranium hautement enrichi à destination militaire ! Toutefois, une bombe de laboratoire, si était réalisée, aurait la taille d'un camion de moyen tonnage. Le problème va donc ensuite consister à la miniaturiser afin de pouvoir l'adapter sur la tête d'un missile. Cela devrait prendre de deux à quatre ans. Il faut également que la tête militaire soit suffisamment « durcie » pour résister aux fortes températures, aux vibrations et aux contre-mesures de l'adversaire.
Enfin, et c'est peut-être le plus grave, la mise au point de charges explosives classiques, qui permettent de précipiter deux demi-sphères métalliques de matières fissiles l'une contre l'autre et de déclencher ainsi la réaction en chaîne qui constitue l'explosion atomique, semble être aujourd'hui maîtrisée par les ingénieurs iraniens. Sachant qu'il faut 428 kilos d'uranium enrichi à 3,5% pour construire une arme nucléaire et que l'Iran en possède environ deux tonnes début 2010, il est logique d'en déduire que Téhéran dispose d'assez de matière pour réaliser quatre bombes.
Il est donc raisonnable de penser que Téhéran pourrait être doté des premières armes opérationnelles en 2013-2014. Celles-ci pourraient être montées sur des missiles balistiques Sejil-2 qui ont une portée de 2 500 kilomètres. Il ne fait aucun doute que ces missiles ne sont destinés qu'à des frappes « stratégiques » mettant en œuvre des armes nucléaires, car ils ne sont pas dotés de systèmes de guidage terminal, ce qui implique une imprécision de plus de 5 kilomètres. Un autre missile, d'une portée de 4 000 kilomètres, serait à l'étude avec la coopération des Nord-coréens. Paris, Berlin, Moscou, etc. seraient alors à portée des mollahs !
Kamran Daneshjou, ministre iranien des Sciences et de la Technologie,
qui supervise le programme nucléaire civil de Téhéran.
Le programme nucléaire civil iranien est actuellement placé sous la houlette du ministre des Sciences, de la Recherche et de la Technologie Kamran Daneshjou. En fait, le vrai responsable scientifique est le directeur du FEDAT, Mohsen Fakhrizadeh Mahabadi, qui enseigne également à l'université Imam Hussein à Téhéran. Ce chercheur ne peut plus quitter l'Iran car il est jugé comme trop sensible par les autorités qui craignent qu'il soit enlevé ou qu'il fasse défection. Il rend également des comptes au ministère de la Défense et de la logistique des forces armées et surtout, aux pasdarans qui supervisent de fait toutes les recherches militaires sensibles.
- [1] Il est prévu à terme que le complexe de Natanz accueille 50 000 centrifugeuses.
- [2] Le professeur en physique nucléaire Massoud Ali Mohammadi était assassiné le 12 janvier 2010. Nul ne sait si c'est le Mossad qui est à la base de cette opération. En effet, il est aussi possible que les autorités iraniennes craignaient qu'il ne fasse défection. Elles auraient alors décidé de mener une action à double but : l'empêcher de partir et accuser Israël de ce crime.