Un homme est passé. Pierre Marion et la DGSE
Gérald ARBOIT
Rien ne prédisposait ce polytechnicien soixantenaire à diriger les services de renseignement français. Né le 24 janvier 1921, ce Marseillais avait été reçu au concours d'entrée de cette école d'ingénieurs au statut militaire, le 3 septembre 1939[1]. Le même jour, la France déclarait la guerre à l'Allemagne. Pour lui, comme pour ses condisciples les plus jeunes de la promotion, ce fut une version scolaire de la « drôle de guerre ». Six mois durant, il suivit des cours inutiles en attendant d'être affecté à l'Ecole militaire et d'application du génie de Versailles[2]. Le 11 juin 1940, en pleine débâcle, l'institution prenait le chemin de l'exode vers le sud de la France, avec un détachement de cheval, sur des routes déjà bien encombrées. Arrivé dans le Tarn, le sous-lieutenant Marion fut affecté au 7e régiment de génie d'Avignon, où s'était repliée l'Ecole, en attendant la reprise de sa scolarité à Polytechnique. En octobre, il gagnait Lyon le « moral en berne », retrouver « une promotion amputée du tiers de ses effectifs, morts ou prisonniers. (…) Par dépit et colère, désespéré », il se réfugiait dans ses études[3]. Comme beaucoup de jeunes hommes de cette époque, il n'avait pas entendu l'appel du général de Gaulle et ne rejoignit pas la résistance, faute d'y avoir de contact avant 1944. Peu attiré par la chose militaire, qui plus est dans le climat délétère de la défaite, et encore par l'administration, jugée trop « fonctionnarisé[e] », ou l'entreprise privée, du fait de ses « origines modestes », il se tourna en octobre 1942, à sa sortie de Polytechnique, vers Air France. Son choix pour une entreprise publique n'était pas qu'idéologique ; il lui était aussi imposé par un rang de classement peu prometteur, « bien qu'honorable »[4].
Rien ne semblait disposer cet homme à intégrer les services français de renseignement extérieur, et encore moins à les diriger. Homme de gauche, il l'était mais il s'agissait plus d'une conviction – par piété familiale – que d'un réel engagement. Au contraire, ses réseaux le qualifiaient volontiers pour devenir un homme de l'ombre[5]. Seules ses compétences entrepreneuriales firent qu'il ne put être compris par un autre homme de réseau qu'était François Mitterrand, président socialiste de la République. Il en fit un homme lâché par l'exécutif qu'il entendait servir. Le climat dans lequel Pierre Marion accomplit son action l'empêchait de trouver un quelconque dans l'institution qu'il avait contribué à réformer.
Un homme de réseau
Le premier réseau auquel appartenait Pierre Marion était évidemment celui des polytechniciens. Cette sociabilité professionnelle lui permit de faire carrière au sein d'Air France (1942-1972) et, surtout, à l'Aérospatiale (1972-1981)[6] ; alors directeur général de la compagnie aérienne, Henri Ziegler (1926) l'avait pris sous aile après une négociation salariale particulièrement bien menée en 1949 jusqu'à lui demander de le suivre lors de son accession à la présidence d'Aérospatiale. Un autre réseau fut, aussi étrange que cela put paraître, la résistance. Marion n'y avait guère été actif pendant le conflit. Tout juste avait-il été approché par Max Juvénal, un avocat aixois, chef régional du mouvement Combat ; Marion ne précisa pas les circonstances de son entrée en résistance, sinon qu'elle intervint après sa mutation à la direction de l'Ecole d'apprentissage d'Air France, en septembre 1943, puis mars 1944[7]. Les traces de cette appartenance à la résistance étaient plutôt à rechercher après-guerre dans un relationnel socialiste, par l'entremise de Juvénal, inscrit à la Section française de l'Internationale socialiste (SFIO) depuis 1931, et, déjà, Gaston Deferre. Sa rencontre avec Charles Hernu fut, elle, plus fraternelle. En 1953, un ami appelé à devenir « parlementaire de droite »[8] lui avait permis de rejoindre le Grand Orient de France. Trois ans plus tard, alors qu'il venait d'être nommé directeur d'exploitation d'Air France[9], il rencontrait le tout nouveau député radical-socialiste de la sixième circonscription de la Seine. Charles Hernu se disait intéressé par le sort du Bourget, qui dépendait des compétences de Marion. Les deux hommes n'avaient pas tardé à se fréquenter intimement, au point que le député songea vainement à recruter, malgré le secours de Pierre Mendès-France, le polytechnicien, et que ce dernier offrit un havre à Charles Hernu lors des événements du 13 mai 1958.
De son aveu, Pierre Marion participa « à diverses opérations, essentiellement de renseignement » lors de son engagement tardif et bref dans la résistance contre l'envahisseur allemand[10]. Il s'en approcha un peu plus près lorsqu'il fut rappelé pour une période pendant la guerre d'Algérie. Depuis 1945, il avait gravi les grades d'officier de réserve jusqu'à celui de chef de bataillon et suivi à l'automne 1953 les cours du Centre d'instruction des officiers de réserve spécialistes d'état-major. En outre, en septembre 1953, il avait été désigné par Air France pour suivre la session de l'Institut des hautes études de Défense nationale. De fait, en 1955, Pierre Marion, alors adjoint au directeur général chargé de la coordination des plans et programmes, fut affecté, pour une longue période de réserve à l'état-major de la IXe région militaire, commandée par le général de division Paul Grossin, franc-maçon et socialiste comme lui. Et de découvrir un autre aspect du travail de renseignement comme chef en second du Deuxième bureau, le travail administratif. Ce « premier [véritable] contact avec le "monde du secret" » le laissa d'apparence sur sa faim[11]. Il y goûta encore officiellement deux fois après son retour au service de la compagnie aérienne. La première fois fut lorsque le président d'Air France, Max Hymans, l'affecta à la sécurité de Nikita Khrouchtchev, le 24 mars 1960, à l'occasion de son transport entre les principales villes que le numéro un soviétique devait visiter en Caravelle. Le 18 avril 1962, les accords d'Evian à peine signés, Marion[12] fut encore chargé de surveiller le bon déroulement de l'expulsion vers la Suisse, puis du départ vers la Tunisie depuis Genève, du leader algérien, Ahmed Ben Bella, et de ses codétenus[13]. Indubitablement, les deux missions étaient menées de concert avec le Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE).
