Russiagate : un procès à charge contre Donald Trump
Depuis son élection à la Maison-Blanche en 20016 en tant que 45e président des Etats-Unis d’Amérique, Donald Trump n’a cessé de voir sa légitimité remise en cause par la communauté du renseignement et l’Establishmentaméricains, accusant la Russie d’ingérence dans le scrutin – ce qui aurait permis sa victoire électorale – et, plus grave, le soupçonnant d’être de connivence avec Vladimir Poutine, voire sous son influence[1].
C’est évidemment une affaire complexe. L’auteur se moque en réalité de la culpabilité ou de l’innocence de Trump, et qu’il y ait eu ou non ingérence russe dans les élections. Ce qui est important, c’est de porter un autre regard sur ce dossier et la manière dont il a été médiatisé, afin de ne pas se satisfaire de la seule version présentée par l’Establishment américain anti-Trump et ses médias Mainstream, laquelle est la seule reprise en Europe et en France, alors même qu’elle ne présente qu’une part des débats et des arguments.
Cette affaire nous paraît être symptomatique des dérives criantes de la « démocratie » américaine, de prises de position partiales de la haute administration et de la communauté du renseignement, et de l’instrumentalisation de la justice et des médias à des fins politiciennes.
Aussi pour décrypter les affrontements autour de ce dossier et leurs raisons profondes, nous contenterons-nous d’évoquer quelques faits et de poser quelques questions.
Le contexte
Il est d’abord essentiel de replacer cette affaire dans un contexte politique et géopolitique plus général.
-
La dégradation des relations entre la Russie et les Etats-Unis
Depuis la fin de la Guerre froide, les Etats-Unis n’ont eu de cesse d’affaiblir la Russie et de réduire son influence sur le monde. Rappelons que depuis « l’annexion » de la Crimée, Moscou est sous sanctions internationales à l’initiative de Washington – que personne n’a sanctionné pour avoir envahi illégalement l’Irak en 2003, soutenu les djihadistes en Syrie depuis 2011 et appuyé les Frères musulmans lors des printemps arabes.
Cet acharnement excessif contre l’ex-ennemi, ce Russia Bashing constant a provoqué en Russie un profond ressentiment à l’égard des Etats-Unis qui a été le moteur de la volonté de réaffirmation de Moscou sur la scène internationale et de la reprise de ses actions de renseignement et de subversion. Devant ce regain d’activité, Washington a procédé à plusieurs reprises à des expulsions d’officiers de renseignement et de « diplomates » russes[2].
Surtout, n’oublions pas que le lanceur d’alerte Edward Snowden est toujours réfugié à Moscou, ce qui rend fous les membres de la communauté du renseignement américaine et explique leur acharnement contre la Russie, son président et ses services.
-
Le fantasme du Deep State mais la réalité de l’Establishment
La notion du Deep State est régulièrement évoquée dans les théories conspirationnistes, souvent délirantes. Cela ne doit toutefois occulter le fait qu’existe aux Etats-Unis comme au Royaume-Uni, une « colonne vertébrale » de la Nation – dynasties familiales et milieux d’affaires (industrie, banques) outre-Atlantique, aristocratie et milieux d’affaires outre-Manche, le plus souvent issus des mêmes écoles et milieux sociaux –, qui n’est pas l’administration d’Etat, mais influe sur la conduite de la politique nationale, ce qui n’a rien d’anormal. Cela garantit à ces pays une continuité dans leur politique en dépit des alternances électorales. Rien de secret ni d’illégal là-dedans, c’est pourquoi il est plus approprié de parler d’Establishment que de Deep State[3].
Au cours des dernières décennies, à au moins deux reprises, il est possible de considérer que l’Establishmentaméricain a pris en main plus ou moins directement les destinées du pays en raison des compétences limitées des présidents élus : avec Ronald Reagan d’abord (1981-1989) – ex-acteur déjà « encadré » par Rumsfeld et Cheney – et surtout, avec George W. Bush ensuite (2001-2009), chaperonnée par les néoconservateurs, au premier rang desquels le vice-président Dick Cheney et le secrétaire d’Etat à la Défense, Donald Rumsfeld.
