Communication autour du renseignement en Belgique et insuffisances françaises
Ce rapport offre de nombreuses définitions claires des missions, de la vocation de la SE et des menaces auxquelles elle doit faire face (rien de similaire n’existe en France),
Il permet notamment de voir comment la SE travaille contre les organisations criminelles transnationales (OCT), sous un angle non judiciaire, ce que d’autres services de sécurité intérieure ont du mal à faire (notamment le BfV en Allemagne), car les autorités considèrent souvent que ce sont des activités criminelles ne relevant pas de la sécurité intérieure. Les Belges le font astucieusement dans le cadre de la protection des intérêts de l’Etat, qui charge la SE de la détection d’infiltrations d’organisation et d’intérêts criminels dans l’économie belge (et non sous l’angle de la répression des activités ou des organisations criminelles, missions qui restent du ressort de la police).
On relèvera aussi dans ce rapport une explication intéressante, surtout pour nous Français, sur la façon dont un service de sécurité intérieure fonctionne sans pouvoir de police judiciaire avec les autres services de police.
Il explique également la raison pour laquelle la SE surveille les sociétés de renseignement privé (SRP), de plus en plus actives dans le domaine de l’intelligence économique.
Préfacé par le ministre belge de la Justice – en Belgique, le service de sécurité intérieure est en effet rattaché à ce ministère – le rapport insiste sur un concept essentiel : celui de l’équilibre entre la transparence et le secret :
– la transparence, afin de répondre aux nouvelles exigences démocratiques et à la maturité de nos concitoyens (droit d’en connaître afin d’exercer le droit de vote) ;
– le secret, afin de poursuivre l’exécution des missions, notamment la pénétration d’organisations qui fonctionnent sur un mode clandestin.
Bref un excellent rapport, à la fois pour ceux qui s’intéressent à la communication et au contrôle démocratique du renseignement, mais aussi au fonctionnement des services, à la définition de leurs missions et à la connaissance des menaces.
Les citoyens belges apprécieront cette information qui leur est offerte par les autorités. Il s’agit d’une vraie avancée démocratique d’autant qu’un tel rapport n’était pas légalement obligatoire. C’est donc une démarche qui doit être saluée.
Il y a là une initiative à reproduire et un exemple à suivre pour la France. Rappelons que notre pays demeure, sans aucune raison ni argument valable, très en retard en matière de contrôle parlementaire démocratique du renseignement et de communication des services.
Parallèlement à la publication du rapport annuel de la Sûreté de l’Etat, le Comité permanent de contrôle des services de renseignement et de sécurité (Comité R), présidé par Mr Guy Rapaille, publie un ouvrage d’un grand intérêt intitulé : Fusion Centers throughout Europe : All-Source Threat Assessments in the Fight Against Terrorism (Intersentia, Antwerp 2010).
Cet ouvrage très intéressant dresse un tableau des structures nationales – à l’exception de la France et du Royaume-Uni – qui, au sein des Etats de l’Union européenne, sont chargées de centraliser et d’analyser le renseignement afin de lutter contre le terrorisme. Une telle publication traduit l’intérêt que prend à sa mission l’instance belge chargée de suivre les questions de renseignement et de sécurité au profit des parlementaires et d’informer le public, et le sérieux avec lequel elle s’y consacre.
Au même moment, l’Assemblée nationale et le Sénat français ont rendu public le rapport d’activité de la Délégation parlementaire au renseignement, instituée en 2007, pour les années 2008 et 2009.
Ce document d’une quinzaine de pages, offre un contraste saisissant avec le travail réalisé par le Comité belge, qui publie chaque année un rapport très complet et instructif sur ses activités. En effet, ce premier compte-rendu est absolument creux et insignifiant. Il se contente de rappeler l’historique de la création de la Délégation, sa composition, ses règles de fonctionnement… autant d’éléments qui sont déjà connus de ceux qui prennent le temps de lire les textes législatifs.
On y apprend toutefois (p. 11) que la Délégation ne dispose d’aucun fonctionnaire permanent afin d’assurer son secrétariat et que celui-ci est confié à des administrateurs des deux assemblées détachés en fonction des besoins, ce qui illustre l’intérêt toujours très faible des parlementaires français pour le renseignement.
Seules trois pages (pp. 12 à 14) présentent, de manière pour le moins sommaire, les activités de la Délégation au cours des deux années écoulées. Autant dire que le lecteur n’y apprend rien.
Force est de constater le double mépris patent du renseignement et du citoyen à travers un tel rapport, qui ne soutient pas la comparaison avec ce que font nos amis Belges. Il permet de mesurer le fossé sans cesse croissant, en France, entre le discours et la réalité.