Radars « classiques », PESA ET AESA : avantages et inconvénients
Olivier DUJARDIN
Aujourd’hui, la technologie AESA (Active Electronically Scanned Array/radar à balayage électronique actif) appliquée aux radars est largement mise en avant. Cette technologie révolutionnerait leurs performances et la différence avec celle des radars des générations antérieures serait telle qu’elle permettrait, à elle seule, un saut opérationnel décisif.
En réalité, on prête des vertus très exagérées aux radars AESA. Cette exagération a été alimentée par la promotion des avions dits « de cinquième génération » : la présence d’un tel radar à leur bord participerait aux performances révolutionnaires attribuées à ces appareils. Si la technologie AESA présente des avantages indéniables, elle ne révolutionne pas le domaine et le saut de performances entre les radars PESA (Passive Electronically Scanned Array/radar à balayage électronique passif) et AESA doit être largement relativisé.
Chaque technologie de radar présente ses avantages et ses inconvénients. Dans cet article, je vais essayer d’expliquer quels sont les fonctionnements de ces différentes technologies sans entrer dans un développement trop technique. Ne seront traités ici que les radars monostatiques impulsionnels. Les puristes et les spécialistes de la matière me pardonneront certains raccourcis et certaines approximations faites dans un but pédagogique, afin de faciliter la compréhension de la logique générale. Ils pourront toujours se tourner, par exemple (en français), sur les productions de Jacques Darricau[1]qui font toujours référence aujourd’hui.
Radar « classique »
Le fonctionnement d’un radar « classique » est assez simple à comprendre. Un oscillateur (magnétron, klystron, tube à onde progressive pour ceux à cavité, ou oscillateur à état solide pour les radars les plus récents) génère une onde qui, transportée dans un guide d’onde (tube métallique), est diffusée, via un cornet, vers un plan métallique (antenne) qui, de par sa forme, va focaliser le faisceau. Ce faisceau sera balayé dans l’espace par les mouvements mécaniques de l’antenne. Certains radars disposant d’un balayage électronique permettent en plus de dépointer le faisceau par rapport à l’axe d’antenne en jouant sur le déphasage de l’onde.
Gros plan sur les guides d’onde et les cornets d’émission d’un radar «classique » utilisant plusieurs émetteurs
A la réception, l’onde prend le chemin inverse, repasse par le guide d’onde vers le récepteur du radar. Comme la puissance de l’onde reçue est une infime fraction de celle qui a été émise au début, le récepteur, qui est un organe très sensible, doit donc être protégé lors de l’émission. Au niveau des guides d’onde, il existe donc des dispositifs de protection en amont de la voie émission, comme les circulateurs ou les éclateurs, qui préservent le récepteur au moment de l’émission.
Avantages
- Ces radars sont d’une technologie simple, donc relativement peu coûteuse, robuste et aujourd’hui très bien maîtrisée.
- Les antennes sont faciles à fabriquer et à réparer, elles supportent donc bien les éventuels dégâts.
- Ces radars résistent bien aux impulsions électromagnétiques (IEM) de forte puissance, notamment grâce au dispositif de protection de la voie réception.
- Cette technologie permet d’émettre des puissances très importantes selon le type d’émetteur utilisé.
- Les antennes étant mécaniquement mobiles, il est possible de les dépointer afin d’améliorer la furtivité du porteur. Cela est vrai surtout pour les avions de chasse et les missiles qui peuvent ainsi, en se privant du radar, diminuer leur surface équivalente radar (SER). Une antenne radar est par définition un parfait miroir aux ondes et est donc la principale source de la SER frontale d’un avion de chasse ou d’un missile. Typiquement, sur les missiles antinavires à guidage radar, il est courant que le radar reste dépointé la plupart du temps et ne se mette en position que lors de son fonctionnement, afin de diminuer sa détectabilité.
