Les sociétés militaires privées chinoises
Valère LLOBET
Avec la naissance en 2013 du projet de la Nouvelle route de la soie (One Belt One Road/OBOR ou Belt Road Initiative/BRI), la nécessité pour la Chine d’assurer la protection de ses entreprises, de ses personnels et plus généralement de ses intérêts est devenue une priorité. L’Armée populaire de libération (APL) étant limitée dans ses interventions à l’étranger par des facteurs politiques et matériels, Pékin a dû trouver une solution pour s’assurer que son expansion commerciale et stratégique ne soit pas menacée. Le terrorisme, la piraterie, les révoltes, les conflits armés ou encore les manifestations des populations locales sont autant de menaces qui pourraient mettre à mal le projet BRI. Pour y faire face, Pékin a choisi de faire appel au secteur privé et de déployer des SMP (sociétés militaires privées) chinoises partout où cela est nécessaire. Bien qu’elles existent depuis le début des années 2000, ces entreprises ne disposent d’un statut légal que depuis février 2011[2] : elles étaient sous le contrôle du ministère de la Sécurité publique (Gonganbu)[3]. Cette situation s’explique par la frontière floue qui existe en Chine entre SMP et SSP (sociétés de sécurité privée) car la plupart des entreprises pratiquent simultanément les deux formes d’activités[4], entretenant volontairement l’ambiguïté sur leur statut. Et pour cause : malgré les discours officiels, ces entreprises sont en réalité contrôlées par le pouvoir chinois ou du moins sont sous sa très forte influence. En effet, elles ont été en bonne partie fondées et dirigées par des anciens membres des forces de sécurité chinoises principalement du ministère de la Sécurité publique (MSP). De plus, elles recrutent la majorité de leurs agents dans les rangs de l’APL ou encore de la police armée du peuple (PAP) – service de police, de garde-côtes[5] et « force d’intervention militaire spécialisée dans le maintien de l’ordre »[6] travaillant étroitement avec le MSP).
Sur le plan législatif, Pékin utilise la loi sur le renseignement national promulguée en juin 2017[7] qui lui permet – grâce entre autres, à son article 7 qui « oblige toute organisation à collaborer aux missions de renseignement nationales »[8] – d’avoir un droit de regard sur l’ensemble des activités des SMP.
Grâce à celles-ci, la Chine dispose aujourd’hui d’un véritable outil de sécurisation pour la Nouvelle route de la soie et pour ses investissements à l’étranger. Pourtant, bien qu’il existe entre 5 000et 6 000[9] entreprises de sécurité enregistrées dans le pays, employant 4,3 millions de personnes et dégageant 6,2 milliards de dollars[10], seule une partie d’entre elles intervient vraiment à l’étranger. Nous allons donc nous concentrer sur ces dernières en détaillant leur origine, leurs activités, leurs effectifs, leurs zones d’intervention et leurs clients.
Beijing DeWe Security Services Limited Company (德威安保有限公司)
No. 179 Longtang RoadShunyi District Beijing, Pékin, Chine
contactus@dewesecurity.com
https://dewesecurity.com
DeWe est une SMP fondée en 2011, basée à Shanghai et dirigé par Li Xiaopeng (李晓鹏) qui intervient officiellement dans plus de cinquante pays notamment au Sud Soudan (à Juba)[11], en Afrique centrale (République centrafricaine), au Kenya (sur la ligne de chemin de fer Nairobi-Mombasa), en Ethiopie[12], à Djibouti, au Nigéria[13] ou sur le territoire national chinois. Elle compte parmi ses clients la China National Petroleum, la China Road and Bridge, Poly-GCL Petroleum Group Holdings, Sinopec ou encore le réseau d’ambassades chinoises.
La société propose des services de protection aux personnes, de gardiennage, de formation, d’évacuation médicale, d’évacuation de ressortissants en lien avec le ministère des Affaires étrangères, de conseil en sécurité, d’évaluation des risques[14], d’enquêtes et de cybersécurité. Les employés de l’entreprise sont issus des rangs de l’APL et de la PAP. En 2019, le groupe aurait compté 352 employés chinois implantés à l’étranger[15] et plus de 3 000 locaux les assisteraient dans leurs missions[16]. D’autres informations laissent penser que le nombre total de travailleurs du groupe serait supérieur à 20 000[17].
