Les services de renseignement soviétiques et russes : considérations historiques
Colonel Igor PRELIN
Les services de renseignement et de sécurité soviétiques furent sans aucun doute les plus puissants et les plus efficaces du XXe siècle. Jusqu’à l’effondrement de l’URSS, ils ont été des éléments essentiels de son système de sécurité et ont exercé une influence déterminante sur les événements mondiaux. Pourtant, ils ont été créés pratiquement à partir de rien au cours des premières années qui ont suivi l’établissement du régime soviétique. Mais leur expansion a été rapide car de nombreux révolutionnaires bolcheviks avaient une grande expérience du travail clandestin, y compris à l’étranger.
Rapidement, la Tcheka a obtenu des résultats impressionnants. Dans les années 1920, ses membres ont mené des opérations qui ont permis de neutraliser les activités contre-révolutionnaires pilotées depuis l’étranger. Puis, dans les années 1930, de nombreux agents ont été recrutés : d’abord au Royaume Uni – avec le célèbre réseau de Cambridge qui a fonctionné pendant près de vingt ans –, puis en Allemagne, au cœur des structures d’État et des services spéciaux du IIIe Reich.
La Seconde Guerre mondiale a ensuite donné lieu à de nombreux succès des services soviétiques. À l’automne 1941, l’opération Snow a permis d’accélérer l’entrée des États-Unis dans la guerre contre le Japon et d’empêcher une invasion japonaise en Extrême-Orient soviétique Les services soviétiques ont averti le gouvernement de la date de l’invasion allemande de 1941, puis, tout au long de la guerre, ont régulièrement fourni des informations sur les offensives adverses. Ils ont conduit des opérations d’ampleur sans précédent, notamment Berezino, la plus grande opération de désinformation du conflit. Parallèlement, au cours des années 1940, le service soviétique a mené l’opération Enormoz aux États-Unis, afin d’obtenir des informations sur la création de la bombe atomique aux États-Unis.
Il existe un certain nombre de traits caractéristiques du renseignement soviétique à l’origine de son efficacité. Dès sa création a été mise en place une structure unique réunissant contre-espionnage et renseignement extérieur, qui a permis d’assurer une coopération sans faille entre ces unités. De plus, les services eurent l’avantage de bénéficier de « conditions favorables » leur permettant de recruter largement à l’étranger en raison de la popularité de l’idéologie communiste. Mais cet avantage n’a cessé de se réduire au cours de la Guerre froide en raison des excès du régime de Staline, des « événements hongrois » (1956), de la destitution Khrouchtchev (1964), de l’invasion de la Tchécoslovaquie (1968) et de l’intervention en Afghanistan (1979). Une dernière caractéristique du renseignement soviétique était le recours aux postes clandestins et aux illégaux, ce qui lui a permis de mener des opérations de grande envergure, courronnées de succès.
Mais dans les dernières années du régime communiste, les services soviétiques, affaiblis, ne sont pas parvenus à empêcher leurs adversaires de créer d’importants réseaux de renseignement en URSS et de recruter des agents jusque dans leurs rangs.
Le KGB a été dissous en 1991 et fragmenté en plusieurs agences, ce qui a considérablement affabli l’efficacité du sytème. La situation n’a été que partiellement redressée quinze ans plus tard, lorsque le FSB et la FAPSI ont de nouveau fusionné avec le FSB. Toutefois, contrairement à 1917, le renseignement russe a réussi à maintenir une continuité, en termes de personnel, de documentation opérationnelle et d’expérience professionnelle. Cela a permis aux services de renseignement et de sécurité de suivre tous les événéments pouvant être défavorables à la Russie, d’appuyer sa politique étrangère et de lutter contre les services de renseignement étrangers qui n’ont jamais cessé leurs activités sur le territoire russe.
le rapport