Radar AN/APG-66 sur F-16 dépointé vers le haut ce qui diminue la SER frontale
Inconvénients
- L’utilisation d’un oscillateur à cavité (klystron, magnétron ou tubes à ondes progressives) limite, si on compare aux émetteurs à état solide, les capacités d’agilité en fréquence du radar (capacité à changer de fréquence d’une impulsion sur l’autre). Pour compenser, il est souvent utilisé avec plusieurs oscillateurs travaillant dans des fréquences différentes, ce qui augmente le poids, l’encombrement et la consommation électrique du radar. Cette technique multi-émetteurs est surtout utilisée sur les radars terrestres ou embarqués sur navires pour des raisons d’encombrement et de poids.
- Le rendement de ces radars n’est pas très élevé : il y a beaucoup de pertes thermiques (échauffement des oscillateurs à cavité) et au niveau des connectiques des guides d’ondes, ce qui diminue la sensibilité du radar.
- Le mouvement mécanique des faisceaux limite les capacités de variation des formes d’ondes. Ces radars peuvent changer de modes de fonctionnement mais peuvent difficilement mixer les modes. Concrètement, le radar d’un avion de chasse ne pourra pas, par exemple, faire de la recherche air/air et air/sol en même temps car les mouvements mécaniques de l’antenne sont incompatibles (on ne peut pas pointer en haut et en bas en même temps).
- Ces radars sont considérés comme plus vulnérables au brouillage, surtout s’ils n’utilisent qu’un seul oscillateur. Cela doit cependant être très nuancé en fonction des radars.
- Les oscillateurs à cavité ont besoin d’un préchauffage de 10 à 20 minutes pour pouvoir émettre des fréquences stables. Ce point est particulièrement limitant pour les missiles à radar actif comme les missiles antinavires ou les missiles antiaériens. En effet, il n’est pas possible de tirer un missile si celui-ci n’est pas déjà sous tension. Dans les zones de crises, cela impose de laisser sous tension en permanence les missiles, ce qui les use prématurément. Cette contrainte entrave donc leur durée de vie. L’utilisation des oscillateurs à état solide permet de ne pas subir cet inconvénient, mais leur puissance unitaire reste faible ; aussi ils ne sont pas adaptés aux radars de forte puissance.
Les radars classiques ne sont pas amenés à disparaître de sitôt, leurs qualités intrinsèques en font de bons outils qui restent tout à fait pertinents pour des applications ne nécessitant pas de trop grands changements de formes d’ondes (radars de veille air longue portée, radars de trajectographie, etc.) et nécessitant de fortes puissances d’émission.
Klystrons à cathode froide
Cet oscillateur est un peu particulier bien que son utilisation ne change rien par rapport à ce qui a été expliqué au paragraphe précédent. Toutefois, cette invention soviétique possède une caractéristique qui a donné quelques sueurs froides à l’OTAN.
Le klystron à cathode froide présente la particularité de ne pas nécessiter de préchauffage. Cela lui permet donc d’émettre pratiquement instantanément de manière stable. C’est un avantage très important pour les missiles à radar actif car ils peuvent être tirés n’importe quand, sans nécessiter d’être maintenus sous tension, ce qui augmente leur durée de vie, diminue la maintenance et surtout donne une capacité de réaction sans égal.
C’est après la chute de l’URSS et l’intégration des pays de l’ex-bloc de l’Est en Europe que l’Occident a pu étudier certains systèmes d’armes de conception soviétique et a découvert ce klystron très particulier dans des missiles récupérés.