-
La justice tout à fait particulière d’un Etat qui n’est plus vraiment une démocratie
Ceux qui invoquent la « justice » dans leur lutte contre Donald Trump oublient de dire qu’il s’agit de « leur » conception de la justice, qu’ils instrumentalisent par ailleurs à leur profit[4]. Au demeurant, cette justice est tout à fait spécifique aux Etats-Unis. En effet, les règles du droit y sont fondamentalement différentes de celles prévalant en Europe. La « justice » y est une arme, un moyen d’action et une source de business. Tout y est basé sur la pression sur les accusés, sur la négociation avec les juges (cf. le témoignage du Français Frédéric Pierucci emprisonné dans le cadre de l’affaire ALSTOM[5]) et sur des montants financiers à obtenir, ce qui est éminemment discutable aux yeux du droit en vigueur sur notre continent.
Il est par ailleurs important de rappeler que depuis 2001, le Deparment of Justice (DoJ) a validé sans ciller les programmes de surveillance électronique massive de la population, permis des arrestations et détentions arbitraires comme les opérations de provocation des services judiciaires, a validé les Renditions[6] et les prisons secrètes à l’étranger et a légalisé la torture avec ses juristes dans le cadre de la Global War on Terror.
De plus, il est important de savoir que cette « justice » n’est pas politiquement neutre. En effet, jusqu’à la mi-mandat de Trump au moins, le FBI et le DoJ étaient beaucoup plus proches des Démocrates que des Républicains, héritage légitime de l’ère Obama. Cela s’est traduit par de nombreuses fuites d’informations contre Donald Trump vers les médias dans le cadre du Russiagate. L’objectivité du FBI et du DoJ doit donc être considérée avec prudence.
-
La capacité des élites américaines à mentir
Avant d’accorder tout crédit à ceux qui estiment appartenir au « camp de la vérité » – la communauté du renseignement et l’Establishment qui se considèrent comme les seuls dépositaires de l’intérêt national –, il convient de se souvenir des mensonges éhontés dont les élites politiques américaines ont été capables en 2003 pour justifier l’invasion de l’Irak en dépit de l’opposition de l’ONU.
N’oublions pas non plus qu’après 9/11, la communauté du renseignement, notamment la NSA, a dissimulé au Congrès et au président G. W. Bush – mais pas à son entourage néoconservateur – certains de ses programmes de surveillance massive. Rappelons également qu’il a été révélé début 2014 que la CIA avait espionné les membres du Congrès qui enquêtaient sur les prisons secrètes et a fait disparaitre des preuves qui n’ont pas permis aux investigations d’aboutir.
Il est dès lors difficile de prendre pour argent contant tout ce qu’affirme ces divers acteurs.
Le scrutin de 2016
-
L’élection de Donald Trump
En novembre 2016, l’élection de Trump a surpris tout le monde, probablement d’abord le principal intéressé. L’Establishment, qui avait parié sur Hillary Clinton, a été pris au dépourvu. Or ses membres ne voulaient de Trump à aucun prix, car il ne fait pas partie du « club ». Il n’est à leurs yeux qu’un parvenu, incontrôlable et inexpérimenté, dangereux pour leurs intérêts.
-
Le rôle des réseaux sociaux
Les élections américaines de 2016 ont été les premières dans lesquelles a été perçue l’influence majeure que pouvaient avoir les réseaux sociaux lors d’un scrutin, alors que leurs propriétaires – notamment Mark Zuckerberg pour Facebook – ne censuraient ni ne contrôlaient les échanges sur ce sujet.
En cette occasion, de nombreux individus ont diffusé des informations et des propos de toute sorte, amplifiant les mouvements d’opinion, la confusion et la désinformation. Que dans le lot, des Etats étrangers aient voulu tester leur capacité à perturber ou à influer sur une élection étrangère, cela est plus que probable.
