Retour sur les reseaux Stay Behind en Europe : le cas de l’organisation luxembourgeoise
Gérald ARBOIT
« Jamais personne n’a mené l’enquête au sujet des activités du service de renseignement luxembourgeois et de celle des services secrets du monde entier au Luxembourg », notait un hebdomadaire indépendant luxembourgeois promouvant un livre, forcément sulfureux, sur le sujet[1]. Il est vrai qu’établir l’histoire du renseignement au Luxembourg, exercice qui n’est déjà pas chose aisée dans de grands pays, relève de la gageure. L’absence de rapport parlementaire concernant les activités Stay Behind au Grand-Duché participe de ces questions. Toutefois, depuis le 7 juillet 2008, un pan de cette histoire secrète de la Guerre froide est désormais accessible[2]. Cette question est apparue au grand jour en novembre 1990 par les premières révélations concernant l’Italie, où cette histoire était connue sous le nom de « Gladio ». Toute une littérature s’est penchée sur la question[3], sans réellement aller au-delà de la présentation de la philosophie de ces activités clandestines qui avaient vu le jour en Europe occidentale. Comme toujours lorsqu’il est question de renseignement, elle a profité des révélations sulfureuses propagées par les médias à propos des déviances engendrées par l’existence de ces réseaux en Italie. Dans une certaine mesure, le modèle italien est même devenu celui d’une conspiration mondiale téléguidée par l’Alliance atlantique.
L’inanité d’une telle construction intellectuelle se nourrissant de présupposés anti-américains limite toute analyse historique sérieuse, autant qu’elle l’empêche de faire surgir la réalité des événements, à commencer par la chronologie. L’initiative luxembourgeoise, après les enquêtes parlementaires suisse[4], italienne[5], belge[6], néerlandaise[7] et autrichienne[8], offre une occasion de revenir sur cette histoire méconnue. Depuis les dernières discussions sur le réseau Stay Behind à la Chambre des Députés, en décembre 1990, un instrument a renforcé les moyens de contrôle parlementaire luxembourgeois, permettant de se pencher sur cette question. La loi du 15 juin 2004 portant sur l’organisation du Service de renseignement de l’Etat a instauré une Commission de contrôle parlementaire de ses activités. En novembre 2005, des révélations entourant une série d’explosions du 30 mai 1984 au 25 mars 1986 dans le Grand-Duché, attribuée au groupe non identifié à ce jour des « Bommeléerten », ont permis la transmission, le 12 juillet 2007, de l’affaire au parquet de Luxembourg, pour une enquête judiciaire, et une question parlementaire le 31 janvier 2008, ouvrant une enquête sur l’implication du Service de renseignement de l’Etat[9].
Une opération de Guerre froide
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, personne dans le monde du renseignement américano-britannique en mutation ne pensait que « le modèle que nous avions utilisé dans la résistance européenne contre les Nazis ne puisse pas être appropriée face à la menace totalitaire qui cherche à enrôler et pas seulement à soumettre les populations qu’elle occupait »[10]. Le 12 février 1948, après le coup de Prague, la CIA entreprit de systématiser cette lutte qui s’inscrivait dans un contexte de plus en plus brûlant : en mars débuta le blocus de Berlin. Le 18 juin, le National Security Council adoptait la résolution NSC 10/2 chargeant l’Office of Special Projects d’établir un programme d’action clandestin. En octobre 1950 était créé l’Office of Policy Coordination (OPC). Dans le contexte d’une guerre de Corée s’éternisant, il fut bientôt chargé par le département de la Défense d’établir un réseau Stay Behind en Europe occidentale et d’organiser des réseaux de résistance en Europe orientale[11]. Dans le même temps, de l’autre côté de l’Atlantique, les responsables politiques et militaires estimaient qu’il fallait éviter, en cas d’un nouveau conflit, les erreurs qui avaient été commises pendant la Seconde Guerre mondiale.
Préalablement à toute coordination internationale, les principaux services spéciaux occidentaux entreprirent de réactiver leurs réseaux de résistance non-communistes. En France, avant la désormais célèbre Mission 48, aussi connue sous les noms Arc-en-Ciel et Rose des Vents, eut lieu la mission Smala. Au cours de l’année 1947, certains anciens de la France Libre, comme le lieutenant François Meyer, furent réveillés par la Direction de la surveillance du territoire pour constituer « un réseau de vigilance et de protection intérieure, de Stay Behind, comme disent les Anglo-Saxons »[12]. En cas d’invasion soviétique, irrésistible selon les sentiments de l’époque, ils devaient rejoindre l’Afrique du Nord par l’Espagne afin de préparer la reconquête nationale[13]. On trouve là la philosophie générale des réseaux Stay Behind, à savoir évacuer les gouvernements nationaux vers des territoires libres et maintenir des contacts sûrs avec ceux qui étaient restés aux pays. Entre mai et septembre 1946, les ressorts de l’affaire « Passy », cabale médiatique lancée contre le colonel André Dewavrin, fondateur des services de renseignement de la France Libre, montraient combien les habitudes nouées pendant la Seconde Guerre mondiale restaient vivaces[14]. Dans une Europe continentale en proie à la menace communiste, le MI-6 s’activait pour établir des réseaux dormants. A l’hiver 1948-1949, son chef, Stewart Menzies, convint avec le Premier ministre belge Paul-Henri Spaak de poursuivre la « coopération (…) entre les services spéciaux (…) sur base de ces traditions qui datent de la Première Guerre mondiale »[15], ou à tout le moins depuis le 11 mai 1942[16]. Bien que l’agent bruxellois de l’Office of Policy Coordination fut invité à rejoindre le Tripartite Meeting Belgium Brussels, il se retrouva dans la même position que son homologue de l’Office of Strategic Services naguère, à faire figure de bénéficiaire secondaire privilégié. De même, cette coopération fonctionna sur le même mode d’exclusivité que pendant la Seconde Guerre mondiale[17], et le Luxembourg fut totalement absorbé par le couple britannico-belge[18].