Ce klystron est le résultat de la compétence que l’URSS a maintenu dans l’électronique à lampe, technologie progressivement abandonnée depuis le début des années 1960 à l’Ouest, au profit des semi-conducteurs. En effet, l’URSS a, jusqu’aux années 1970, favorisé l’électronique à lampe au détriment des semi-conducteurs car elle considérait cette technologie trop vulnérable aux impulsions électromagnétiques consécutives aux explosions nucléaires. Le régime soviétique voulait que ses systèmes d’armes continuent de fonctionner même après une attaque nucléaire. Ce choix a eu deux conséquences. La première a été un retard conséquent pris par l’URSS dans le domaine des semi-conducteurs. La deuxième est qu’elle a développé des technologies de miniaturisation de l’électronique à lampe avec l’apparition des micro-lampes. C’est grâce, en partie, aux compétences acquises dans ce domaine que les Russes ont développé le klystron à cathode froide, klystron très compact et de faible puissance (idéal pour les autodirecteurs de missiles) par rapport aux klystrons traditionnels.
Les pays occidentaux ont d’abord essayé, sans succès, de copier la technologie à partir des klystrons récupérés sur les missiles avant de tenter de négocier le transfert de compétences auprès des industriels russes. Toutefois, c’est un des domaines où la Russie a réussi à garder son savoir-faire bien que les tentatives de négociations aient duré pratiquement jusqu’au début des années 2000.
Il a fallu que se développe le marché des oscillateurs à état solide apparus dans les années 1990 pour que cette technologie ne soit plus réellement intéressante pour les Occidentaux puisqu’ils disposaient désormais d’une solution ayant les mêmes avantages. Et ce sont ces oscillateurs à état solide qui, une fois miniaturisés, seront à la base de la technologie AESA dont les Etats-Unis seront les pionniers.
Radar PESA (Passive Electronically Scanned Array)
La partie émission d’un radar PESA est similaire à celle d’un radar classique. Un oscillateur génère une onde qui est envoyée, via un guide d’onde, sur des déphaseurs qui font aussi office de récepteurs. Dans ce type de radar, ce sont les déphasages appliqués par chaque déphaseur qui forment le faisceau radar et en déterminent sa direction[2]. Plus le nombre de déphaseurs est élevé, plus l’antenne est grande en surface et plus le faisceau radar sera fin, ce qui permet d’augmenter la précision angulaire du radar et aussi sa portée car l’énergie électromagnétique est plus concentrée.
Fonctionnement d’une antenne radar de type PESA
Avantages par rapport au radar classique
- Le pilotage des faisceaux est indépendant du balayage mécanique de l’antenne, ce qui permet de pouvoir plus facilement mixer les modes radars indépendamment des contraintes du mouvement mécanique. C’est cette technologie qui a permis de réaliser les premiers vrais radars multifonctions.
- La précision angulaire est meilleure car l’utilisation de déphaseurs permet de mesurer plus précisément la direction d’arrivée de chaque écho radar d’un même faisceau. C’est ce qu’on appelle la formation de faisceaux par le calcul (FFC).
- Le rendement du radar est meilleur car il n’y a pas de pertes au niveau des guides d’onde à la réception. Cela signifie que, à puissance émise identique, la portée de détection est supérieure.
Inconvénients par rapport au radar classique
- Les récepteurs étant situés directement sur l’antenne sans protection, cela rend ces radars plus vulnérables aux impulsions électromagnétiques de forte puissance par rapport aux radars « classiques ».
- La théorie permet de dépointer le faisceau jusqu’à 60° environ de l’axe de l’antenne mais cela se fait au prix d’une importante diminution de la portée de détection et de la précision angulaire. Plus le dépointage est important, plus les performances se dégradent de façon exponentielle. Empiriquement, on peut considérer que, en dépointage maximum (60°), la portée de détection est divisée par deux. Cette limitation est surtout sensible pour les radars des chasseurs et donc, deux choix sont possibles.
Le premier choix implique de se contenter d’une antenne fixe en sachant que l’on rogne sur le diagramme de détection latérale : cela permet de s’affranchir totalement du mouvement mécanique des antennes, ce qui représente un gain de masse et ne contraint pas les modes de recherche (tout le diagramme de détection est accessible en permanence). C’est ce qu’on observe sur le radar BRLS-8B Zaslon-M du MIG-31, premier chasseur au monde à être équipé de ce type de radar, ou sur le RBE2 du Rafale.
