Quel avenir pour la Crimée ? Analyse des revendications et des stratégies de l’Ukraine et de la Russie et essai de prospective
David GAÜZERE

Depuis la plus haute Antiquité, la péninsule de Crimée a toujours été un lieu d’échanges et de brassages divers et un espace hautement disputé en raison de sa position stratégique en mer Noire. De jure ukrainienne depuis 1954, de factorusse depuis 2014, la presqu’île ne cesse de susciter les convoitises de ses deux voisins et des puissances internationales.
La Crimée n’a pourtant qu’une superficie modeste (26 945 km²) et ne compte que deux millions d’habitants. Elle était jusqu’en 1991 le lieu privilégié de villégiature et de tourisme balnéaire des touristes soviétiques, puis d’Ukraine et de Russie, jusqu’à ce que le conflit russo-ukrainien n’éclate en 2014.
Depuis, Kiev et Moscou se déchirent pour son contrôle, avançant l’un et l’autre des arguments opposés afin de revendiquer leur possession de la presqu’île. Mais depuis 2014, le conflit russo-ukrainien s’est élargi : il voit ainsi s’opposer le camp occidental appuyant les revendications ukrainiennes fondées sur respect de l’intégrité territoriale des États et de l’intangibilité des frontières, à la Russie, dont les prétentions se fondent sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Moscou et Kiev élaborent chacun des scenarii concernant l’avenir de la presqu’île qui ont le trait commun de ne pas tenir compte de l’avis des Criméens. Un hypothétique succès militaire ukrainien se heurterait immédiatement aux résistances des populations locales russophones. À l’inverse, la Pax Russica ne résoudra pas la situation politique et économique locale, ni la crise diplomatique, tant de nombreux aspects du droit international autour de la Crimée doivent être repensés et rediscutés.
Ignorés ou instrumentalisés, les Criméens n’ont, à aucun moment de leur histoire mouvementée été véritablement consultés. Et si, lassés par les revendications des États belligérants et des puissances attisant le conflit, ces derniers décidaient d’opter pour l’indépendance ? Qu’en serait-il si l’idée de construire leur propre État selon un modèle original finissait par s’imposer à eux comme une évidence face à une situation bloquée ?
Quelle que soit l’issue du conflit commencé en Crimée en 2014, celui-ci se finira pour sûr en Crimée. Dans les deux cas de figure, la presqu’île sera au centre des futures négociations de paix entre l’Ukraine et la Russie.
le rapport