La guerre de Corée constitua un réchauffement inquiétant de la Guerre froide. Le sujet des réseaux Stay Behind, comme bien d’autres questions d’ordre européen, fut évoqué au sein de l’Union occidentale, conclue deux ans plus tôt entre la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg. Il fut décidé de constituer un organe de coordination. En juillet 1951, les activités du Comité clandestin de l’Union occidentale furent transférées, sur l’initiative du commandant militaire de l’Alliance atlantique, le général Dwight D. Eisenhower, au Coordination and Planning Committee (CPC), une structure qu’il est difficile de situer dans l’organigramme de l’Alliance atlantique, sinon en « liaison directe et officielle » avec le Supreme Headquarters Allied Powers Europe (SHAPE). Tout juste peut-on dire qu’il était « composé à la base de représentants des Services Spéciaux britanniques, français et américains, mais qu’il [obtint], une fois créé officiellement, la collaboration des Services Spéciaux des autres nations de l’OTAN toutes les fois que leurs intérêts nationaux seraient en jeu »[19]. Ainsi, la participation des services néerlandais, belges et luxembourgeois en pleine (ré)organisation à partir des personnels résistants ne pouvait être envisagée au CPC. Pas plus qu’italiens d’ailleurs…
Toutefois, des représentants des trois premiers furent invités à suivre les travaux des deux groupes de travail, Operational Clandestine Intelligence (renseignement) et Escape & Evasion (fuite et évasion) du CPC. Ce ne fut qu’au lendemain du soulèvement hongrois que le Luxembourg adopta le « dispositif de temps de guerre selon les directives du CPC ». Le 5 février 1957[20], le chef du 2e Bureau de l’armée luxembourgeoise – qui faisait encore fonction de service spécial militaire – demanda au chef d’état-major de mettre à sa disposition « un officier spécialisé en la matière et qui serait envoyé dès à présent à la sous-commission créée par le CP et composée des représentants de chaque pays intéressé ». Ainsi le Grand-Duché se mettait-il dans les conditions de rejoindre, comme l’avaient fait avant lui ses partenaires du Benelux, l’Allied Coordination Committee (ACC), constitué le 30 avril 1958 à partir des deux groupes de travail du CPC. Il s’agissait d’un « comité régional réunissant six puissances dont le but est de fournir une consultation mutuelle et de développer des avis de politique en matière d’intérêts communs concernant le Stay Behind dans les pays concernés d’Europe occidentale. (…) Les six membres, bien qu’ils agissent en consultation avec les autres partenaires, gardent néanmoins leur autonomie et le contrôle de leurs ressources nationales[21]. »
Le 23 avril 1959, le Luxembourg pouvait entamer son intégration au sein du dispositif de l’ACC[22]. Il acceptait ainsi de s’accorder avec ses autres partenaires[23] pour développer une politique commune en matière de Stay Behind, mais conservait son autonomie d’organisation. De même, cette coordination n’intervenait pas dans le cadre de l’OTAN, bien que tous ces pays en fussent membres et qu’ils profitassent des rencontres organisées dans ce cadre pour tenir leurs réunions jusqu’en octobre 1990. Par ailleurs, compte tenu de la particularité des relations qu’entretenaient le Grand-Duché et le Royaume de Belgique depuis 1921, il semble qu’une coopération s’organisa entre les deux structures Stay Behind. Enfin, comme le montrait déjà le Tripartite Meeting Belgium Brussels, le Luxembourg fut associé au couple belgo-britannique[24].
Le Stay Behind rattaché au service de renseignement
Le processus proprement luxembourgeois se développa dans le cadre de la loi du 30 juillet 1960 concernant la protection des secrets intéressant la sécurité extérieure de l’Etat. Etait créé un Service de renseignement (SRE) civil, placé sous l’autorité directe du ministre d’Etat, président du gouvernement, qui en déterminait l’organisation et les relations avec les autres administrations. Le nouveau service se vit ainsi accorder certaines dérogations, notamment dans les domaines du recrutement de personnel[25] et de la gestion budgétaire[26]. L’arrêté ministériel du 22 novembre 1960 concernant l’organisation intérieure du service de renseignements prévoyait la constitution d’un groupe « Plans », dont le chef était « chargé de l’élaboration de tous les plans relatifs à des missions spéciales. Il fut responsable du recrutement, de l’instruction et de l’affectation du personnel chargé de ces missions ainsi que de la mise à disposition du matériel requis ».
Ce groupe n’était autre que la section spéciale du Service de renseignement chargée de la planification de guerre, de concert avec les services alliés au sein de l’ACC. Il était responsable au Grand-Duché du réseau Stay Behind. Le Luxembourg adoptait la même solution que la Belgique de faire gérer la structure clandestine par un service civil[27], en collaboration avec l’armée. De même, un projet d’arrêté précisait qu’« un cloisonnement est établi entre la section « Opérations » et la section « Plans » », cette dernière étant directement soumise à l’autorité du directeur du Service ou de son adjoint. Une réorganisation interne du SRE, par arrêté ministériel du 6 juillet 1981, transforma les anciens « groupes » en « branches ». Mais s’il décrivait beaucoup plus en détail la structure interne du Service que celui de 1960, il n’en livrait naturellement aucun pour le « Plans ». Bien entendu, sa mission restait inchangée, comme son organisation. Elle restait sous la responsabilité d’un officier de l’armée détaché et de deux instructeurs. Ces derniers s’occupaient de la création et de la maintenance, en temps de paix, d’un réseau d’agents clandestins spécialement recrutés, entraînés et organisés pour rester sur place et opérer à partir du pays après l’occupation par l’ennemi.
