Willard M. OLIVER, The Birth of the FBI : Teddy Roosevelt, the Secret Service, and the Fight Over America’s Premier Law Enforcement Agency
Laurent MOËNARD
« La véritable naissance du FBI remonte à la présidence de Théodore Roosevelt qui créa le Bureau of Investigation avec l’aide du ministre de la Justice, Charles-JosephBonaparte (…). Le FBI est issu d’un combat politique. » Telle est la thèse centrale du récent livre de Willard M. Oliver, professeur américain de droit pénal de l’Université d’Etat Sam Houston, à Huntsville (Texas) : The Birth of the FBI : Teddy Roosevelt, the Secret Service, and the Fight Over America’s Premier Law Enforcement Agency (Rowmen and Littlefield, juillet 2019). Ainsi, ce n’est pas l’emblématique patron de cette agence, John Edgar Hoover, qui créa le FBI pour lutter contre le crime organisé. Il n’en fut que le directeur puissant et redouté de 1924 à 1972 et lui donna son nom actuel en 1935. Le FBI puise ses origines à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.
C’est le 26 juillet 1908, que Charles-Joseph Bonaparte, ministre de la Justice, sur instruction du président des Etats-Unis Théodore Roosevelt (1901-1909), signe et publie l’acte de naissance de cette agence. Elle prendra alors le nom de Bureau of Investigation (BOI). Le BOI voit le jour grâce à la détermination de deux hommes : Theodore Roosevelt et Charles-Joseph Bonaparte, amis de longue date, incorruptibles et infatigables pourfendeurs depuis des décennies de la corruption et du crime, au niveau local d’abord, puis au niveau national. Ils sont également les promoteurs de la réforme du service public et du Good Government.
En effet, comme le met alors clairement en évidence Willard Oliver, la Constitution américaine et les Pères Fondateurs n’avaient rien prévu contre les crimes fédéraux. La question devient d’autant plus cruciale que les Etats-Unis connaissent, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, une vague de crimes, de scandales et d’affaires en tout genre qui touchent tous les pans de la société. L’absence d’un véritable service fédéral de police judiciaire se fait alors cruellement sentir.
Certes, dans un premier temps, l’exécutif américain put compter sur les US Marshalls et sur des détectives privés, comme ceux de la célèbre agence Pinkerton ; puis, dans un second temps, les autorités s’appuyèrent sur les hommes du Secret Service, avant que ces derniers ne prennent aussi en charge la sécurité du président, pour pallier la faiblesse, sinon l’inefficacité, des moyens humains et matériels de la police. Mais rapidement, ces hommes et ces agences ne suffirent plus.
Pour Roosevelt et Bonaparte, il était temps de doter le Department Of Justice (DoJ) d’une véritable force d’agents indépendants, bien formés, et surtout ne relevant que du ministère, pour enquêter et instruire les procès. Ils souhaitaient une « force » d’Examiners ne rendant compte qu’à l’Attorney General, un service réellement efficace et donc doté des moyens humains et matériels nécessaires et suffisants à l’accomplissement de ses missions.
S’engage alors une féroce lutte entre Roosevelt et une partie du Congrès menée par le Représentant James A. Tawney et le Sénateur Benjamin Tillman. Car pour ces Congressmen, la création d’une telle force d’agents indépendante et permanente pose la question de l’équilibre des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif. Les pouvoirs du Président et de son administration deviendraient trop importants et intrusifs. C’est insupportable pour les partisans de Tawney. L’opposition du Congrès est d’autant plus vive que certains de ses membres – comme le sénateur Mitchell ou le représentant Williamson – ont été visés et condamnés par les enquêtes du DoJ et du Secret Service dans le scandale du pillage des terres fédérales (Land Frauds) qui vient d’éclater.
L’une des grandes qualités du livre de Willard Oliver est de rendre compte très précisément du contexte et des luttes politiques qui ont prévalu au moment de la naissance du FBI. Les coups bas redoublent. Les parlementaires d’une jeune nation comme les Etats-Unis, éprise de libertés et terre de libre entreprise, vont jusqu’à voir dans la création d’une police permanente au sein du ministère de la Justice un moyen d’espionner les citoyens et de contrôler leurs faits et gestes. Ils craignent aussi et surtout qu’elle soit une sorte de police politique destinée à espionner Représentants et Sénateurs… Bonaparte se prendrait-il pour Fouché, le chef de la police de Napoléon ?!
Mais comme le démontre le professeur Willard Oliver, la détermination et l’inflexibilité de Theodore Roosevelt finissent par l’emporter. Car entretemps, il a su gagner la bataille de l’opinion publique, relayée par une grande partie de la presse.
La démocratie américaine, en se dotant avec le FBI d’un service fédéral de police judiciaire indépendant, ne rendant de compte qu’au ministre de la Justice, se donnait ainsi les moyens non seulement de lutter contre les crimes fédéraux mais aussi, et surtout, de raffermir ses fondements, dans le respect de la philosophie de la Constitution et des Pères Fondateurs…