Néanmoins, ce passage dans le monde du renseignement militaire au sein d'une unité de synthèse du renseignement lui rappela inévitablement le travail qu'il menait chez Air France. Le travail d'analyse prospective qu'il avait contribué à développer depuis juin 1949 au sein de la direction centrale des plans et des programmes. La mission de cette structure était de faire « la synthèse entre la demande sur chaque ligne et l'offre qui [était] proposée. Elle [devait], à partir d'une analyse prospective de tous les trafics et frets, établir les besoins en flotte, définir les caractéristiques souhaitées, et orienter les commandes d'avion[14]». Pierre Marion et Henri Ziegler étaient les concepteurs d'un système de veille prospective qui concourrait à la stratégie de l'entreprise.
Cette approche économique du renseignement fut également au cœur des démarches de Marion lors de ses postes à l'étranger, comme délégué général d'Air France en Asie de l'Est et dans le Pacifique (1963-1967), puis comme organisateur des filiales américaines d'Aérospatiale (1974-1981). Ce fut certainement lors de son « proconsulat en Orient »[15] qu'il alla le plus loin. Alors qu'aux Etats-Unis, il se contenta d'approfondir ses relations avec le monde militaire qui constituait le principal client d'Aérospatiale[16], il établit ses réseaux plus largement au Japon. De son propre aveu, ses relations avec les ambassadeurs François Missoffe (août 1964-mars 1966) et Louis de Guiringaud (mars 1966-mars 1972) étaient étroites, au point de les rencontrer « au moins deux fois par mois pour comparer [leurs] renseignements ». Marion était président de l'Association des Français du Japon, fondée en 1951 pour resserrer les liens des membres de la communauté expatriée. Parmi eux, « quelques français bien placés pour observer ce qui se passe dans le pays »[17], comme Roger Denoual, directeur de la Banque française de l'Asie[18], qui éditait en outre un Bulletin d'information anthropologique. Ces derniers lui communiquaient des informations relatives aux secteurs stratégiques de la croissance économique japonaise.
Derrière la raison protocolaire de ces rencontres se cachait une impulsion de la France gaullienne de nouer des relations plus solides avec le Japon. Avec Marion, menant des négociations avec les Japonais au nom d'Air France, l'ancien secrétaire d'Etat aux Rapatriés du gouvernement Pompidou, puis son successeur, ancien inspecteur général des postes diplomatiques et consulaires et futur ministre des Affaires étrangères du gouvernement Barre, recherchaient des informations économiques et financières japonaises. Depuis 1962, la politique extérieure française se voulait certes plus active en Asie, mais entendait aussi être rentable. En 1963, les exportations japonaises vers la France avaient augmenté de 60 %, contre 15 à 20 % dans l'autre sens[19]. Le renseignement économique devenait une nécessité. Le chef de poste du SDECE à Tokyo, Jean Deuve, n'était en mesure de fournir ce genre d'information, son attention étant toute accaparée par le conflit au Viêtnam. Marion le pouvait, avec ses liaisons au sein du ministère japonais des Affaires étrangères et de Japan Air Lines. Son contact au sein du ministère, Kumao Nishimura, avait été le premier ambassadeur nippon à Paris d'après-guerre (1952-1956)[20] et occupait la direction du bureau des traités ; son autre relation, Teruo Godo, était un ambitieux businessman passé de la Japan Steel & Tokyo Co à la compagnie aérienne nationale, en attendant de faire une carrière politique[21]. S'ajoutaient encore, dans la synthèse bimensuelle de Marion à l'ambassadeur, les éléments qu'il pouvait recueillir auprès de ses contacts dans les grandes entreprises technologiques.
Un homme de l'ombre
Pierre Marion devait se souvenir de ce mode de renseignement diplomatique lorsqu'il accepta de prendre la direction du SDECE, à la demande du nouveau gouvernement français, en juin 1981. Ce fut tout surpris que, le 9 juin, en visite au salon aéronautique du Bourget, le directeur général d'Aérospatiale répondit à l'étrange invitation de François Bernard, directeur de cabinet du nouveau ministre de la Défense, Charles Hernu. Les deux hommes s'étaient perdus de vue depuis plus de vingt ans, si ce n'est à la fraternelle. Le plus étrange n'était pas qu'un frère maçon en convoquât un autre, mais qu'un ministre de la République fixât rendez-vous téléphonique à un dirigeant d'une entreprise publique au milieu de la nuit, qui plus est dans un restaurant de Lyon, voilà qui pouvait étonner. Marion crut un instant « à un canular »[22]. Le court entretien déboucha sur un second, matinal, à l'aéroport de Villacoublay. Surpris par tant de mystère, Marion se doutait qu'une promotion quelconque le justifiait. Mais il était loin d'imaginer que ce fut la direction du service de renseignement extérieur. Le ministre dut même répéter le souhait présidentiel alors que le véhicule d'Hernu filait vers l'hôtel de Brienne, siège du ministère de la Défense. Du propre aveu de Marion, il ne disposait d'aucune des compétences pour occuper un tel poste. Lorsqu'il s'était répandu en conjectures la nuit précédente, il avait pensé à toutes responsabilités dans l'aéronautique. Mais jamais à la direction générale du SDECE !
Là, moins qu'ailleurs, on attendait une telle nomination. Pendant la campagne présidentielle qui avait précédé l'arrivée de la nouvelle équipe au pouvoir, l'inamovible directeur général depuis 1970, Alexandre de Marenches, avait convié à des points d'information les dirigeants du Parti socialiste, tant le présidentiable François Mitterrand, que son futur Premier ministre, Pierre Mauroy, ou Charles Hernu « et d'autres »[23]. En outre, bien qu'atteint par la limite d'âge, Marenches avait confirmé au nouveau président son souhait de 1974, à savoir de continuer à servir le pays sauf en présence de ministres communistes[24]. A toutes fins utiles, il avait quand même obtenu d'être nommé au tour extérieur conseiller d'Etat par le président Valéry Giscard d'Estaing[25].