Toutefois, à l’époque, le contrôle de ce type d’action échappait encore à tout le monde, à Facebook en premier lieu, mais aussi à ceux qui conduisaient ou auraient pu conduire des opérations de manipulation du scrutin ou d’ingérence, c’est-à-dire Républicains et Démocrates, et les Russes. Tout conduit à penser que les opérations lancées à l’époque étaient expérimentales car les effets qu’il était possible d’obtenir par ce biais n’étaient pas suffisamment connus pour garantir la réussite d’une action ciblée. En revanche, il ne fait nul doute que depuis 2016, suite aux expérimentations conduites en cette occasion, les Russes – ou tout autre Etat – ont analysé, mesuré, observé et appris de leurs actions.
-
L’offensive des médias Mainstream
Pendant sa campagne, Trump a entretenu des rapports conflictuels avec les médias et a régulièrement dénoncé leur influence, à ses yeux particulièrement néfaste.
Dès novembre 2016, les médias Mainstream, notamment les deux plus célèbres, le New York Times et le Washington Post – dont les dirigeants appartiennent à l’Establishment – ont immédiatement pris parti contre le nouvel hôte de la Maison-Blanche, entre autres en raison de son populisme et de ses prises de positions à l’encontre de diverses minorités. Ainsi, dès le lendemain de l’élection, a commencé, le matraquage en règle du nouvel élu. Le New York Times et le Washington Post, comme de nombreux autres commentateurs politiques ont établi un parallèle entre l’accession au pouvoir de Trump et celle de Hitler ! Cela donne une idée du niveau de tolérance et de responsabilité de ces médias, comme du niveau du débat politique outre-Atlantique. Certes, il est indéniable que le nouveau locataire de la Maison-Blanche est une personnalité atypique, populiste et volontiers provocatrice. Mais cela suffit-il à en faire un nazi ?
Il convient de rappeler que ces médias Mainstream sont les seuls à être lus, repris et cités en Europe et en France. Il est extrêmement rare que les médias favorables à Donald Trump – qui sont tout aussi nombreux que ses adversaires et tout aussi actifs – soient pris en considération, ce qui nous place dans un déséquilibre complet d’information sur la question, sans que l’opinion en ait conscience[7].
L’affaire
-
L’hypothétique ingérence russe
Il est très difficile de certifier que les attaques informatiques et la manipulation des réseaux sociaux sont le fait des services russes ou de leurs auxiliaires. Rappelons qu’une opération clandestine bien montée est indécelable et que les preuves informatiques d’une éventuelle implication russe… pourraient avoir été fabriquées par d’autres.
S’il y a eu effectivement ingérence russe, quel était son but ? Faire gagner Trump ou faire perdre Hillary Clinton ? Pourquoi le GRU est-il cité et ciblé et non le SVR, dont est pourtant issu Poutine et dont il est plus proche, et qui est généralement le service en charge des interventions politiques clandestines à l’étranger ?
Pourquoi les Russes ont-ils laissé tant de traces (cf. la réunion de Jared Kouchner et Don Trump Junior, en juillet 2016, avec quatre Russes à la Trump Tower ; cf. également les contacts du général Mike Flynn avec l’ambassadeur russe à Washington ) ? Techniquement, une opération d’ingérence – dont nous ne nions en rien l’occurrence possible – était à la fois aléatoire et très risquée si elle venait à être découverte.
-
Les erreurs des Démocrates et d’Hillary Clinton
Sans les erreurs de sécurité du Parti démocrate – il faut rappeler qu’il n’a pas pris les mesures adéquates pour protéger son système d’information – et les négligences importantes d’Hillary Clinton – qui a utilisé un serveur de messagerie personnel non protégé – cette affaire n’aurait probablement pas eu lieu. Les attaques contre Donald Trump ne doivent pas faire oublier ce fait essentiel : les Démocrates et Hillary Clinton portent très une grande part de responsabilité dans leur défaite électorale. Et l’on est en droit de se demander s’ils ne profitent pas du Russiagate pour le masquer ou s’en exonérer.