La « Conception luxembourgeoise de l’organisation Stay Behind » prévoyait explicitement que la structure :
- était aux ordres du Gouvernement luxembourgeois,
- opérait exclusivement sur le territoire national,
- ne se mettait en œuvre qu’après l’occupation du territoire national par l’ennemi.
Le « dispositif de temps de guerre selon les directives du CPC » de 1957 envisageait trois grandes catégories de missions :
- le renseignement,
- l’infiltration/exfiltration,
- les actions.
La première se résumait à la collecte d’informations d’ordre général, économique et militaire, et à leur transmission par radio à la base clandestine alliée. La seconde consistait à organiser le transit clandestin de personnel et de matériel par voie terrestre ou aérienne. Afin d’assurer l’évacuation du gouvernement, de la famille grand-ducale et des personnes-clés de l’administration publique, des plans de repli furent élaborés et des réserves en ressources matérielles (véhicules, essence…) constituées. Les agents reçurent une formation pour préparer et baliser une zone en vue d’un parachutage, d’un ramassage en vol et d’un atterrissage d’hélicoptère.
La dernière mission couvrait le sabotage, les PsyOps (opérations psychologiques), le soutien aux mouvements de résistance et l’appui aux Unorthodox Military Forces (forces spéciales militaires). Toutefois, dans la terminologie Stay Behind, le terme « actions » signifiait le plus souvent opérations de sabotage. « De par sa situation démographique particulière, le Luxembourg ne peut se permettre de recruter et d’instruire des agents destinés à des actions de sabotage. Toutefois, il accepte les propositions du Royaume-Uni pour organiser des groupes clandestins d’action (CAG) et de les instruire en temps de guerre (conférer UK/ACC/L/1/77), groupes recrutés parmi le personnel luxembourgeois ayant pu regagner le Royaume-Uni. Ces CAG seront aux ordres du gouvernement luxembourgeois, et le cas échéant, du cadre national de l’ACB, mais sont uniquement destinés à remplir des missions requises par le commandement militaire allié[28]. »
Les agents luxembourgeois ne furent pas plus formés aux PsyOps. Comme il n’était pas plus prévu d’intégrer les agents dans des groupes locaux de résistance, l’appui aux UMF se résuma à recueillir et à guider de petites équipes, à leur fournir des renseignements et à les approvisionner.
A la différence de l’organisation belge, la structure Stay Behind luxembourgeoise ne fut pas complétée d’une structure militaire dédoublée. De ce fait, il en découla une autre logique de recrutement, ou plutôt de cooptation. Comme partout en Europe, les candidats étaient des nationaux apolitiques. En outre, ils devaient jouir d’une bonne réputation et n’avoir commis aucune infraction pénale. Ils étaient affectés à une zone d’opérations dans laquelle ils étaient domiciliés. L’agent idéal était marié, exerçant un métier qui lui laissait assez de temps et de liberté de mouvement et n’appartenait plus à la réserve de l’armée.
Après leur recrutement, les agents identifiés recevaient une formation individualisée et régulière leur dispensant des connaissances spécifiques nécessaires à l’accomplissement de leur mission. Selon la disponibilité de l’agent, les cours avaient lieu hebdomadairement pendant une période d’une à deux années et comportaient une instruction sur :
- l’organisation et la direction d’un réseau clandestin,
- la sécurité individuelle et collective,
- le comportement conspiratif,
- les communications,
- des sujets techniques comme les transmissions, la lecture de cartes, l’identification du matériel d’armement ennemi,
- des exercices pratiques,
- des instructions opérationnelles.
Cette instruction initiale était complétée régulièrement par des mises à niveau bimestrielles destinées à rafraîchir leurs connaissances et à tenir compte de l’évolution des technologies et des procédures à utiliser. Cet entraînement permettait au Luxembourg de mettre en place un réseau clandestin de responsables de la mission « fuite et évasion », mais aussi d’agents d’infiltration et de soutien des éléments alliés chargés de préparer la reconquête. Ces opérations pouvaient se faire par voie terrestre ou par voie aérienne.
Pour s’acquitter de ces missions, les agents étaient équipés de matériel radio et cryptographique. Ils disposaient également de moyens opérationnels tel qu’un plan de transmissions, pour les opérateurs radio, une ou plusieurs boîtes à lettre (mortes ou vivantes), des blocs code, un ou plusieurs lieux de contact frontière, où des infiltrations/exfiltrations auraient pu être opérées, et une zone de largage et d’atterrissage pour hélicoptère. Les descriptions de ces moyens, propres à chaque agent, étaient enfermées dans une boîte scellée qui leur était distribuée dès le temps de paix, mais qu’ils ne pouvaient ouvrir qu’au moment de leur activation, soit après l’occupation du territoire national. Ils ne disposaient pas d’armes et ne furent pas formés pour le combat armé. La cache d’armes aménagée en 1973 leur était inconnue ; elle était uniquement destinée à servir en temps de guerre[29].
En dehors de leurs périodes de formation et d’entraînement, les agents formaient des cellules dormantes destinées à être activées uniquement en cas d’occupation ennemie. Ils n’étaient pas rémunérés par le Service de renseignement, s’engageant à titre volontaire et bénévole ; ils avaient simplement droit à un remboursement de frais occasionnels, comme les déplacements.