La solution de lui voir succéder son « ami » Philippe Mestre, chargé de la coordination des services de renseignement intérieurs et extérieur au cabinet du Premier ministre sortant Raymond Barre, s'était par le fait même de l'élection présidentielle du 10 mai 1981 trouvée sans actualité. L'histoire ne dit pas si la perspective de nommer un ancien administrateur de la France d'Outre-mer devenu préfet métropolitain, après être passé par le cabinet Messmer, ne plaisait pas au nouveau pouvoir, Mestre ayant préféré demander à bénéficier d'un « congé spécial »[26]. Néanmoins, le choix d'un homo novus, dans le sens où Marion n'appartenait à aucune coterie française – hormis le Grand Orient de France -, semblait signifier que le président élu Mitterrand pensait ne pouvoir compter sur aucun des dignitaires en place.
La nomination de Pierre Marion marquait donc une rupture idéologique dans la conduite des questions de renseignement en France ; elle était d'une nature plus profonde que celle de janvier 1962, entre le président Charles de Gaulle et le SDECE, lorsque le général Paul Grossin avait été débarqué afin de s'assurer des personnes chargées d'en finir avec la guerre d'Algérie. Mais il était possible d'y voir une analogie si l'on tient compte du fait que son remplaçant, le général de division aérienne Paul Jacquier, compagnon de la Libération, était connu pour son loyalisme envers de Gaulle. En outre, ce sous-chef d'état-major du Commandement suprême en Europe (SHAPE) était un novice en matière de renseignement. Mais cette double condition valait aussi pour ses deux successeurs, le général Eugène Guibaud (1966-1970) et Alexandre de Marenches (1970-1981). Pourtant, comme ses prédécesseurs de Gaulle et Pompidou, le président Mitterrand était décidé à réformer le fonctionnement des services de renseignement extérieur. Le 10 juin en fin d'après-midi, ne confia-t-il pas à un Pierre Marion médusé qu'il souhait une réorganisation du SDECE [27] et, reprenant une confidence de Giscard d'Estaing lors de la passation de pouvoir[28], une restauration de la discipline du service envers le pouvoir exécutif ? En retour, le chef de l'Etat promettait son soutien indéfectible à son nouveau directeur général du SDECE. Ne lui promit-il pas une longévité similaire à celle de Marenches en affirmant : « Nous terminerons le septennat ensemble »[29] ?
La tâche qui attendait Marion était néanmoins largement différente de la simple supervision des activités confiées aux « honorables correspondants d'infrastructures » implantés dans des postes d'exploitation à Air France. Il découvrait dans un premier temps le cadre politique dans lequel il devrait inscrire son action. A l'Elysée, le président lui avait promis de le recevoir une fois par semaine, de cinq à quarante-cinq minutes selon la nécessité. En fait, il était clair que Marion aurait plutôt affaire à ses principaux conseillers, le secrétaire général Pierre Bérégovoy, pour les questions politiques, et le chargé de mission François de Grossouvre. Hormis son action dans la résistance et une carrière toute entière placée sous le signe de Mitterrand, ce dernier présentait quelques ressemblances avec le nouveau directeur général du SDECE : même rencontre avec Charles Hernu dans les années 1950, même affiliation fraternelle. Cela expliquait-il la méfiance que nourrissait Marion à son endroit ?
Ou fallait-il y voir là une conception de ses nouvelles fonctions plus en phase avec le monde des affaires, dont il venait, qu'avec celui de la fonction publique, où il était appelé à servir ? Des observateurs se rappelaient que Marion « désir[ait] appliquer au mieux les méthodes d'un "capitaine d'industrie" »[30]. Cette tentation était visible dès la passation de pouvoir, pourtant réduite au minimum. Devant les sept responsables de la direction générale sortante, que lui présentaient le directeur de cabinet de Marenches, le sous-préfet Michel Roussin, l'ancien délégué général d'Aérospatiale aux Etats-Unis ne put cacher son effarement devant l'absence de postes à l'Est. Ayant vécu le traumatisme américain du Vietnam et l'avènement de Ronald Reagan, Marion adhérait à la logique de Guerre froide, combien même des ministres communistes siégeaient au gouvernement français ! La visite des différentes sections atterra un peu plus cet homme qui avait vécu les prémisses de la bureautique au Japon et assisté à son avènement aux Etats-Unis : « Les moyens mis à disposition et les méthodes employées sont archaïques. Ainsi, scandale dans un service qui devrait être à la pointe de la technologie, l'informatique est cantonnée à la paie du personnel[31] ».Un plan d'informatisation d'ensemble était mis en place afin de rendre plus performante l'exploitation des informations[32].