-
Les irrégularités des investigations du FBI
L’Inspecteur général du DoJ, Michael Horowitz, a rendu au Congrès début décembre 2019 un rapport de près de 500 pages concernant les irrégularités commises par le FBI dans l’enquête lancée en 2016 contre Donald Trump et son équipe de campagne. Son témoignage est accablant quant à la conduite du Bureau.
Ce rapport révèle que, dans le cadre de cette enquête, des agents et une partie de la hiérarchie du FBI se sont rendus coupables, d’affirmations biaisées, d’erreurs importantes et ont omis de porter certains faits à connaissance de la Foreign Intelligence Surveillance Court (FISC) afin d’obtenir des mandats pour placer sous surveillance Carter Page, l’un des conseillers de Trump, dans l’espoir de prouver qu’il était de connivence avec les services russes et de poursuivre leurs investigations secrètes contre le futur président. Horowitz a également relevé qu’un avocat du FBI avait modifié un e-mail reçu de la CIA afin de faire disparaître le fait que Page collaborait avec l’agence.
De plus, le rapport ajoute que le Bureau n’a pas informé la FISC du fait que le « dossier Steele » – nom d’un ancien officier du renseignement extérieur britannique – sur lequel s’appuyait le FBI pour justifier ses investigations, avait été payé par l’équipe de campagne d’Hillary Clinton et le Comité national démocrate et avait été désavoué par les autorités britanniques.
Au cours de son audit, Horowitz n’a pas seulement constaté « quelques irrégularités », il a observé que toute l’enquête du FBI avait dérivée : « le système a échoué. Les gens au plus haut niveau du gouvernement se sont accaparés la loi ».
-
Les déclarations invérifiables de James Comey
L’ancien directeur du FBI, en poste de 2013 à 2017, est un membre de la communauté du renseignement et de l’Establishment : il a été vice-président de Lockheed-Martin et conseiller juridique de Bridgewater Associates, un important fonds d’investissement. S’il passe pour un homme intègre, il n’est pas nécessairement neutre.
James Comey a déclaré aux Congressmen et à la presse « avoir fait l’objet de pressions » et a affirmé que le président Trump l’a limogé afin de « modifier la façon dont l’enquête sur la Russie était conduite », sans en apporter de preuves. Toutefois, ses assertions n’ont fait qu’accroître les soupçons et les attaques contre la Maison-Blanche.
-
La commission d’enquête bipartite du Congrès
Les témoignages devant la Commission d’enquête bipartite du Congrès mise en place pour faire le jour sur cette affaire ont été loin d’être convaincants et irréfutables. La commission s’est d’ailleurs auto-dissoute car ses auditions ne menaient nulle part et que Républicains et Démocrates étaient en désaccord quant à son devenir.
-
Les investigations Robert Mueller
Robert Mueller, ex-directeur du FBI (2001-2013), a été nommé procureur spécial en mai 2017 pour conduire l’enquête sur les liens entre Donald Trump et la Russie. Il disposait pour cela de 20 procureurs et de 40 agents du FBI.
Mueller a recouru à une méthode généralement employée pour faire tomber les chefs mafieux : l’encerclement et l’affaiblissement de Trump en s’en prenant à son entourage. Les charges retenues par Mueller contre les membres de l’entourage présidentiel ne concernaient pas l’affaire proprement dite, mais les proches du président ont été systématiquement attaqués sur d’autres dossier, afin les mettre en examen et les faire craquer. Le deal était simple : leur collaboration dans l’affaire russe contre l’abandon des poursuites ou la réduction de leur peine.
Ainsi, Cohen, l’avocat de Trump, a été poursuivi pour fraude fiscale parce que Mueller savait qu’il était au courant des affaires immobilières de Trump en Russie[8]. Les enquêteurs ont passé sa vie et ses communications au crible. Sous la pression, tous les proches de Trump ont fini par coopérer avec la justice (Gates, Manafort, Cohen), sans que cela n’ait, semble-t-il, modifié l’issue de l’enquête.