Le contrôle politique du réseau Stay Behind luxembourgeois
Un des principaux problèmes avec les structures Stay Behind reste le degré de connaissance qu’en avaient les dirigeants politiques. Le principal écueil réside dans la place institutionnelle des services de renseignement et de l’organisation interne du réseau dormant. Ainsi, en Belgique, les ministres de la Défense et, parfois, de la Justice, responsables des services de tutelle du Stay Behind, furent dans l’ensemble informés, mais pas les Premiers ministres[30]. Contrairement à ce que Jacques Santer laissa entendre devant les députés le 14 novembre 1990[31], la nature plus restreinte du mode de gouvernement luxembourgeois fit que les autorités furent informées de leur concept et de leurs activités dès leur création. La participation du Grand-Duché au CPC, en février 1957, puis à l’ACC, en avril 1959, découlait de décisions gouvernementales, prises par les ministres successifs de la Force armée, Pierre Werner, puis, en mars 1959, Eugène Schaus. Une note manuscrite du chef du 2e Bureau du 14 mai 1959 confirme le passage de consigne à ce sujet entre les deux ministres. L’adoption de la loi de juillet 1960 transféra l’autorité sur le Stay Behind de l’Armée luxembourgeoise au Service de renseignement nouvellement créé, comme la responsabilité politique du ministre de la Force armée au ministre d’Etat, président du gouvernement[32]. « Outre que le concept même du « Stay Behind » a été expliqué et développé aux autorités politiques compétentes dès sa création et sa mise en œuvre […], chaque exercice, national ou international, au Luxembourg ou à l’étranger, avec participation luxembourgeoise a, au préalable, fait l’objet d’une demande d’autorisation sous forme de lettre, introduite par le directeur du Service de renseignement auprès de l’Autorité politique compétente. Dans ces demandes, le directeur prit soin de présenter minutieusement l’objet des exercices[33]. »
Par ailleurs, lors d’une réunion d’information organisée en juillet 1985 au profit de Jacques Santer et de son ministre de la Force publique, Marc Fischbach, « la structure, le fonctionnement et les activités du service leur ont été exposés au moyen de transparents « Overhead ». Dans ce contexte, le concept « Stay Behind » a été expliqué et l’exposé était suivi de la visite des bureaux du « Stay Behind » avec présentation de l’équipement des agents du « Stay Behind ». Par la suite, avec l’accord de principe de M. le Premier ministre, un certain nombre de personnalités du gouvernement, du Conseil d’État et de la Chambre des Députés ainsi que certains hauts fonctionnaires et magistrats ont répondu à l’invitation du directeur du SRE et ils ont pu suivre le même programme de présentation[34]. »
Une liste manuscrite retrouvée dans un dossier aux archives du SRE, probablement constitué lors de l’enquête de 1990, indique qu’entre juillet 1985 et juin 1987, des politiques de tout le spectre luxembourgeois non-communiste (chrétiens-sociaux, ouvriers socialistes, démocratiques) participèrent à ces briefings. Il y avait naturellement des ministres en fonction : Jacques Santer, Marc Fischbach, Jacques F. Poos[35], Robert Goebbels[36], Jean Spautz[37], Emile Krieps[38]. Il y avait des députés : Willy Bourg[39], Henri Grethen[40], François Colling[41], Edouard Juncker[42], et des hauts-fonctionnaires, comme les diplomates Jean-Jacques Kasel[43] et Jean Dondelinger[44]. Il sembla même qu’un certain consensus existât. Sous le mandat du socialiste Jacques Poos aux Affaires étrangères, certaines dépenses affectées directement aux besoins du réseau furent imputées sur le budget du ministère.
Ainsi, la plus importante dépense jamais réalisée par le Stay Behind était liée à l’acquisition de radios cryptées de type Harpoon, produites par la société allemande AEG Telefunken ; ce système permettait d’envoyer des messages cryptés à six mille kilomètres, permettant aux réseaux d’entretenir des relations entre eux, mais également de joindre les différents centres de commandement, le MI-6 et le gouvernement en exil en Grande-Bretagne comme la CIA aux Etats-Unis[45]. En 1986, le directeur du Service de renseignement précisait à Jacques Santer que « Depuis sa création, le SRE s’occupe de la mise en place, de l’entraînement et de l’équipement de structures clandestines Stay-behind (SB) dont la mission est de supporter les autorités nationales en exil ainsi que le Commandement militaire allié en cas d’occupation par l’ennemi de notre territoire national. […] L’ACC a décidé début 1980 de faire développer à charge des membres un poste radio Harpoon façonné exclusivement à ses besoins spécifiques. Vu le nombre très restreint d’équipements à fabriquer ainsi que les conditions très sévères imposées quant à la sécurité des émissions, le CCA était conscient qu’une lourde charge financière s’en suivrait pour ses membres. […] Tout en restructurant nos réseaux de manière à ne plus avoir que le strict minimum des postes radio à acquérir, la dépense pour l’acquisition du nouveau système s’élèverait toujours à […[46]] Fr. lux à échelonner sur 4 ans. »
Le ministre d’Etat, Président du Gouvernement approuva le principe de la demande. Mais il enjoignit « M. le Chef du SR de se mettre en rapport avec M. le Directeur de l’Inspection générale des Finances pour discuter des problèmes budgétaires »[47]. Le « Remplacement de l’équipement radio spécial utilisé en cas d’occupation du territoire » fut inscrit à l’exercice 1987 du budget du Service de renseignement, mais également à celui des Affaires étrangères. L’Inspection générale des finances fut également associée à la prise de décision, l’exécution budgétaire étant soumise au contrôle par la Chambre des comptes.