Plutôt que de réorganisation, c'était de refondation qu'il fallait parler. Le mouvement d'organigramme de la fin juillet 1981, passant de deux (infrastructures et moyens, renseignement) à quatre divisions (affaires financières et générales, recherche, contre-espionnage, action), le laissait entendre. Le corpus d'instructions générales, dont la première était prise le 18 septembre 1981, le démontrait bien. En l'espace trois mois, le nouveau directeur général avait tout vu[33], tout analysé, tout diagnostiqué. La création d'une division « Plans/perspectives/évaluation », d'une direction « Renseignement économique », d'une sous-direction « Terrorisme » témoignaient d'une adaptation aux besoins d'un SDECE renouvelé. Le redéploiement des postes vers la menace soviétique, la réorientation des missions et des entrainements du service Action et la civilianisation des personnels[34] affirmaient une volonté de le rendre plus opérationnel. Ces adaptations annonçaient le décret 82-306 du 2 avril 1982[35], mais ne rompaient pas véritablement avec l'esprit de celui du 4 janvier 1946[36] : « La direction générale de la sécurité extérieure a pour mission, au profit du Gouvernement et en collaboration étroite avec les autres organismes concernés, de rechercher et d'exploiter les renseignements intéressant la sécurité de la France, ainsi que de détecter et d'entraver, hors du territoire national, les activités d'espionnage dirigées contre les intérêts français afin d'en prévenir les conséquences. »
Tout juste le sens commercial de Marion apportait-il à la « Boîte », comme l'on appelait en interne le SDECE, son souci de la « clientèle » et des « fournisseurs ». Il fallait rassurer les partenaires alliés. En juillet et août 1981, il rendit visite à la CIA et au Mossad. L'engagement atlantique de la France préoccupait au plus haut point les Américains, même si ils se souciaient peu du service français, tandis qu'il s'agissait de renouer des contacts, après dix ans de rupture, avec les Israéliens[37]. Sa tournée des « fournisseurs », avec lesquels le Service échangeait des renseignements dans le cadre de liaisons formalisées appelée « Totem », permettait de dresser une géographie des orientations que le nouveau directeur général entendait insuffler. D'évidence, l'atlantisme était son souci principal. Aussi se rendit-il auprès du Secret Intelligence Service britannique, du Bundesnachrichtendienst ouest-allemand, du Centro Superior de Información de la Defensa espagnol, du Servizio per le Informazioni e la Sicurezza Democratica italien, l'Inlichtingendienst Buitenland néerlandais et du Groupement renseignement et sécurité suisse. Hormis le National Intelligence Service sud-africain, avec lequel le SDECE cessait ses contacts, l'arrivée de la nouvelle direction générale ne semblait pas vouloir rompre avec l'évolution du SDECE impulsée par Marenches, mais tout au plus en corriger les déviances ou l'adapter aux contingences du moment. La coopération avec l'Afrique restait le cœur de son intérêt, ce qui avait l'heur de rassurer les Américains. La guerre entre l'Iran et l'Irak, l'occupation soviétique en Afghanistan et les activités secrètes libyennes en Méditerranée occidentale guidaient les choix de Marion pour le Moukhabarat al ‘Ammah égyptien, le Mukhabarat al A'amah saoudien, la Research & Analysis Wing indienne et l'Inter-Services Intelligence pakistanais.
Cette activité « promotionnelle » à destination des services alliés, qui se conjuguait avec un renforcement de l'activité offensive du SDECE à destination de l'Union soviétique et de ses satellites, contribua à assurer la position internationale de la France. Ainsi, au début de 1982, le directeur du Servizio per le Informazioni e la Sicurezza Militare italien, le général de corps d'armée Ninetto Lugaresi, proposa à son homologue français de ressusciter le Safari Club, monté par Marenches, avec des fonds saoudiens, de 1976 à 1979 ; la révolution iranienne avait mis fin à cette collaboration entre services égyptien, marocain, saoudien, iranien et français, dont l'objectif était de lutter contre l'expansion soviétique en Afrique et au Moyen-Orient[38]. L'ambition de Lugaresi était moins vaste, se limitant simplement à entraver l'activisme libyen. La France disposait des liaisons avec la Direction de la sûreté de l'Etat tunisienne et la Direction générale des études et de la documentation marocaine et des contacts avec le service espagnol qui permettaient à cette idée de devenir réalité[39].
Un homme lâché
Aussi, quelle ne fut pas sa surprise de constater le large désintérêt du pouvoir, qui ne faisait que cacher une profonde inculture des élites françaises à l'endroit du renseignement. Le nouveau directeur général avait compris de sa première entrevue avec le chef de l'Etat que la relation du SDECE avec le pouvoir exécutif n'avait pas été des plus prolifiques. L'ancien secrétaire général de l'Elysée (1976-1979) du président Giscard d'Estaing, le diplomate Jean-François Poncet, ne tarda pas à le déclarer publiquement, dans le cadre de l'enquête parlementaire sur les « avions-renifleurs », qu'« il y avait beaucoup à faire pour rendre ce service réellement utile à l'Etat », ses notes étant jugées « sans intérêt », en comparaison aux télégrammes diplomatiques[40]. L'ancien délégué général d'Air France et d'Aérospatiale était soucieux de changer également cette donne. Aussi avait-il décidé de faire le tour des ministres avec lequel le Service avait à faire, selon toute logique, en dehors de celui de la Défense qui s'était défaussé sur l'Elysée dès le 19 juin 1981[41] : ceux de l'Intérieur, Gaston Deferre ; des Relations extérieures, Claude Cheysson ; de la Coopération, Jean-Pierre Cot ; des Finances, Jacques Delors ; du Budget, Laurent Fabius ; de la Recherche et de la Technologie, Jean-Pierre Chevènement ; de l'Agriculture, Edith Cresson, et de l'Industrie, Pierre Dreyfus[42].
Entre Chevènement, qui pensait « tout régenter en matière de renseignement technologique », et Cheysson, qui ne souhaitait pas vouloir compromettre le Quai d'Orsay, il n'y avait que Deferre à admettre le concours du Service à la bonne marche de son département. Et encore n'était-il pas complètement sincère ! Que Marion put emprunter des membres de l'Intérieur pour s'assurer des cadres favorables, comme les sous-préfets Arsène Lux, retiré du cabinet du directeur général de la police nationale, et Michel Kuhnmunch, du secrétariat-général de la préfecture de Moselle, le ministre n'y voyait guère d'objection. Les hauts-fonctionnaires favorables à la nouvelle équipe gouvernementale étaient suffisamment rares pour qu'ils fussent partagés. Mais Deferre ne pouvait être tout à fait honnête avec Marion. Comment le pouvait-il alors qu'il tenait Charles Hernu pour un agent soviétique[43] ? En outre, la Direction de la surveillance du territoire (DST) avait mis le nouveau ministre dans la confidence d'une opération qu'elle pilotait depuis février. Le directeur du service de contre-espionnage, Marcel Chalet, lui en avait révélé l'importance par l'intermédiaire du directeur de cabinet de Deferre, l'ancien préfet parisien de 1968, Maurice Grimaud. S'il s'était refusé à laisser l'information gagner les services de la Défense, ce que Deferre comprenait fort bien, Chalet consentit à mettre dans la confidence le chef de l'Etat, lors du premier 14 juillet de son septennat. En janvier 1982, le ministre pensait encore que le SDECE était « un nid d'espions soviétiques »[44].