-
La procédure d’Impeachment
A l’occasion des élections législatives de novembre 2018, les Démocrates ont repris la majorité à la Chambre des Représentants, mais n’ont pas repris le Sénat.
Fin septembre 2019, Nancy Pelosi, présidente Démocrate de la Chambre des Représentants a déclenché la procédure d’Impeachment (destitution) contre Donald Trump après qu’un lanceur d’alerte appartenant à la communauté du renseignement américain ait révélé que le président américain avait fait pression sur son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, lui demandant de déclencher une enquête concernant le fils de Joe Biden, ex-vice-président de Barack Obama et candidat démocrate à l’élection présidentielle de 2020. Trump et Zelensky ont nié ce fait. Il est difficile de savoir s’ils disent la vérité.
-
Les attaques de la presse
Depuis bientôt quatre ans, c’est à un véritable acharnement des médias Mainstream contre Donald Trump auquel nous assistons, dont les attaques sont nourries le plus souvent par des fuites provenant de la communauté du renseignement[9] et dont la véracité est parfois douteuse.
Toutes les informations diffusées concernant cette affaire sont systématiquement exploitées à charge et un écho n’est donné qu’à celles qui incriminent le président. Elles sont ensuite reprises largement par les médias internationaux – parmi lesquels les français – qui jugent que les médias pro-Trump sont partiaux… Aucun n’a essayé de prendre une position inverse, de partir de la présomption d’innocence et de démontrer l’absence de preuves.
-
Les ripostes de Trump
Lorsque face ces attaques, qu’elles soient fondées ou non, Donald Trump réagit, en limogeant des responsables du renseignement[10] ou en utilisant légalement son recours en grâce pour protéger certains de ses fidèles, ses adversaires crient à l’entrave à la justice. Certes Trump semble avoir agi de manière pour le moins discutable en demandant au président ukrainien d’enquêter sur Joe Biden et son fils, mais il semble toutefois que ces derniers aient commis quelques malversations ou irrégularités. Or personne ne le leur reproche.
Ainsi, paradoxalement, tous ceux qui attaquent Trump de toutes les manières possibles s’offusquent qu’il riposte. L’Establishment et les médias s’en prennent directement au président, chef de l’exécutif, dans le but de le forcer à quitter ses fonctions, mais ils se scandalisent en retour lorsque ce dernier attaque le FBI et le DoJ, arguant que Donald Trump affaiblit les institutions ce qu’eux-mêmes ne se privent pas de faire.
Les conclusions
En dépit des enquêtes successives de Comey, de la Commission d’enquête du Congrès, puis de Mueller, des énormes moyens mis en œuvre (officiels et officieux), du soutien de la presse (multiplicité des enquêtes des médias et de leurs attaques) rien n’a été prouvé à ce jour. Sur aucun des deux sujets.
-
L’absence de preuves de collusion Trump/Russie
Fin octobre 2016, le FBI a déclaré qu’il n’avait pas trouvé de traces de rapports entretenus entre Donald Trump et la Russie lors de la campagne pour l’élection présidentielle.
En mars 2019, à l’issue de deux ans d’enquête et après avoir auditionné près de 500 témoins, Mueller a rendu son rapport. William Barr, le procureur général – que l’on ne peut accuser d’être pro-Trump – en a tiré une synthèse de quatre pages qui conclut à une « absence de toute collusion entre l’équipe du candidat Républicain et la Russie lors de l’élection présidentielle de 2016 » et à « l’absence d’obstruction de la justice de la part de Donald Trump ».
Le rapport Mueller établit que « le gouvernement russe s’est aperçu qu’il tirerait profit d’une présidence Trump et a œuvré pour parvenir à ce résultat ». Mais l’enquête « n’a pas établi que des membres de la campagne Trump ont conspiré ou se sont coordonnées avec le gouvernement russe dans ses activités d’ingérence électorale ». Mueller conclut également « qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves d’une conspiration pour engager des poursuites contre les responsables de la campagne ».
