Déclarations excessives
Toutefois, dans ce cas comme dans celui du Thanit, les familles des victimes, relayées par une presse avide de sensationnel et un ancien ministre en mal de médiatisation, reprochent en des termes peu amènes l’intervention décidée par le gouvernement afin de sauver les otages. Si les deux cas sont sensiblement différents – les passagers du Thanit étant délibérément passés outre les recommandations du Quai d’Orsay – les condamnations péremptoires de la décision gouvernementale et de l’action des unités spéciales sont grandement regrettables.
La douleur indicible de la perte d’un proche peut certes excuser les débordements verbaux et écrits. Cependant, il convient de réfuter ces déclarations excessives formulées sous le coup de l’émotion. Elles omettent de prendre en considération des facteurs importants.
– D’abord, elles sous-estiment le sens de la responsabilité et de l’humain qui sont ceux des autorités en charge de la prise de décision et de la préparation de l’intervention. Nos militaires des forces spéciales sont maris et pères ; ce ne sont pas des pistoléros avides d’action à tout prix. Lorsqu’ils déclenchent une opération, c’est parce que celle-ci a été minutieusement préparée et a toutes les chances de réussir ; sinon, ils s’abstiennent.
– Ensuite, ces hommes, même s’ils ont choisi ce métier, risquent leur vie pour en sauver d’autres en s’exposant à des situations particulièrement dangereuses. D’ailleurs, trois d’entre eux ont été blessés lors de l’action au Mali et nous n’avons pas entendu les familles avoir un mot de remerciement pour ceux qui ont risqué leur vie pour leurs enfants ou amis, ni pour les militaires nigériens qui ont pris en chasse les terroristes au péril de leur vie. Plusieurs ont d’ailleurs trouvé la mort dans cette poursuite.
– Enfin, cette action était indispensable car elle était possible : il fallait agir rapidement avant que les terroristes n’emmènent les otages dans des zones inaccessibles à nos moyens de surveillance. Au demeurant, rien ne nous permet de dire que les deux jeunes gens seraient sortis vivants, ou en bonne santé physique et mentale, d’une détention aux mains d’AQMI.
Il est grandement regrettable que les déclarations des familles fassent le jeu des terroristes d’AQMI qui écoutent en permanence nos médias. Ils multiplient les communiqués de propagande et de désinformation, à partir des renseignements que leur donne la presse, pour semer la zizanie en France. Prenons garde à ne pas nous faire les alliés inconscients de ceux qui veulent nous nuire.
Depuis plusieurs années, à l’occasion des enlèvements qui se multiplient, les familles et les médias condamnent l’action gouvernementale lorsqu’une intervention échoue, lui reprochant d’en avoir trop fait. Elles le critiquent également lorsque les détentions durent en longueur, l’accusant de ne pas en faire assez.
Par contre, trop souvent, la part de responsabilité des « kidnappés » dans leur enlèvement est occultée (Irak, Thanit, etc.) et les coûts que génèrent les efforts pour leur libération sont systématiquement passés sous silence.
Il convient une nouvelle fois de rappeler que face aux preneurs d’otages, seule la fermeté donne des résultats[1]. La négociation, c’est la concession. Lorsqu’un gouvernement paie pour libérer des otages, il ne fait que perdre sa crédibilité et renforcer les moyens des terroristes. Il entretient également leur volonté de poursuivre leurs kidnappings, puisque cela marche et que cela rapporte.
C’est pourquoi, il est indispensable de manifester clairement notre détermination à ne pas céder. L’intervention contre les ravisseurs d’Antoine de Léocour et de Vincent Delory était nécessaire et légitime, malgré son issue malheureusement funeste pour nos deux compatriotes ; et les terroristes ont été mis en échec.
Il est complètement déplacé d’y voir un acte irréfléchi des hautes autorités. Le sacrifice des deux jeunes gens n’a jamais été la volonté du gouvernement dans cette affaire, quoi qu’en disent certains esprits égarés.
Afin d’assurer la protection de nos compatriotes installés dans les pays du Sahel, il n’est pas possible de laisser les enlèvements se multiplier sans réagir. Il est devenu essentiel de mettre un terme aux actions d’AQMI, ce que ne sont pas capables de faire, seuls, les Etats de la région. C’est la tâche à laquelle s’attellent, chaque jour, le ministère des Affaires étrangères, la DGSE, le Commandement des opérations spéciales et les unités du renseignement militaire, au Sahel, mais aussi en Afghanistan et en Somalie. Cette mission est d’une grande complexité et n’est malheureusement pas toujours couronnée de succès.
L’opération du 8 janvier dernier à échoué à libérer nos otages, mais elle a eu un impact très significatif sur les pays de la région qui ont été dopés par la détermination de la France à combattre les terroristes et se mobilisent davantage dans cette lutte.
La récente intervention médiatique d’Ussama Ben Laden contre les autorités françaises est la preuve que notre action, en Afghanistan comme au Sahel, dérange les terroristes.
- [1] Voir à ce titre l’interview de Jean-Christophe Ruffin, « Face aux preneurs d’otages, seule la fermeté paie », Le Figaro Magazine, 15 janvier 2011, pp. 36-39.