Le démantèlement du Stay Behind luxembourgeois
Le 14 novembre 1990, tirant les conséquences de la nouvelle donne géopolitique, mais également de la tempête médiatique européenne qui s’annonçait[48], Jacques Santer donna à Charles Hoffmann « l’instruction de ne plus faire poursuivre par le Service de Renseignements la mission dite « Stay Behind » ni aucun des aspects qui en relevaient. Vous voudrez dès lors prendre les mesures nécessaires pour dissoudre ce réseau. »
Le ministre d’Etat devançait de dix jours la décision de l’allié belge et de quatorze celle de l’italien d’en finir avec la Guerre froide.
Le directeur du Service de renseignement informa l’ACC/CPC de la fin de la collaboration luxembourgeoise, en avisa les services étrangers. Puis il signifia aux agents nationaux que leur mission était achevée. Ils devaient rendre leur équipement opérationnel. Leur relation avec le service fut ensuite interrompue. Conformément aux instructions et aux règlements en vigueur, les documents relatifs au Stay Behind furent soit restitués à leurs autorités émettrices, soit détruits. La cache d’armes fut démantelée, les armes qu’elle contenait soit détruites, soit prises en charge par le Musée militaire de Diekirch. Les radios Harpoon ainsi que le matériel de chiffrage furent mis à la disposition d’un pays allié qui avait décidé de maintenir en place ses réseaux clandestins.
Le 10 janvier 1991, Jacques Santer adressa une dernière lettre aux agents du Stay Behind luxembourgeois :
« A tous les membres du réseau « Stay Behind«
Madame, Monsieur,
Au moment où, sur mes instructions, le Service de Renseignements de l’État vient de procéder à la dissolution du réseau « Stay Behind » – dont vous faisiez partie – il me tient à cœur de vous remercier de l’engagement dont vous avez fait preuve. Vos sentiments patriotiques vous ont amené à accepter, pendant des années, une mission ingrate à laquelle vous avez consacré une partie de votre temps libre sans avoir eu droit, et sans avoir prétendu, à la moindre indemnisation. Le service que vous avez rendu au pays est d’autant plus grand que, fermement ancré comme vous l’êtes dans le corps social, vous avez espéré au maintien de la paix, tout comme nos compatriotes, tout en préparant une éventualité cruelle que vous abhorriez tout autant que les autres Luxembourgeois. Vous avez accepté de tirer dès à présent les leçons des événements de 1940/45 que la Résistance d’alors a dû apprendre à ses dépens et pour lesquelles elle a dû payer un tribut effroyable.
Quoi qu’en disent certains, mal informés ou mal intentionnés, je vous assure que vous avez assumé une mission importante et que vous avez contribué à maintenir la crédibilité de notre patrie à l’égard de ses alliés. La dissolution du réseau « Stay Behind » intervient pour des raisons qui sont étrangères à l’organisation et au fonctionnement du réseau qui, je le constate avec satisfaction, n’est jamais sorti du cadre légal.
Ce sont, comme vous le savez, les changements importants qui se sont manifestés au niveau international, et qui sont pleinement apparus au récent sommet CSCE à Paris, qui ont amené le gouvernement à reconsidérer les missions confiées au Service de enseignement, à l’instar d’ailleurs de ce qui s’est passé parallèlement dans d’autres pays de l’Alliance.
Je m’excuse de m’adresser à vous sous cette forme anonyme mais je suis persuadé que vous comprendrez que je ne veuille pas, dans un document officiel, faire apparaître votre identité, bien que celle-ci, comme d’ailleurs celle de tous les agents du réseau, me soit connue depuis peu, ce qui m’a d’ailleurs permis, à l’égard du Parlement, de me porter fort de votre honorabilité.
Avec ce qui sera sans doute le dernier contact du gouvernement et de ses services avec vous-même en tant qu’agent du réseau « Stay Behind », et avec mes remerciements personnels, je vous prie de croire, Madame, Monsieur, à l’assurance de ma considération distinguée.
Le Premier Ministre, Ministre d’État
Jacques Santer[49] »
*
L’histoire du Stay Behind luxembourgeois permet de remettre en perspective les révélations autour de « Gladio ». Comme l’avait rappelé Claude Silberzahn, ancien directeur général de la Sécurité extérieure (DGSE) dès 1995, le dispositif était connu « sous la dénomination « Stay Behind » » partout en Europe occidentale et n’était « qu’une structure « dormante » et non armée, destinée à maintenir en place un réseau logistique – essentiellement de communication et d’exfiltration – en cas d’occupation du territoire par des forces ennemies »[50]. Et rien d’autre. Les détournements d’objectif en Italie, et certainement en Belgique et en Turquie, ne constituent pas une règle pour ces réseaux de la Guerre froide, mais bien autant d’exceptions. L’erreur faite par certains, renouvelée une nouvelle fois en janvier 2008 dans la presse luxembourgeoise, à propos des « Bommeléerten »[51], a été de croire et de prétendre le contraire.
Pour bien comprendre la réalité des structures Stay Behind, il fallait prendre leur histoire au commencement, et non succomber aux facilités médiatiques. Il ne fallait pas omettre de prendre en compte le contexte idéologique des années 1940-1950 et ses poussées de peur[52]. Trois chronologies de départ apparaissent ainsi. Il convient de distinguer :
– les pays « précurseurs » (1944-1949), réellement menacés par l’expansion communiste, directement comme la Grèce, l’Allemagne et l’Autriche, ou indirectement comme la France, l’Italie, la Norvège, la Belgique et les Pays-Bas ;
– des pays qui rejoignirent le réseau entre la répression du soulèvement de Berlin-Est et celui de Budapest (1953-1956), comme la Suède, la Finlande, la Turquie, le Luxembourg, le Danemark ;
– et celui des atypiques qu’étaient l’Espagne, le Portugal et la Suisse.