Cette vieille antienne était diffusée depuis vingt ans au moins par la DST. L'affaire du réseau Saphir ayant pénétré les services de renseignement français, selon les révélations du défecteur soviétique Anatoli Golitsine, passé à la CIA en décembre 1961, avait contribué à détériorer les relations entre le contre-espionnage intérieur et le renseignement extérieur. Ironie de l'histoire, Chalet avait été le seul inspecteur français à être autorisé par les Américains à interroger le transfuge. Et la DST avait mené l'enquête sur des officiers supérieurs du SDECE (les colonels Léonard Houneau et Georges Barazer de Lannurien en 1963-1964), soupçonnés d'être des taupes soviétiques[45]. De ce moment datait l'action extérieure de la DST, qui devait contribuer à la mise en place à l'opération Farewell. Datait aussi ce climat délétère qui avait contribué à ruiner les relations entre les deux services. Or, depuis cette époque, chaque occasion était bonne pour faire rejaillir les suspicions ressassées. Au début de 1982, il s'agissait de la décision de Marion de se doter d'une division de contre-espionnage et de renforcer sa section anti-terroriste. Deux pierres dans le jardin de la DST imposées par le climat d'attentats qui frappait la France sur son sol ou à l'étranger depuis l'assassinat, à Beyrouth, de l'ambassadeur Louis Delamare le 4 septembre 1981.
Cette animosité extérieure participait d'une concurrence entre services, qui n'était pas vraiment différente de celle dans laquelle vivaient les compagnies aériennes et les avionneurs, employeurs de Marion pendant trente-huit années. Ce qui surprit le plus le directeur général du SDECE fut pourtant la réaction fielleuse de son service. Les « anciens » de la Boîte avaient mal vécu la transition post-10 mai 1981. Certains avaient quitté leurs fonctions avant la fin du septennat de Giscard d'Estaing avec leurs dossiers, comme Michel Roussin ou le directeur du renseignement, le colonel René Crignola. D'autres avaient été tout bonnement remerciés. En tout, quelque cinquante officiers de renseignement avaient quitté le service[46]. Par ailleurs, la passation de pouvoir avait mal été vécue par un commandement largement resté « fidèle » à Marenches. Enfin, la présence de ministres communistes au gouvernement troublait tous les autres. La plus grande crainte de la majorité silencieuse du Service était que la nouvelle orientation insufflée par Marion fût diamétralement opposée à celle suivie jusque-là, notamment la politique offensive contre l'Union soviétique. Au fond, les hommes du SDECE partageaient les mêmes craintes que ceux de la DST ! Mais le climat était détestable entre fonctionnaires ambitieux et ralliés de l'époque Marenches.
Les premiers à tenter de s'opposer au nouveau directeur général furent les réseaux africains, aux mains de fidèles à Jacques Foccart, le « Monsieur Afrique » des présidents de Gaulle et Pompidou. Le 28 octobre, ils parvenaient à faire annoncer par l'Agence France-Presse un coup d'Etat au Tchad[47]. L'information avait transité par La Lettre de l'Afrique, qu'animait un « escroc au renseignement et maniaque de l'espionnage »[48], Michel Lambinet. Il avait été armé par selon toute logique, par le chef du service de renseignement d'Elf-Aquitaine[49], l'ancien chef de poste du SDECE à Libreville jusqu'en 1979, le colonel Jean-Pierre Daniel. Le coup était dirigé autant contre Marion, qui avait suspendu toute collaboration avec la société pétrolière, que contre Mitterrand, qui avait renvoyé un autre ancien du SDECE, le colonel Maurice Robert ; ce dernier, ambassadeur au Gabon, était aussi le créateur et le premier dirigeant du service d'Elf-Aquitaine (1974-1979). Marion fut surpris de découvrir l'opération d'information menée contre la France par les « hommes stationnés au Tchad et [le] poste au Gabon »[50]. Cette découverte incita le « clan des Gabonais », comme l'on nommait les thuriféraires de Foccart et Robert dans la Boîte, à redoubler leur « guérilla » contre ce directeur général fantasque. Un piège médiatique fut monté avec Le Point, deux semaines plus tard. Mais la chance n'était décidemment pas au rendez-vous des comploteurs. L'organisation d'une réunion de sécurité des cabinets ministériels, donc avec des responsables communistes, dans les locaux du Service, devait se tenir à l'insu de Marion et des photographes devaient couvrir cette actualité. Mais le directeur général se montra plus coriace à berner et le projet fut éventé. Deux officiers supérieurs supplémentaires furent renvoyés. En outre, Marion rencontra le P-DG d'Elf-Aquitaine, Albin Chalandon, pour qu'il ne reprît pas Maurice Robert, et se rendit au Gabon pour obtenir d'Omar Bongo qu'il renvoyât ses agents de sécurité français. Las, François de Grossouvre passa systématiquement derrière lui pour faire échouer son opération[51].
Cette histoire devait permettre au directeur général du SDECE de prendre conscience des limites du soutien présidentiel. Dans l'affaire tchadienne, il fut systématiquement mis en doute. Sur la capacité du Service d'informer le gouvernement, sur ses capacités d'action en Afrique, sur l'autorité de Marion sur ses hommes. Grossouvre diligenta, forcément sur demande présidentielle, une enquête sur l'affaire. Pour plus de confidentialité, son choix se porta sur le chef de l'état-major particulier de François Mitterrand, le général de corps aérien Jean Saulnier. Marion ne fut pas mis au courant des résultats de cette révision de ses actes. Mais il en déduisit qu'il ne bénéficiait plus de la confiance nécessaire du chef de l'Etat pour mener à bien sa mission. Tout ce que ce dernier lui avait promis le 10 juin précédant n'était que du vent. Conscient de ce lâchage ultime, il ne songea pas immédiatement à démissionner. L'homme était seulement sonné. Les attaques de Deferre, en janvier suivant, les activités du conseiller Afrique de l'Elysée, Guy Penne ou de Jean-Christophe Mitterrand, au printemps 1982, achevèrent de le décourager. Sa rencontre avec le président, à la fin du même mois, le détermina à quitter ses fonctions.
