Ukraine : les services britanniques réactiveraient les réseaux radios permettant de communiquer avec leurs agents clandestins
Alain CHARRET
Durant la Guerre froide, une époque où internet n’existait pas, l’un des rares moyens permettant la transmission sans risque de messages aux agents clandestins des services de renseignement à travers le monde était la radio. Car, si l’emplacement de l’émetteur était connu, les destinataires, eux, ne pouvaient être localisés puisqu’ils ne disposaient que de simples récepteurs par définition indétectables. Ainsi, le soir venu, et pratiquement durant toute la nuit, des séries de chiffres étaient égrainés par une voix féminine dans différentes langues, dont le russe et l’anglais, mais également l’espagnol, le bulgare, le roumain et même le français. Si cela pouvait donner des indices sur la zone géographique concernée, le code utilisé était, quant à lui, inviolable car basé sur un principe de clé unique utilisable qu’une seule fois.
Au XXIe siècle, dans notre monde hyper-connecté, il existe bien sûr de nombreux procédés permettant la transmission de messages de manière confidentielle. Mais ils sont pour la grande majorité basés sur internet et autres liaisons satellitaires. Mais ces moyens généralement qualifiés de très sûrs n’en restent pas moins particulièrement vulnérables. Il suffit d’un incident technique provoquant un black-out électrique, la rupture d’un câble transocéanique, une vaste cyberattaque, le brouillage, voire même la destruction d’un ou plusieurs satellites pour rendre les services de renseignement partiellement muets et leurs agents complètement sourds.
Pourtant, à de rares exceptions, les services de renseignement ont progressivement cessé d’utiliser la radio après la chute de l’URSS.
Alors que l’on évoque de plus en plus souvent l’émergence d’une nouvelle Guerre froide entre la Russie et l’OTAN un élément assez inattendu ne peut que retenir l’attention des spécialistes. L’information a été publiée sur le blog Signal Monitoring[1] puis relayée sur Twitter par @freemonitoring.
Cet amateur d’écoutes très au fait de ce type d’émission rapporte avoir capté, le 6 février vers 2 heures du matin, heure française, une série de chiffres en langue anglaise. Ce type de transmission a la particularité de diffuser une mélodie avant et/ou après ses messages afin d’être clairement identifiée par le ou les destinataires. Dans le cas présent, il s’agissait de la mélodie « Lincolnshire Poacher » connue pour avoir été utilisée par le MI-6 britannique depuis un émetteur installé à Chypre. Ce site émettait à destination de ses agents en URSS. Cette station n’avait pas été réentendue depuis juillet 2008. Après une série de « bips », on peut entendre une autre musique. Elle aussi bien connue des « écouteurs » sous le nom de « Swedish Rhapsody ». Elle était utilisée par les services de renseignement polonais à destination de leurs agents déployés en Occident.
Aujourd’hui, Pologne et Grande-Bretagne sont dans le même camp. Compte tenu de la situation actuelle, il est difficile de croire à une coïncidence. Le premier élément à prendre en compte est la qualité de l’enregistrement qui est assez médiocre. Cela ne provient pas du matériel utilisé pour la réception, mais plutôt du fait que cette transmission n’est pas destinée à l’Europe de l’Ouest, @freemonitoring résidant dans l’ouest de la France. La cible pourrait donc être l’Europe de l’Est et plus particulièrement la Russie.
Le but de cette transmission pourrait avoir comme objectif de réactiver les moyens radioélectriques traditionnels pour communiquer avec des éléments pré-déployés à l’Est ou, tout du moins, de le faire croire. Dans les deux cas il ne s’agit pas d’un facteur d’apaisement…
[1] http://signal-monitoring.blogspot.com/2022/02/ukraine-et-si-le-reveil-de-la-guerre.html