Toutefois, si aucune preuve n’a pu être produite contre le président et son entourage, la présomption de culpabilité demeure, ce qui dénote d’une orientation délibérée d’un magistrat et d’une justice qui se veulent « objectifs » et « équitables »… Ainsi, Robert Mueller indique que « si ce rapport ne conclut pas que le président a commis un crime, il ne l’exonère pas non plus » et ajoute : « Si nous étions sûrs, après une enquête rigoureuse, que le président n’a clairement pas commis d’entrave à la justice, nous le dirions. Sur la base des faits et des standards légaux applicable, nous ne sommes pas en mesure de prononcer ce jugement ».
A noter que John MacLaughlin – ex directeur de la CIA par interim (2004) – a également déclaré dans un ITV télévisé que les services américains n’avaient pas la preuve que Trump était un agent de Poutine, mais « qu’ils pensent quand même que Poutine le manipule… ».
-
Des soupçons et non des preuves concernant l’ingérence russe
Dans son rapport, Mueller déclare qu’il ne fait « aucun doute que l’Etat russe s’est immiscé dans l’élection présidentielle de 2016 ». Il affirme la réalité des « efforts multiples et systématiques » du gouvernement russe pendant la campagne « pour nuire à la démocrate Hillary Clinton ». Selon lui, « une organisation russe a mené une campagne sur les réseaux sociaux qui a favorisé Donald Trump en dénigrant Hillary Clinton ». Des hackers russes, proche du GRU, le service de renseignement militaire russe, ont « piraté des messages du parti démocrate et d’un proche d’Hillary Clinton, lesquels ont ensuite été diffusés sur internet par des sites anonymes ainsi que par Wikileaks qui avait reçu directement des Russes les messages volés ». Toutefois, aucune preuve n’en étant fournie, il est difficile de juger de la véracité de ces assertions.
-
L’intérêt de la Russie
S’il y a eu effectivement ingérence russe, quelle a été son objectif, son ampleur, son efficacité ? A-t-elle eu une influence réelle sur le scrutin ? Quel a été l’effet obtenu depuis l’élection de Trump ? Ce dernier a-t-il fait la politique de Poutine ?
Si Trump est un agent, comment communique-t-il avec ses officiers-traitants ? Comment agit-il ? Transmet-il des secrets aux Russes ? Tout cela semble très difficile et peu réaliste tant il est sous surveillance physique et électronique permanente par ses fonctions mêmes.
Si cela était le cas, les Russes et Poutine seraient vraiment très forts, bien plus que l’hyperpuissance américaine dont la communauté du renseignement compte plus de 200 000 personnes et un budget colossal, infiniment supérieur aux moyens attribués par Moscou à ses services.
Si les Russes n’ont mené en 2016 qu’une opération limitée, dans le but de mesurer ce qui pouvait être fait pour influencer une élection étrangère via les réseaux sociaux, ils doivent aujourd’hui beaucoup rire devant la tournure qu’ont pris les événements. Inconsciemment, les Américains sont devenus leurs meilleurs alliés dans cette opération, lui donnant une ampleur inattendue par leurs querelles internes.
-
Les arroseurs arrosés
Si l’ingérence russe est vraie et qu’elle a eu un effet significatif sur le scrutin de 2016, cela serait la première fois que les services de renseignement et de sécurité américains prennent conscience de leur vulnérabilité, ce qui a dû les déstabiliser, d’autant qu’ils ont longtemps été ceux qui manipulaient les élections étrangères. N’oublions pas combien de régimes ont été renversés par les Etats-Unis (Iran, Venezuela, Ukraine, etc.), qui ne se sont jamais privé d’interférer dans des élections étrangères pour défendre leurs intérêts (Italie) ou combien de régimes totalitaires ont été soutenus par Washington au détriment de la démocratie (Amérique latine, printemps arabes, etc.). Et demandons-nous si Elstine serait parvenu au pouvoir en 1991 sans l’appui de Washington…
Les conséquences
S’il est coupable, Trump est vraiment très fort – et Poutine avec lui. C’est même un génie du mal, capable de tromper tout le monde, qui est parvenu à lui seul à vaincre l’Establishment américain, la communauté du renseignement et une partie de l’administration qui lui est pourtant en grande partie hostile.
