Soumeylou Boubeye Maïga (1954-2022)
Éric DENÉCÉ

Le 21 mars dernier s’est éteint un grand ami du CF2R, Soumeylou Boubeye Maïga. Ancien Premier ministre du Mali et figure centrale de la vie politique de son pays, il était l’un des meilleurs spécialistes des questions géopolitiques et sécuritaires de l’Afrique de l’Ouest et de l’espace sahélien. Toute notre équipe tient à lui rendre hommage.
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Soumeylou Boubèye Maïga (SMB) est né le 8 juin 1954 à Gao (Mali). Après un baccalauréat littéraire obtenu au lycée de Badalabougou de Bamako, il suit des études de journalisme au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (CESTI) de l’Université de Dakar, puis obtient un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) de diplomatie et administration des organisations internationales à l’Université de Paris-Sud/Sceaux en 1987, ainsi qu’un diplôme de relations économiques internationales à l’Institut international d’administration de Paris (IIAP). De retour au Mali, il commence une carrière de journaliste, d’abord à L’Essor, quotidien d’État, puis au journal Sunjata.
Soumeylou Boubèye Maïga s’engage rapidement en politique, au sein du Parti malien du travail. Il prend part à la révolution malienne de mars 1991 et est l’un des principaux artisans de la chute du régime de Moussa Traoré. Il devient alors conseiller spécial du chef de l’Etat (1991-1992), puis chef de cabinet du Président de la République Alpha Omar Konaré (1992-1993).
Spécialiste des questions de sécurité et de défense, il est alors nommé directeur général de la Sécurité d’État, le service malien de renseignement. A la tête de ce service, celui que l’on surnomme désormais « le Tigre » a la réputation d’être un homme à poigne, déjouant au moins « un coup d’État ». Puis, en juin 2000, il entre au gouvernement de Mandé Sidibé en tant que ministre des Forces armées et des Anciens combattants.
En juin 2002 Soumeylou Boubèye Maïga est candidat à la candidature au nom de l’Alliance pour la démocratie au Mali/Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA/PASJ) pour l’élection présidentielle, parti dont il est membre fondateur et vice-président. Sans succès. Il renouvellera cette tentative en 2007, toujours sans succès.
Il créé et préside alors l’association humanitaire AMMA-Source de Vie et l’Observatoire Sahélo-Saharien de Géopolitique et de Stratégie (OSGS).
Le 6 avril 2011, il est nommé ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale dans le gouvernement de Cissé Mariam Kaïdama Sidibé. Toutefois, lors du coup d’Etat d’Amadou Sanogo, en mars 2012, il est fait prisonnier par les putschistes. Il entame alors une grève de la faim en compagnie de plusieurs autres hauts officiels incarcrés. Le 8 septembre 2013, il retrouve le pouvoir : il est nommé ministre de la Défense et des Anciens combattants dans le gouvernement d’Ouvmar Tatam Ly. Mais il démissionne de ses fonctions en mai 2014, en réaction à la défaite de l’armée malienne à Kidal, face à des groupes rebelles.
Le 30 décembre 2017, Soumeylou Boubèye Maïga est nommé Premier ministre par le Président Ibrahim Boubacar Keïta ; il est reconduit dans ses fonctions en 2015, suite à la réélection de ce dernier. Toutefois, il démissionne avec son gouvernement en avril 2019, confronté à une vaste contestation sociale et à la suite massacre de 160 Peuls dans le centre du Mali.
En août 2021, Soumeylou Boubèye Maïga est inculpé puis arrêté par la chambre d’accusation de la Cour suprême du Mali, soupçonné de détournements de biens publics à l’occasion de l’achat de l’avion officiel du président Keïta. Il décède en détention le 21 mars 2022 dans une clinique de Bamako où il avait été transféré le 16 décembre, en raison de la dégradation de son état de santé.
Soumeylou Boubèye Maïga était père de 5 enfants et avait perdu son fils ainé en février 2021.
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Le CF2R avait accueilli Soumeylou Boubeye Maïga à de nombreuses reprises afin d’échanger sur les questions de sécurité et la menace du terrorisme islamique en Afrique sahélienne. Il avait également accepté de figurer parmi le comité de parrainage de notre formation « Management des agences de renseignement et de sécurité ».
Nous republions dans le document à télécharger l’interview qu’il avait accordé à Eric Denécé pour la revue Sécurité globale et l’article qu’il avait publié dans l’ouvrage collectif du CF2R La face cachée des révolutions arabes (Ellipses) :
– « Risques et enjeux sécuritaires dans l’espace sahélo-saharien », Sécurité Globale, n°15, printemps 2011 ;
– « L’impact de la crise libyenne sur la situation sécuritaire du Nord-Mali », in La face cachée des révolutions arabes (Ellipses, 2012).