Les raisons de rejoindre les structures Stay Behind furent imposées par la situation géographique ou le résultat du durcissement des relations internationales, notamment à partir du déclenchement de la guerre de Corée. D’autres raisons plus locales étaient également à prendre en compte. Ainsi, au Luxembourg, la recherche d’un format adéquat de force armée entamée au lendemain du conflit mondial n’aboutit finalement qu’avec le vote de la loi d’organisation militaire du 17 juin 1952[53]. Ce n’est qu’ensuite que s’élabora la doctrine d’emploi dans le cadre de la Guerre froide, dont l’issue ne pouvait être différente, compte tenu de l’environnement opérationnel, des orientations prises par la participation du Grand-Duché au Comité clandestin de l’Union occidentale.
Il serait tout aussi erroné d’y voir une volonté structurée de l’OTAN. Ce serait d’abord prêter beaucoup trop à cette alliance qui n’est qu’organisation politico-militaire. Ce serait ensuite méconnaître le fonctionnement des institutions intergouvermentales internationales. Dans le premier cas, il serait illusoire que l’Alliance atlantique ait pu mettre sur pied un service intégré de renseignement et d’action, alors qu’il s’agit là d’un domaine particulièrement sensible de souveraineté nationale ; il n’est qu’à voir les difficultés qui s’opposent aujourd’hui à une « communauté européenne du renseignement », malgré des conditions favorables liées à la lutte anti-terroriste. Dans le second cas, il ne faut pas sous-estimer la fonction de paravent qu’offrent ces organisations, permettant de traiter en toute discrétion de questions dont on ne s’attend pas à débattre dans ces lieux. N’oublions pas que l’Union de l’Europe occidentale a abrité les négociations d’entrée de la Grande-Bretagne dans la Communauté économique européenne, contribuant à lever les objections françaises…
Enfin, il ne faut pas négliger la part de schizophrénie des services de renseignement, particulièrement pendant la Guerre froide. Les débordements italiens trouvaient leur origine dans un Etat défaillant et d’un interventionnisme américain forcené. En même temps que l’OPC mettait en place un projet de propagande électorale, une autre branche de l’OPC montait le Stay Behind… Que les deux projets aient fini par utiliser les services des mêmes Italiens montrait plutôt un défaut de coordination au sein de la CIA, ce que l’observation d’autres opérations confirmait, qu’une volonté de jouer quelque stratégie de tension[54]. Le cas luxembourgeois laisse éclater autre chose, l’erreur de voir la main de l’OPC derrière l’organisation de ces réseaux, alors que leur paternité en reviendrait effectivement au MI-6…
- [1] Le ballet des barbouzes. Au cœur de l’espionnage et des services secrets au Luxembourg (Luxembourg, Les éditions de «L’investigateur», 2005)
- [2] Chambre des députés, rapport de la Commission de contrôle parlementaire du Service de renseignement de l’Etat, Les activités du réseau « Stay Behind » luxembourgeois (Luxembourg, 2008), http://www.gouvernement.lu/salle_presse/ actualite/2008/07-juillet/10-chd_commission/STBH.pdf.
- [3] Jan de Willems, Gladio (Bruxelles, EPO, 1991), Hugo Gijsels, Network Gladio (Louvain, Utgeverij Kritak, 1991), Leo Müller, Gladio. Das Erbe des Kalten Krieges. Der NATO Geheimbund und sein deutscher Vorläufer (Hambourg, Rowohlt, 1991), Jean-François Brozzu-Gentille, L’Affaire Gladio. Les réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en Europe (Paris, Albin Michel, 1994), Ronald Bye, Finn Sjue, Norges Hemmelige Haer. Historien om Stay Behind (Tiden Norsk Verlag, Oslo, 1995), William Blum, Killing Hope. US military and CIA interventions since World War II (Maine, Common Courage press, 1995), Emanuele Bettini, Gladio. La republica parallela (Milan, Ediesse, 1996), Jens Mecklenburg, Gladio. Die geheime terrororganisation der Nato (Berlin, Elefanten Press, 1997), Fulvio Martini, Nome in codice : Ulisse (Milan, Rizzoli, 1999), Daniele Ganser, NATO’s Secret Armies. Operation Gladio and Terrorism in Western Europe (Londres, Franck Cass, 2005) [éd. fr. Les Armées secrètes de l’OTAN. Réseaux Stay Behind, Gladio et Terrorisme en Europe de l’Ouest, (Paris, Demi-Lune, 2007)].
- [4] Evénements survenus au DMF [Département militaire fédéral] : rapport de la Commission d’enquête parlementaire (CEP DMF) du 17 novembre 1990, au nom de la Commission Carlo Schmid, Werner Carobbio, n° 90.022 (s.l.n.d. [Berne], [OCFIM], [1990]).
- [5] Senato della Repubblica, Relazione sulla vicenda « Gladio », presentata dal Presidente del Consiglio dei Ministri. Communicata alla Presidenza il 26 febbraio 1991 et Senato della Repubblica, Commissione parlamentare d’inchiesta sul terrorismo in Italia e sulle cause della mancata individuazione dei responsabiliy delle stragi: Il terrorismo, le stragi ed il contesto storico politico, redatta dal presidente della Commissione, Senatore Giovanni Pellegrino (Rome, 1995).