Le deuxième choix consiste à conserver une capacité de mouvement mécanique de l’antenne (plus faible que sur un radar « classique ») afin de ne pas dégrader la portée de détection latérale tout en augmentant la couverture totale surveillée. Ce choix est technologiquement plus complexe et plus lourd. Toutefois, cela ne permet pas d’avoir accès à l’ensemble du diagramme de détection en même temps. C’est l’option qui a été retenue sur le radar Captor de l’Eurofighter ou sur le radar Irbis-E du SU-35.
Radar PESA fixe BRLS-8B « Zaslon-M » du MIG-31
Radar PESA mobile Irbis-E du SU-35
- Ces radars, surtout lorsqu’ils sont utilisés sur des chasseurs ou en tant qu’autodirecteurs de missiles, ne permettent pas, quand ils sont fixes, de jouer sur la SER frontale.
- Ces radars nécessitent un calibrage des antennes afin d’obtenir un centre de phase unique sur l’ensemble de la bande de fréquence utilisée.
- Ces radars sont technologiquement plus complexes, plus chers et demandent une puissance de calcul plus importante pour la gestion de la génération de faisceau et pour le contrôle des lobes secondaires, potentiellement plus important que sur un radar « classique ». Ce dernier point dépend beaucoup de la qualité de la conception mécanique de l’antenne et du positionnement des déphaseurs. A noter que les antennes de conception russe sont mécaniquement plus performantes, ce qui leur permet de sensiblement améliorer le rendement (moins de lobes secondaires = moins d’énergie dispersée), avec pour autre avantage de nécessiter moins de puissance de calcul, ce qui compense la moindre performance de leur électronique.
Radar AESA (Active Electronically Scanned Array)
Les radar AESA, quant à eux, utilisent, à la place des déphaseurs/récepteurs, des éléments émetteurs/récepteurs à état solide miniaturisés. La formation des faisceaux est réalisée de la même manière que sur les radars PESA. A noter d’ailleurs que les Etats-Unis sont passés directement, sur leurs avions de combat, du radar « classique » au radar AESA sans passer par la case PESA.
La puissance de l’émission, et donc la portée de détection, sera la somme de la puissance de chacun des émetteurs/récepteurs qui, pris individuellement, n’ont qu’une puissance limitée à quelques dizaines de watts. Donc plus un radar AESA disposera d’émetteurs/récepteurs, plus il verra loin, plus le faisceau sera concentré et plus son antenne sera imposante (le gain de l’antenne est proportionnel à sa taille). Bien entendu cela implique que chaque émetteur/récepteur émette, de manière totalement synchronisée, la même forme d’onde à la même fréquence. Ce point permet de tordre le cou à certaines « légendes » qui courent sur les radars AESA :
- Il n’est pas cohérent d’imaginer faire fonctionner un radar AESA sur une multitude de fréquences en simultané car la formation des faisceaux serait impossible. D’un point de vue purement technique ce serait faisable mais totalement sans intérêt. De plus, la dispersion d’énergie serait proportionnelle au nombre de fréquences utilisées, réduisant d’autant la portée de détection.