Mais s’il est innocent…
-
Quel impact pour Donald Trump ?
L’hôte de la Maison-Blanche n’a cessé d’être attaqué depuis son élection sur ses liens et ceux de son équipe avec la Russie. Son mandat aura été largement perturbé par ces enquêtes. Ses opposants l’ont ainsi empêché Trump de conduire librement la politique qu’il souhaitait en lui imposant ce sujet qui a modifié son agenda. Cela a été une vraie diversion. Mais cela n’a finalement pas tant nui au président en exercice que cela.
Contrairement à ce que nous en percevons en Europe à travers le prisme déformant des médias Mainstream, les attaques contre Donald Trump ne l’ont pas affaibli autant qu’il n’y parait. Une partie de l’opinion – en premier lieu ses électeurs – sont convaincus qu’il est victime d’une machination et sa popularité n’a guère reculé. Il peut par ailleurs faire état de résultats économiques probants. Aussi, ses chances de réélection sont sérieuses, d’autant plus que ses adversaires Démocrates sont en pleine querelles et n’ont toujours pas rétabli leur crédibilité. De plus, peu à peu, la crise du covid-19[11] est en train de faire passer le Russiagate et la campagne des primaires démocrates au second plan de l’actualité médiatique, ce qui est une aubaine pour Trump.
Toutefois, la prochaine campagne électorale présidentielle risque d’être animée, voire sanglante…
[1] A noter que Donald Trump a été également attaqué, pendant la campagne électorale et depuis son élection, pour « harcèlement » et « agression sexuelle », sans toutefois être condamné.
[2] 10 citoyens russes – dont Anna Chapman – soupçonnés de travailler pour Moscou en 2010 ; 35 « diplomates » et leurs familles en janvier 2017. 48 « agents » et la fermeture d’un consulat en mars 2018.
[3] A noter que l’Establishment joue sur les mots quand il dit qu’il n’y a pas de Deep State, pour minimiser son influence réelle.
[4] Cf. Eric Denécé, « Rapport Horowitz : le FBI dans la tourmente », Note d’Actualité n°569, avril 2020 (https://cf2r.org/actualite/rapport-horowitz-le-fbi-dans-la-tourmente/).
[5] Frédéric Pierucci et Matthieu Aron, Le Piège américain, JC Lattès, Paris, 2019.
[6] Enlèvements extra-judiciaires à l’étranger.
[7] Depuis son élection Trump, s’exprime principalement par le biais des réseaux sociaux pour contourner les médias traditionnels, ce qui oblige ces derniers à suivre Twitter pour voir ce que le président y dit… et à s’en faire l’écho !
[8] Ce que Donald Trump a toujours nié, il aurait donc menti.
[9] James Comey, l’ex directeur du FBI, a avoué en avoir organisé certaines.
[10] Le dernier en date est Michael Atkinson, ex-inspecteur général des services de renseignement, qui a joué un rôle central dans la transmission de la plainte à l’origine de la procédure d’Impeachment du président américain. Atkinson a été limogé le 3 avril 2020.
[11] Pris au dépourvu par l’épidémie de covid-19, les Etats-Unis viennent d’accepter la proposition d’aide de Moscou. Un avion militaire russe transportant des respirateurs et des équipements de protection individuelle, a atterri le 1er avril à New York. Ironie de l’histoire, les respirateurs livrés auraient été fabriqués par une entreprise sous sanctions américaines… ce qui en dit long sur la « flexibilité » américaine quand ses intérêts sont en jeu.