Défense anti-aérienne : principes techniques et tactiques (1) – Les grands principes de guidage des missiles anti-aériens
Olivier DUJARDIN
Les systèmes de défense anti-aérienne sont de plusieurs types afin de répondre aux différents besoins tactiques. Ils sont généralement classés selon leur portée maximale d’engagement[1], lesquelles jouent un rôle crucial dans le type de détection et de guidage des missiles :
– SATCP pour sol/air très courte portée (Manpads en anglais), avec une portée maximale d’environ 5 à 7 km ;
– les systèmes de courte portée, couvrant jusqu’à environ 25 km ;
– les systèmes de moyenne portée, s’étendant jusqu’à environ 50 km ;
– les systèmes de moyenne à longue portée, avec une portée maximale d’environ 100 km ;
– les systèmes à longue portée, ayant une portée maximale supérieure à 100 km.
Il existe bien entendu des systèmes pouvant se situer entre deux catégories ou englober plusieurs d’entre elles. Les distances maximales de tir
Les missiles à très courte portée
Ce sont généralement des missiles à guidage autonome, utilisant principalement des autodirecteurs infrarouges. Le tir ne peut être effectué que lorsque l’autodirecteur a accroché sa cible, ce qui limite la portée efficace à quelques kilomètres au maximum. Une fois tiré, le missile devient autonome, le tireur n’a plus aucune action à entreprendre, d’où l’appellation de missiles « tire et oublie ». Le missile se dirige alors vers sa cible jusqu’à impact ou jusqu’à ce qu’il passe suffisamment près pour que la fusée de proximité déclenche la charge explosive. S’il manque sa cible, ou s’il est tiré trop tard pour l’atteindre, il s’autodétruit automatiquement
après un certain temps de vol. Cette catégorie de missiles comprend notamment les Mistral français, les familles des Strela, Igla et Verba chez les Russes, le FIM-92 Stinger américain, le Type 91 japonais, etc.
FIM-92 Stinger
Certains missiles sont également guidés par laser : un faisceau laser dirigé vers la cible est alors suivi par les missiles. Ce mode de guidage nécessite un pointage permanent de la part du tireur et n’entre donc pas dans la catégorie « tire et oublie ». L’avantage de ce système est que les leurres n’ont pas d’effet sur les missiles. Dans cette catégorie, on retrouve notamment les Starstreak anglais et le RBS 70 suédois.
RBS 70
Les systèmes de courte portée
Ces systèmes sol/air utilisent généralement des missiles entièrement télécommandés via une conduite de tir. Le processus démarre avec la détection d’une cible par un radar de veille, puis la transmission de celle-ci à un radar de poursuite et/ou à un système optique assisté par un télémètre laser pour un suivi précis de sa position. Le missile lancé est entièrement télécommandé par la conduite de tir vers la cible. Il ne dispose, en propre, d’aucun autodirecteur, ce qui contribue à réduire son coût. La poursuite et la télécommande du missile sont menées jusqu’à l’impact ou à un passage à proximité de la cible. Si la cible est manquée, le missile peut être détruit à distance. Cette catégorie inclut des systèmes comme les Crotale français, les Pantsir et les Tunguska russes, ainsi que les HQ-7 chinois (inspirés des Crotale français), par exemple.
HQ-7
Les systèmes de moyenne portée et longue portée
On y retrouve deux familles de guidage :
– La première famille s’appuie sur le guidage semi-actif où un illuminateur radar « éclaire » une
cible, tandis que le missile remonte l’écho généré par cette dernière. Ce principe est largement utilisé dans les systèmes de moyenne et courte portée, qu’ils soient anciens ou récents, incluant les MIM-23 Hawk, les SPADA 2000, les systèmes BUK et TOR, les S-125 Pechora, etc. Pour les systèmes de longue portée « modernes », datant de la fin des années 1970, où l’écho radar généré est faible, le missile est télécommandé vers la position anticipée de la cible, permettant ainsi d’optimiser la trajectoire et d’augmenter la portée pratique. Cette technique, appelée guidage TVM – pour Track Via Missile – utilise les données du radar du système d’armes pour calculer la position du missile par rapport à celle de sa cible. Une fois que le missile est capable de détecter lui-même la cible à partir de l’écho généré par le radar de tir, il remonte automatiquement le signal jusqu’à la cible. Dans cette catégorie, on trouve les missiles du Patriot PAC-2 et PAC-2 GEM, pouvant également être utilisés avec la version PAC-3 du Patriot, ainsi que les différentes variantes du missile 48N6 utilisé par les S-300/400, ou encore les missiles du système HQ-9 chinois.
MIM-23 Hawk
À noter que, dans les anciens systèmes longue portée, la portée des missiles était en partie déterminée par la puissance du radar d’illumination. Il pouvait exister une capacité assez rudimentaire de correction de trajectoire en début de vol que l’on pourrait définir comme l’ancêtre du Track Via Missile. Cela conduisait à des systèmes très encombrants et hautement détectables sur le plan électromagnétique. Dans cette catégorie, on retrouve les vieux S-75 Dvina (SA-2 Guideline en code OTAN) ou S-200 Angara/Vega/Doubna (SA-5 Gammon en code OTAN) du côté russe, ainsi que les MIM-14 Nike Hercules du côté américain.
Missile 5V28 du système S-200 (SA-5 Gammon)
– La deuxième famille utilise le guidage radar actif et/ou infrarouge. À d moyenne et courte portée, les autodirecteurs ne peuvent pas acquérir les cibles qui leur sont désignées. Ils sont préalablement guidés selon le principe du TVM et, lorsque les missiles arrivent assez près de la cible, ce sont leurs autodirecteurs qui prennent en charge le guidage en toute autonomie.
Certains systèmes utilisent un signal de télécommande émis de manière omnidirectionnelle, ce qui permet d’engager des cibles sur 360°, mais limite la portée efficace en raison de la dilution du signal radio dans l’espace. Cette catégorie comprend les SAMP/T franco-italiens, les IRIS-T SLM, les NASAMS, par exemple.
D’autres systèmes utilisent un signal de télécommande directionnel, permettant d’engager des cibles uniquement dans un secteur précis couvert par le radar de conduite de tir. Cela autorise cependant la télécommande des missiles sur des distances bien plus grandes grâce à la focalisation du faisceau. On retrouve dans cette catégorie les MIM-104 PatriotPAC-3[2] américains, les S-350, S-400[3], S-500 russes, ainsi que les KM-SAM sud-coréens et les Arrow israéliens.
Organisation d’une batterie S-400
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Les différents moyens de guidage décrits ne sont en rien exhaustifs. Il existe d’autres méthodes, moins fréquemment utilisées ou plus anciennes, qui peuvent également être regroupées dans les catégories évoquées. Bien sûr, il existe également des différences de fonctionnement notables entre les systèmes de même catégorie, ce qui influence leurs performances opérationnelles en fonction des cibles traitées. Chaque choix technique présente ses avantages et inconvénients. Il n’existe pas de solution « parfaite » et il est crucial de comprendre les limitations de chaque système. Les aéronefs attaqués par ces systèmes chercheront à exploiter au mieux ces faiblesses pour échapper aux missiles et assurer leur survie.
[1] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion_def/l16b0866_rapport-information#
[2] https://cf2r.org/rta/comment-fonctionne-le-patriot-pac-3/
[3] https://cf2r.org/rta/comment-fonctionne-le-systeme-antiaerien-russe-s-400/