- Si, en théorie, il est possible de subdiviser un radar AESA en plusieurs radars indépendants, en pratique ce n’est pas pertinent. Chaque « sous-radar » verrait sa portée de détection extrêmement réduite (c’est la somme des puissances des émetteurs/récepteurs qui donne la portée de détection) et la focalisation des faisceaux serait faible, ce qui donnerait une bien moindre précision angulaire. Pour la même raison un radar AESA ne peut pas faire du brouillage en simultané. Il pourra éventuellement faire du brouillage directif mais, pendant ce temps-là, il ne sera pas utilisé en tant que radar ; il lui faut donc choisir l’un ou l’autre. C’est un peu la même chose concernant son utilisation en tant que moyen de transmission radio. L’US Navy a bien fait un essai avec le radar AESA AN/APG-79 du F-18E/F mais cela a fortement dégradé les performances du radar ; de plus, l’utilisation en continu du mode radio a entraîné une surchauffe excessive compromettant fortement la durée de vie des émetteurs/récepteurs. Par contre, on peut imaginer que la multiplication d’antennes AESA sur une surface permette d’utiliser ces antennes indépendamment en tant que radar, brouilleur ou moyen de transmission radio, selon le besoin, à condition que les gammes de fréquences utilisées soient identiques. Toutefois, multiplier les antennes revient potentiellement à augmenter la SER et donc à perdre en discrétion.
- Les radars AESA ne sont pas particulièrement discrets électromagnétiquement . Si les faisceaux radars peuvent être plus fins et donc « plus discrets », au niveau des systèmes de guerre électronique la différence est à peine perceptible en pratique.
Tout comme les radars PESA, dont ils sont très proches, ces radars sont souvent fixes sur les avions de chasse. Or comme le radar AESA a été érigé en équipement incontournable pour prétendre au titre de chasseur de cinquième génération, la SER générée par une antenne fixe est un problème pour ces aéronefs censés être plus ou moins « furtifs ». Le problème ne touche toutefois pas seulement les avions de cinquième génération mais tous les avions de combat dont on cherche à limiter la SER.
Face à ce problème, trois approches différentes existent :
- La première consiste à sacrifier la SER, c’est l’option retenue sur le Rafale français dont la version AESA du RBE2 qui équipe l’avion garde sa position droite. Comme le Rafale ne prétend pas être un avion « furtif », ce sacrifice reste très relatif mais il faut garder à l’esprit que, de face, c’est l’antenne du radar qui génère la plus grande part de la SER de l’appareil en dehors l’armement emporté sous les ailes. Lors de ses missions, un Rafale emportant systématiquement de l’armement sous voilure, cela ne change donc pas grand-chose en pratique au niveau de sa signature radar.

Vue de face du radar RBE2 du Rafale
- La deuxième possibilité consiste à « tilter » l’antenne vers le haut de façon à dévier les ondes reçues de face. C’est l’option retenue sur la plupart des avions de combat, qu’ils soient « furtifs » ou non. C’est le cas pour le F-22, le F-18E/F, le F-16 Block 60, le F-35, SU-57, JF-17 Block III, J-20 etc. Cette option présente toutefois l’inconvénient de dégrader les performances du radar en mode air/sol puisque le dépointage à réaliser dans ce mode est encore plus important. Le fait que le Rafale ait gardé une antenne droite est peut-être ici un avantage, surtout pour un avion qui se veut multirôles. Finalement, tilter l’antenne est surtout intéressant dans le cas d’une confrontation en combat aérien face à d’autres chasseurs pour diminuer la distance de détection de l’adversaire.
Antenne radar AN/APG-81 équipant le F-35 orientée « tiltée » vers le haut
- La troisième consiste, comme pour certains radars PESA, à conserver un mouvement mécanique permettant à la fois d’agrandir le diagramme de détection et de « cacher » son antenne face à un potentiel adversaire. Cette solution n’est pour l’heure retenue que pour le radar Captor-E devant équiper les Eurofighter modernisés.
Radar AESA mobile Captor-E
Différence de diagramme de détection entre une antenne AESA fixe et une antenne AESA mobile
Si la mobilité de l’antenne est une solution pour garder un diagramme de détection plus large, une autre solution consiste à disposer des antennes latérales qui seront chargées de la détection sur les côtés. Cela permet d’obtenir une très large capacité de détection, bien plus grande que celle obtenue par la simple mobilité de l’antenne, mais cela a un coût et représente du poids supplémentaire. Cette solution n’est donc viable que sur des avions de chasse imposants. Aujourd’hui seuls deux appareils disposent de radars latéraux, ce sont le J-20 et le SU-57. Le F-22 devait, à l’origine, en être également équipé mais les économies budgétaires en ont décidé autrement.