Mais il commençait à engranger les effets de ses réformes. Les notes s'étoffaient à mesure que les postes s'ouvraient, notamment à Moscou. Trois équipes étaient aussi présentes au Liban afin de recueillir des informations sur les réseaux terroristes, tandis que des officiers Action pénétraient, via la Hongrie et la Tchécoslovaquie, dans une Pologne soumise à l'état de siège, et que d'autres infiltraient l'administration sandiniste au Nicaragua. Dès octobre 1981, il avait instauré l'élaboration de notes hebdomadaires d'évaluation qui faisaient la synthèse prospective des principaux événements. Ces National Intelligence Estimates français étaient ensuite diffusés auprès des « clients » du Service et commentés chaque mardi soir à l'Elysée en vue du conseil des ministres du lendemain. En avril 1982, il présentait un mémorandum consacré au Terrorisme appliqué en France : analyse et esquisse d'une stratégie, où il préconisait une législation nationale plus répressive, des sanctions internationales contre les Etats soutiens ou commanditaires et, si besoin, des actions violentes à l'encontre des organisations terroristes. Début mai, la nouvelle DGSE, qui prenait la suite du SDECE, ouvrait un nouveau canal de communication avec l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) qui permirent, un mois plus tard, l'exfiltration de Yasser Arafat vers la Tunisie. Au même moment, des officiers de renseignement apportaient leur concours à la surveillance des activités argentines sur le territoire national pour le compte du Secret Intelligence Service, alors que la Grande-Bretagne engageait une opération militaire combinée pour libérer les Malouines envahies par l'armée de Buenos Aires[52].
Malgré les critiques des nostalgiques de Marenches, le Service était parfaitement opérationnel. Naturellement, il arriva que deux officiers fussent arrêtés à Rome, planquant devant l'ambassade de Libye ; les poliziotti les avaient pris pour des terroristes des Brigate Rosse préparant un attentat… Mais, dans le même temps, les hommes du président continuaient de s'enfoncer dans cette paranoïa qui les amena jusqu'à écouter les conversations téléphoniques d'actrices. Des demandes d'informations sur des citoyens français commençaient à arriver à la DGSE. Puisque le Service souhaitait ne pas prendre en charge la protection rapprochée du chef de l'Etat et la sécurité de sa fille cachée Mazarine Pingeot, une cellule ad hoc en était chargée. Comme l'époque était au terrorisme, elle se camouflerait sous la mission de lutter contre cette menace. Cette mesure alimentait un peu plus la « guerre des polices » latente qui régnait depuis que la gendarmerie avait obtenu la sécurité de la présidence de la République[53]. Quant à l'antiterrorisme, il était confié à une nouvelle entité, un secrétariat d'Etat à la Sécurité et dépendant du ministre de l'Intérieur. L'absence de coordination était flagrante. Par ailleurs, elle échappait à la DGSE. Marion décida d'en tirer les conclusions. Sa démission fut rendue effective le 11 novembre 1982. Le lendemain, son successeur, l'amiral Pierre Lacoste, était nommé par décret[54]. Quant à Pierre Marion, il retournait à ses premières amours, prenant au 1er janvier suivant la présidence du conseil d'administration d'Aéroport de Paris[55].
« L'homme qui a été choisi pour me succéder durant dix-sept mois (…) se révéla n'être qu'un intérimaire », nota rétrospectivement, autant que dédaigneusement, Alexandre de Marenches[56]. Ce jugement édicté en 1986, au lendemain de cet échec majeur que fut l'affaire Greenpeace, tendrait à voir rétrospectivement les événements produits entre le 10 mai 1981 et le 10 juillet 1985 et, donc, à en rendre responsable Pierre Marion. L'amertume de l'avant-dernier directeur général du SDECE à l'endroit de son successeur ne faisait que cacher celle que Marenches éprouvait quant à lui-même. D'un point de vue du renseignement, le néophyte fit aussi bien, sinon mieux que le prétendu maître. Le climat de l'alternance politique de 1981 permettait de ne considérer la présidence Mitterrand que comme un bloc. La Guerre froide poussait également à ces prises de positions tranchées.
Pierre Marion était le concepteur d'une DGSE qui, toute proportion gardée, ressemblait étrangement au SDECE d'avant l'affaire Saphir. Certes, elle dépendait toujours du ministre de la Défense, mais elle avait renouvelé ses cadres par une civilianisation inédite. Si elle avait subi une baisse de capacité, ce fut moins du fait des quelque cinquante renvois, mais bien en raison des démissions d'une partie de ses cadres et des résistances idéologiques de certaines coteries internes. Le mauvais caractère et l'autoritarisme du directeur général influèrent assurément sur l'état d'esprit ambiant au sein de la Boîte au cours de l'été et de l'automne 1981. Le coup le plus dur porté au Service le fut néanmoins par l'incurie de nouvelle équipe gouvernementale. La paranoïa des « petits messieurs de l'Elysée », à moins qu'il ne s'agît de tout simplement d'inculture, conduisit à des dérives que ne pouvaient être imputées au SDECE, ni à son successeur qu'était la DGSE, pas plus que l'on ne pourrait les imputer à la DST. L'ère Mitterrand usa d'officines qui n'appartenaient au monde du renseignement, pas plus qu'elles n'appartenaient au monde de la police. Même l'exercice de diplomatie secrète qui mena Marion à négocier avec Rifaat al Assad, frère du président syrien et chef des Saraya al Difaa an al Thawra (Brigades de défense de la révolution), le retrait d'Abu Nidal du théâtre français, correspondait à cette parcellisation de la sécurité par Mitterrand.
La remise en perspective de l'activité humaine de Pierre Marion impose donc une révision du jugement de sa direction générale du renseignement extérieur français, entre juin 1981 et novembre 1982. Il composa l'architecture de la principale mutation du Service depuis 1946. Le choix du renforcement de ses capacités d'acquisition de données économiques, et non plus uniquement technologiques, témoignait d'une innovation managériale réelle. La civilianisation permettait d'attirer des talents dans des domaines non-militaires, ce qui élargissait inévitablement la couverture de la DGSE. De ce point de vue, la mission de Marion n'avait pas été inutile.