- [6] Sénat de Belgique, Enquête parlementaire sur l’existence en Belgique d’un réseau de renseignement clandestin international, rapport n° 1117-4 fait au nom de la Commission d’enquête par MM. Erdman et Hasquin, 1990-1991, http://www.senate.be/lexdocs/S0523/S05231297.pdf.
- [7] Cf. le débat parlementaire dans Tweede Kamer, Handelingen van 21 november 1990, n° 21895-1, 26-1559 et 26-1560.
- [8] Oesterreichisches Bundesministerium für Inneres. Generaldirektor für die öffentliche Sicherheit. Mag. Michael Sika, Bericht betreff US Waffenlager (Wien 28 November 1997).
- [9] Cf. les dossiers consacrés par le journal Luxemburger Wort (http://www.wort.lu/articles/6107682.html) et la radio RTL (http://www.rtl.lu/cms/news/dossier/) ainsi que le Rapport de la Commission luxembourgeoise de contrôle parlementaire du Service de renseignement de l’Etat, Le rôle du service de renseignements dans le cadre des enquêtes relatives à l’affaire des attentats à l’explosif des années 1984 à 1986 (Luxembourg, 2008), http://www.gouvernement.lu/salle_presse/actualite/ 2008/07-juillet/10-chd_commission/bomm.pdf. Cf. aussi la notice « Bommeleeër » sur Wikipedia, établie entre novembre 2007 et juillet 2008 (http://lb.wikipedia.org/wiki/Bommelee%C3%Abr).
- [10] William Colby, Honorable Men: My Life in the CIA (New York, Simon and Schuster, 1978), p. 91
- [11] Harry Rositzke, The CIA’s Secret Operations : Espionage, Counterespionage and Covert action (Boulder, Westview Press, 1988), p. 166.
- [12] François Lenoir, Un espion très ordinaire. L’histoire vue du SDECE (Paris, Albin Michel, 1998), p. 131.
- [13] Entretien de l’auteur avec le général Meyer du 19 décembre 1994.
- [14] Le 4 mai 1947, le traité de Dunkerque inaugurait une collaboration militaire franco-britannique dont les origines puisaient dans l’Entente cordiale.
- [15] Sénat de Belgique, op. cit., pp. 17-18.
- [16] Emmanuel Debruyne, « Un service secret en exil. L’Administration de la Sûreté de l’Etat à Londres, novembre 1940-septembre 1944 », Cahiers d’histoire du temps présent / Bijdragen tot de Eigentijdse Geschiedenis, n° 15, 2005, p. 345.
- [17] Ainsi, le Stay Behind suisse n’entretenait aucune relation avec les structures de l’OTAN, mais bien, à compter de 1967, avec le MI-6 [Rapport sur la nature des liens éventuels entre l’organisation P-26 et des organisations analogues à l’étranger, 30 octobre 1991, président de la Confédération Cotti et Chancelier de la Confédération Couchepin, n° ad 90.022 (1991-775), p. 20].
- [18] Cf. Georges Heisbourg, Le gouvernement luxembourgeois en exil, 4 (Luxembourg, Saint-Paul, 1991), pp. 89-163 et Géry Meyers, La Résistance luxembourgeoise et le renseignement de 1940 à 1944, maîtrise, histoire, Université de Paris IV, 1999, pp. 87-101.
- [19] Compte-rendu de la dixième réunion du Comité clandestin de l’Union occidentale du 28 avril 1952 à Londres, propos du chef de la délégation britannique, cité par Chambre des députés, op. cit., pp. 6-7.
- [20] Le Stay Behind luxembourgeois s’inscrivait dans les mêmes limites chronologiques que le réseau helvétique, dont les réflexions liminaires s’échelonnaient entre le 3 décembre 1956 et le 17 octobre 1957. Le service P-26 ne fut fondé qu’une décennie plus tard [Evénements survenus au DMF, op. cit., pp. 180-183].
- [21] Sénat de Belgique, op. cit., pp. 21-22 et Chambre des députés, op. cit., p. 7.
- [22] Lettre du chef des services spéciaux luxembourgeois au président de l’ACC du 23 avril 1959, citée dans Chambre des députés, op. cit., p. 7.
- [23] L’Allemagne, l’Italie, le Danemark et la Norvège rejoignirent la structure à la même époque.
- [24] Dans les années 1950, la représentation militaire luxembourgeoise était assurée par un officier belge [cf. Gaston Stronck, Le Luxembourg et le Pacte Atlantique. De la neutralité à l’alliance, Doctorat, Histoire contemporaine, Montpellier, 1991].
- [25] En principe seulement par voie de détachement
- [26] Les fonds du Service furent mis pour autant que de besoin à la disposition de son chef qui rendait compte de leur emploi au Ministre d’Etat, Président du Gouvernement. La Chambre des comptes avait un droit de regard et un droit de contrôle sur l’exécution du budget. En outre, le Ministre d’Etat pouvait fixer des règles financières particulières destinées à garantir le secret des opérations.
- [27] En Belgique, la structure Stay Behind était composée de la Section training, communication, mobilisation (STC/Mob), dépendant de la Sûreté de l’Etat, et du Service de documentation, de renseignement et d’action VIII (SDRA VIII), rattaché au Service général du renseignement et de la sûreté de l’armée [Sénat de Belgique, op. cit., p. 6].
- [28] Note de la branche « Plans » du 21 mars 1977, citée dans Chambre des députés, op. cit., p. 9.