Système radar du chasseur chinois J-20 avec l’antenne latérale visible
Avantages par rapport au radar PESA
- Une grande fiabilité car la panne de quelques émetteurs/récepteurs ne compromet pas le fonctionnement du radar.
- Un meilleur rendement qui permet d’augmenter la portée de détection à puissance équivalente. Les émetteurs/récepteurs étant en tête d’antenne, il n’y a plus de perte.
- A taille d’antenne équivalente par rapport à un radar PESA, la puissance cumulée des émetteurs récepteurs est parfois supérieure à celle disponible sur le même radar PESA équipé d’un seul oscillateur
- Ces radars bénéficient d’une meilleure ouverture angulaire (diagramme de rayonnement un peu plus étendu que sur un radar PESA) et d’une meilleure réjection du fouillis (bruit) permise par un traitement adaptatif multivoie.
- L’utilisation d’émetteurs à état-solide permet, en théorie, de faire fonctionner le radar sur une plage de fréquences plus large avec une plus grande agilité en fréquences, ce qui autorise une meilleure résistance au brouillage. Cet avantage n’existe que si l’on compare avec un radar PESA qui utilise un oscillateur à cavité et non un émetteur à état solide. Dans ce dernier cas, il n’y aura pas de différence.
Inconvénients par rapport à un radar PESA
- Le coût et la puissance de calcul que demandent ces radars sont importants.
- Les émetteurs/récepteurs sont réalisés avec des alliages à base de gallium, nitrure de gallium ou arséniure de gallium. La Chine assurant, à elle seule, plus de 80 % de la production mondiale de gallium raffiné[3], il existe un risque sur les approvisionnements et une dépendance pour la fabrication de ces éléments.
*
Bien que la technologie AESA soit souvent présentée comme l’acmé de l’évolution des radars, elle n’est en aucun cas le « game changer » que l’on voudrait qu’elle soit. Le radar AESA est l’évolution naturelle de la technologie radar mais ce n’est pas une révolution qui bouleverse le domaine. Il est tout à fait possible de trouver un radar PESA dont les performances soient supérieures à certains radars AESA. De même, l’AESA n’apporte pas de révolution dans le fonctionnement du radar. Un radar de Rafale RBE2 AESA utilise, à quelques détails près, exactement les mêmes formes d’ondes qu’un RBE2 PESA, les différences de fonctionnement sont, à ce niveau, tout à fait minimes. On trouve même de très fortes ressemblances dans les formes d’ondes entre un radar AESA AN/APG-80 et son ancêtre « classique » AN/APG-68 ou AN/APG-66, équipant les différentes versions de F-16.
Comme tout radar, le radar AESA est le fruit de certains compromis, avec les avantages et les inconvénients que cela comporte. A ce titre, le radar « classique » continuera d’exister pour certaines applications car il présente toujours certains avantages. En aucun cas on ne peut prédire le résultat d’un combat aérien sur la seule présence d’un radar AESA sur l’un des appareils. La différence se fera en fonction de bien d’autres paramètres.
L’auteur tient à remercier, pour leurs relectures attentives, Jean-François Legendre et Stéphane Meric de l’Institut d’Électronique et de Télécommunications de Rennes (IETR) ainsi que les différents ingénieurs et chercheurs du métier qui, pour diverses raisons, souhaitent garder l’anonymat.
[1] https://radars-darricau.fr/livre/1-Pages/page-0l.html
[2]https://www.radartutorial.eu/06.antennas/Antenne%20r%C3%A9seau%20%C3%A0%20commande%20de%20phase.fr.html
[3] http://infoterre.brgm.fr/rapports/RP-60582-FR.pdf