Son échec, puisqu'il échoua comme le démontre sa démission, était ailleurs. Ce non professionnel du renseignement, mais également de la chose militaire, avait une meilleure connaissance internationale que la majeure part des caciques du nouveau régime. En outre, il conservait cette capacité toute polytechnicienne de réfléchir sur ses modalités d'action. Toute son activité à la tête du SDECE, puis de la DGSE ne faisait qu'interroger sur la place, au sein de l'appareil d'Etat français, d'un service de renseignement qui ne serait pas un simple « instrument policier », comme la DST, mais bien un authentique organisme de recherche d'informations et d'action hors des frontières. Huit ans avant la fin de la Guerre froide, il posait une question d'une étrange préscience.
- [1] https://www.polytechnique.org/search?quick=pierre+marion, consulté le 29 mai 2010.
- [2] Service historique de l'Armée, Département de l'armée de Terre, Vincennes, 34 N 890, liste des élèves-officiers, avril 1940.
- [3] Pierre Marion, Mémoires de l'ombre (Paris, Flammarion, 1999), pp. 16-17, 20-21.
- [4] Ibid., p. 49.
- [5] Ne titra-t-il pas son compte-rendu d'activité publié comme des Mémoires de l'ombre ?
- [6] Aviation Magazine International, n° 576, 15 décembre 1971, p. 14.
- [7] Pierre Marion, op.cit., pp. 51-52.
- [8] Ibid., p. 67.
- [9] Air France, Rapport du conseil d'administration, bilan et compte des profits et pertes, rapports des commissaires, résolutions 1956 (Paris, 1957), p. 51.
- [10] Pierre Marion, op.cit., pp. 51-52.
- [11] Ibid., pp. 68-69.
- [12] Ibid., pp. 75 (Khrouchtchev) et 76 (Ben Bella). Cf. aussi Bernard Violet, Vergès. Le maître de l'ombre (Paris, Seuil, 2000), p. 141.
- [13] Ahmed Ben Bella, Mohammed Boudiaf, Hocine Aït Ahmed, Mohammed Khider et Rabah Bitat avaient été arrêtés par le Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (Sdece) le 22 octobre 1956, alors qu'ils quittaient Rabat pour Tunis. Le DC 3 d'Air Atlas avait été dérouté vers Alger à l'insu de ses passagers. L'opération avait été menée par Jean Allemand, alias colonel Germain, délégué du Sdece pour l'Afrique du Nord, grâce aux écoutes du Service technique de renseignement, l'unité Sigint du colonel Teyssère, qui travaillait pour le Centre de coordination interarmées du colonel Léon Simoneau [Roget Faligot, "Comment le colonel Germain a enlevé Ben Bella", Historia, n° 573, septembre 1994 et "France, Sigint and the Cold War", Matthew M. Aid, Cees Wiebes (Ed.), Secrets of signals intelligence during the Cold War and beyond (Londres, Franck Cass Pub., 2001), p. 191].
- [14] Ibid., p. 66.
- [15] Ibid., p. 105.
- [16] Ibid., p. 143. Son adjoint était un ancien capitaine de vaisseau de la Navy rentré du Vietnam depuis peu.
- [17] Ibid., p. 88.
- [18] Jukagaku Kogyo Tsushinsha, Directory of foreign establishments in Japan (Tokyo, Heavy & Chemical Industries News Agency, 1968), p. 50.
- [19] Georges Pompidou lors des entretiens franco-japonais des 6-9 avril 1964, cité par Maurice Vaïsse, La puissance ou l'influence ? La France dans le monde depuis 1958 (Paris, Fayard, 2009), p. 463.
- [20] Pierre Marion, op.cit., p. 87.
- [21] Ibid., pp. 85-86 et Flight International des 2 avril 1964, p. 515, et 20 mars 1969, p. 435. Membre du Jiyuminshuto (Parti libéral-démocrate), au pouvoir au Japon depuis sa création en 1955, Godo devint ministre du Commerce et de l'Industrie dans les années 1980.
- [22] Pierre Marion, op.cit., p. 153.
- [23] Christine Ockrent, Alexandre de Marenches, Dans le secret des princes (Paris, Stock, 1986), p. 293.
- [24] Ibid., p. 294.
- [25] Journal officiel de la République française du 20 mai 1981, p. 1578.
- [26] Ibid. du 20 mai 1981, p. 1580. Depuis le début de l'année 1981, il passait trois demi-journées par semaine au bureau de Marenches.
- [27] Pierre Marion, op.cit., p. 157.
- [28] Franz-Olivier Giesberg, dans Le Nouvel Observateur du 5 septembre 1986, p. 30.
- [29] Pierre Marion, op.cit.. Le décret le nommant à ce poste fut signé le 22 juin et promulgué dans le Journal officiel de la République française du 23 juin 1981, p. 1779.
- [30] Claude Faure, Aux services de la république. Du Bcra à la Dgse (Paris, Fayard, 2004), p. 462.
- [31] Pierre Marion, op.cit., p. 178.
- [32] En 1985, le « criblage » des archives centrales se faisait encore manuellement, à partir de fiches cartonnées manuscrites, cf. Pierre Siramy [Maurice Dufresse], 25 ans dans les services secrets. Témoignage (Paris, Flammarion, 2010), p. 42.
- [33] Cf. son « bizutage » (Pierre Marion, op.cit., p. 164) par les réservistes de la division Action, rapporté par l'un de ses chefs dans Pascal Krop, Les secrets de l'espionnage français. De 1870 à nos jours (Paris, Lattès, 1993), p. 529.