- [29] Elle était constituée de trois caisses en zinc, chacune contenant deux pistolets mitrailleurs, quatre pistolets, quatre grenades et six cents cartouches de 9 mm [Ibid., p. 2].
- [30] Sénat de Belgique, op. cit., pp. 227-242.
- [31] Luxemburger Wort du 15 novembre 1990.
- [32] De juillet 1960 à la dissolution du réseau Stay behind en janvier 1991, trois chefs de gouvernement se succédèrent : Pierre Werner (mars 1959-juin 1974, juillet 1979-juillet 1984), Gaston Thorn (juin 1974-juillet 1979) et Jacques Santer (juillet 1984-janvier 1995).
- [33] Rapport du directeur du Service de renseignements, Charles Hoffmann, à Jacques Santer du 20 novembre 1990, cité dans Ibid., p. 11.
- [34] Ibid.
- [35] Vice-président du gouvernement, ministre des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Coopération, ministre de l’Economie et des Classes moyennes, ministre du Trésor (1984-1989).
- [36] Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, au Commerce extérieur et à la Coopération, secrétaire d’État aux Classes moyennes (1984-1989).
- [37] Ministre de l’Intérieur, ministre de la Famille, du Logement social et de la Solidarité sociale (1980-1989).
- [38] Secrétaire d’État au ministère de l’Intérieur (1972-1974), ministre de la Santé, ministre de la Force publique, ministre de l’Education physique et des sports (1974-1984).
- [39] Député.
- [40] Député (1984-1999) et secrétaire du Parti démocratique (1980-1989).
- [41] Député.
- [42] Député.
- [43] Chef de cabinet de Gaston Thorn, ministre des Affaires étrangères (1979-1981), puis président de la Commission européenne (1981), directeur des Affaires politiques et culturelles au ministère des Affaires étrangères (1986-1992).
- [44] Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères (1984-1989).
- [45] Jusque-là, le Stay behind luxembourgeois était doté, à l’instar de son homologue belge, du système T.A.R. 24.
- [46] Un système coûtait 82 298,70 DM en 1987 et le paiement luxembourgeois fut échelonné sur quatre exercices financiers 1987-1990, comme pour la commande du SDRA VIII. Il est à noter, et ceci est peut-être un indice pour le montant payé et le nombre de systèmes achetés par le Luxembourg, que la Commission de contrôle parlementaire du Service de renseignement de l’Etat de juillet 2008 ne révèle pas, qu’une note du 21 janvier 1991 de la Sûreté de l’Etat belge affirme que la Belgique commanda 79 radios Harpoon, mais n’en paya que 78… (Sénat de Belgique, op. cit., p. 225). Il n’est pas possible d’établir une estimation plus précise, les chiffres présentés par Daniele Ganser, « The British Secret Service in Neutral Switzerland : An Unfinished Debate on NATO’s Cold War Stay-behind Armies », Intelligence and National Security, vol. 20, n° 4, décembre 2005, p. 575, pour la Suisse, et Jens Mecklenbrug (dir.), Gladio. Die geheime Terrororganisation der Nato (Berlin, Elefanten Press, 1997), p.64, pour l’Allemagne, sont trop imprécis ou reposant sur de sources non encore déclassifiées et incontrôlables, comme le rapport suisse du Schweizer Bundesrat, Schlussbericht in der Administrativuntersuchung zur Abkla¨rung der Natur von allfälligen Beziehungen zwischen der Organisation P26 und analogen Organisationen im Ausland. Kurzfassung für die Oeffentlichkeit du 19 September 1991 [Une demande de déclassification a été refusée par le Conseil fédéral suisse le 10 juin 2005, cf. http://www.parlament.ch/f/cv-geschaefte?gesch_id=20053096].
- [47] Chambre des députés, op. cit., p. 12.
- [48] Il s’en expliqua le même jour devant la Chambre des députés [Luxemburger Wort du 15 novembre 1990]. Le député Jean Huss déposa une résolution visant la création d’une Commission d’enquête parlementaire sur le réseau Stay behind, qui fut débattue le 17 décembre suivant devant la Commission des Institutions et de la Révision constitutionnelle. Par neuf voix contre une, les parlementaires décidèrent que les informations fournies par Jacques Santer ne justifiaient pas l’institution d’une Commission parlementaire d’enquête [Chambre des députés, op. cit., pp. 2-3].
- [49] Ibid., p. 13.
- [50] Au cœur du secret. 1 500 jours aux commandes de la DGSE (Paris, Fayard, 1995), pp. 272-273.
- [51] Chambre des députés, op. cit., p. 3 ; Michel Thiel, « « Stay behind »: kalter Krieg oder kalter Kaffee? », Luxemburger Wort du 23 janvier 2008, http://www.wort.lu/articles/6408110.html, et Laurent Graaff, «Der Staat könnte involviert sein», Revue du 15 janvier 2008, http://www.revue.lu/coverstory.php?id=1191&view=archive.
- [52] Cf. l’analyse du Major D. H. Berger, USMC, à propos des activités couvertes américaines pendant cette même période, dans The Use of Covert Paramilitary Activity as a Policy Tool: An Analysis of Operations Conducted by the United States Central Intelligence Agency, 1949-1951, 22 May 1995, p. 1, http://www.fas.org/irp/eprint/berger.htm.
- [53] Cf. Jacques Leider, L’armée luxembourgeoise d’après-guerre. Structure, fonctions, fonctionnement (Luxembourg, Saint-Paul, 1993).
- [54] Cf. Arthur E. Rowse, « Gladio: The Secret U.S. War to Subvert Italian Democracy », Covert Action, n°49, été 1994, http://www.mega.nu:8080/ampp/gladio.html.