- [34] Cette décision de réduire la part des militaires dans la Boîte venait d'une cellule de réflexion travaillant, depuis 1976, à réformer les services secrets. Elle était composée autour d'un vétéran de la « strate » socialiste initiale du Sdece, Louis Mouchon, de François de Grossouvre et de Charles Hernu, déjà flanqué de Jean-François Dubos. Deux documents furent remis au candidat socialiste, dont l'un visant à réduire l'emprise des militaires sur le Service. Mouchon avait été traumatisé par leur arrivée massive après l'affaire Ben Barka, les jugeant, pour beaucoup, inaptes au renseignement par manque de formation. En outre, la civilianisation devait permettre de recruter du personnel civil de qualité [Roger Faligot, Pascal Krop, La piscine. Les services secrets français. 1944-1984 (Paris, Seuil, 1985), p. 353, Milo Dor, On the Wrong Track. Fragments of an Autobiography (Riverside, Ariadne Press, 1993), pp. 146-147 et Paul Barril, Guerres secrètes à l'Elysée (1981-1995) (Paris, Albin Michel, 1996), p. 149]. Dans la conception de Marion, il s'agissait d'ingénieurs et d'économistes surtout.
- [35] Journal officiel de la République française du 4 avril 1982, p. 1034.
- [36] Service historique de la Défense, Département de l'armée de Terre, Vincennes, 6 P 1, Relevé des ordonnances et décrets adoptés au cours du conseil des ministres du 28 décembre 1945. Le décret ne parut pas au Journal officiel, mais fut considéré comme promulgué le 4 janvier 1946. Suite à l'affaire Ben Barka, le décret n° 66-66 du 22 janvier 1966 [Journal officiel de la République française du 23 janvier 1966, p. 645] mit fin au rattachement du Sdece aux services du Premier ministre pour le placer sous la responsabilité du ministre de la Défense. Evidemment, l'autre document élaboré par le groupe de réflexion qu'animait Louis Mouchon suggérait un retour au statut ante-1966.
- [37] Pierre Marion, op.cit., pp. 173-176.
- [38] John Cooley, Unholy Wars: Afghanistan, America and International Terrorism (Londres, Pluto Press, 2002), pp. 15-17.
- [39] Roger Faligot, Remi Kaufer, Histoire mondiale du renseignement. 2, Les maîtres espions (Paris, Robert Laffont, 1994), p. 343, Nicole Grimaud, La Tunisie à la recherche de sa sécurité (Paris, Presses universitaires de France, 1995), p. 156 et Rachid El Houdaïgui, La politique étrangère sous le règne de Hassan II : acteurs, enjeux et processus décisionnels (Paris, L'Harmattan, 2003), p. 51.
- [40] Assemblée nationale, rapport n° 2418 de la Commission d'enquête chargée d'examiner les conditions dans lesquelles des fonds ont pu être affectés depuis 1976 à une « invention scientifique susceptible de bouleverser la recherche pétrolière », du 14 novembre 1984. Alexandre de Marenches le disait également à demi-mot à Christine Ockrent, op.cit., pp. 154-156. Cf. aussi Claude Faure, op.cit., pp. 429-430.
- [41] Cf. Pierre Marion, op.cit., p. 163.
- [42] Ibid., pp. 170-171.
- [43] Propos de Marcel Chanet à Eric Raynaud du 5 février 2003, cité in Sergueï Kostine, Eric Raynaud, Adieu Farewell (Paris, Robert Laffont, 2009), p. 167. L'affiliation du député de la Seine aux services bulgares, puis roumains, au moins en 1956 et 1957, avec une tentative de réactivation en 1982 [Eric Merlen, Frédéric Ploquin, Les carnets intimes de la DST (Paris, Fayard, 2003), p. 182 et texte de la « Note au président Ceausescu au sujet de Charles Hernu », dans L'Express du 29 octobre 1998], était toutefois sujette à caution, ce vieux compagnon de route de Mitterrand étant aussi un « informateur patenté des Américains » [Vincent Nouzille, Des secrets si bien gardés. Les dossiers de la Maison-Blanche et de la CIA sur la France et ses présidents 1958-1981 (Paris, Fayard, 2009), p. 114], notamment de la CIA [Foreign Affairs Oral History Project, Association for Diplomatic Studies and Training, Georgetown University, Washington DC, interview de H. Allen Holmes, premier secrétaire de l'ambassade des Etats-Unis à Paris (1970-1974) du 9 mars 1999].
- [44] Pierre Marion, op.cit., p. 190.
- [45] Cf. Gérald Arboit, James Angleton. Le contre-espion de la CIA (Paris, Nouveau Monde éditions, 2007).
- [46] Cf. Roger Faligot, Pascal Krop, op.cit., p. 356.
- [47] Sur les différentes hypothèses évoquées avant l'explication de Pierre Marion, cf. Robert Buijtenhuijs, Le Frolinat et les guerres civiles du Tchad (1977-1984). La révolution introuvable (Paris, Karthala, 1987), pp. 194-196.
- [48] Selon sa fiche de la Direction de la surveillance du territoire, établie en 1964, citée par Roger Faligot, « Dans les pas des réseaux Foccart : le faux tournant de la politique africaine de François Mitterrand », Roger Faligot, Jean Guisnel, Rémi Kauffer, Histoire secrète de la Ve République (Paris, La Découverte, 2006), p. 176.
- [49] Jean-François Bayart, La politique africaine de François Mitterrand. Essai (Paris, Karthala, 1984), p. 17.
- [50] Pierre Marion, op.cit., p. 183.
- [51] Ibid., pp. 185-187.
- [52] Ibid., pp. 193-209.
- [53] Sur cette question et l'affaire des Irlandais de Vincennes, déclenchée le 28 août 1982, cf. Jean-Michel Beau, L'affaire des Irlandais de Vincennes, 1982-2007 ou L'honneur d'un gendarme (Paris, Fayard, 2008), Jean-Marie Pontaut, Jérôme Dupuis, Les Oreilles du Président (Paris, Fayard, 1996) et Yves Bonnet, Pascal Krop, Les Grandes Oreilles du président (Paris, Presses de la Cité, 2004).
- [54] Journal officiel de la République française du 14 novembre 1982, p. 3423.
- [55] Ibid. du 31 décembre 1982, p. 4011.
- [56] Christine Ockrent, Alexandre de Marenches, op.cit., p. 295.