La société DeWe possède un centre de formation situé près de l’aéroport de Pékin. Implanté sur un grand terrain, il offre une structure très élaborée avec plusieurs entrepôts. Au sein de l’un d’entre eux, se trouve la reproduction d’une ville fictive du Moyen-Orient utilisée pour former les employés de la société au combat urbain et à l’exfiltration en territoire hostile[18]. A l’étranger, le groupe serait en train d’installer deux camps sécurisés, l’un en Centrafrique, l’autre au Soudan du Sud[19]. Il posséderait également un centre de formation au Kenya.
L’entreprise est l’une des plus importantes SMP chinoise et tire sa réputation de son action, en 2016, au Soudan du Sud à Juba, lors d’affrontements armés entre les factions locales où DeWe a évacué 300 ouvriers chinois d’un site pétrolier[20].
Beijing Security Service General Company (北京市 保安服 务总公)
Shunyi District, Beijing, Korea Village, 106 South Village
+ 010-69491310
www.bj-css.com.cn
Il s’agit d’une entreprise de sécurité dont les activités en tant que SMP ne sont pas attestées. Fondée en 1986 et dirigée par Zhang Tao (理 张 涛), elle intervient officiellement sur le territoire national chinois où elle possède trente-trois agences, un centre de formation où elle dispense douze types de formations spécialisées. Le groupe offre des services de protection aux personnes (grâce à une formation aux sports de combat), de gardiennage[21]et compte plus de 77 000 employés répartis dans tout le pays[22].
China Security and Protection Group (中安保实业有 限公司)
Cette SMP fondée en 1994, est une pionnière du secteur. Elle est actuellement dirigée par Liu Wei (刘 伟). Son activité se concentre le long de la BRI[23] (notamment au Kirghizistan) et sur le territoire national chinois (très certainement dans le Xinjiang). Elle entretient des liens avec le Corps de production et de construction du Xinjiang (XPCC) qui possède lui-même des SMP et SSP[24]. Par le biais de fusion et d’acquisition, China Security and Protection Group contrôle une multitude d’autres entreprises comme VIP Guard Security, Kyrgyzstan Security Associated, ou encore la société américaine US Beau Dielt and Associates[25].
Le groupe propose des services de protection aux personnes, de conseil en sécurité, de gardiennage, d’enquête commerciale, l’installation de systèmes de sécurité, le transport de fonds, la formation ou encore l’audit en sécurité aérienne. Elle emploie entre 30 000 et 60 000 opérateurs épaulés par 200 employés administratifs pour un chiffre d‘affaire approchant les 700 millions de yuans en 2016[26] – ce qui fait d’elle l’une des plus grosses SMP chinoises[27]. L’entreprise est organisée en départements avec chacun leur domaine de spécialité (transit ferroviaire, sécurité aérienne, etc.)
La société serait l’une des rares à être habilitée à utiliser des armes sur le territoire chinois lors d’escortes interprovinciales et municipales[28]. Cela s’expliquerait par les liens privilégiés que l’entreprise entretient avec les autorités chinoises (surtout avec le MSP) et les dons réguliers que la China Security and Protection Group effectue au profit des organismes publics. L’entreprise entretient également d’étroits liens avec d’autres SMP, comme par exemple, le Frontier Services Group (先 丰 服务 集团) [29].
Parmi ses clients sur le territoire national chinois, citons, entre autres, des ambassades et des consulats étrangers, des organisations internationales, des entreprises multinationales, des institutions financières, des entreprises ferroviaires et aériennes, des centres commerciaux ou encore le métro de Pékin.
China Security Technology Group (中国 安 保 科 技 集 团)
Floor 5 (100070) of Building No. 2, area 188, No. 188 South Si Huan West Road, Fengtai District, Beijing
+8610 8363 8786-8008.
http://www.cstghk.com/en/index.html
Fondée en 1994 à Hong Kong, filiale du groupe d’investissement Beijing Huatau Zongheng Investment Management, China Security Technology Group intervient dans plus de 30 pays, notamment le long de la BRI (Ouzbékistan[30], Pakistan, Sri Lanka, Cambodge), mais aussi en Afrique (Kenya, Nigéria, Mozambique Algérie, Irak, Sud Soudan, Angola[31], Zimbabwe, Ethiopie[32]). La SMP compte parmi ses clients de nombreuses entreprises chinoises, notamment des pétroliers chinois implantés au Soudan du Sud.
Elle fournit des solutions de sécurité numérique de pointe, des services de protection aux personnes, du gardiennage, de la formation, de l’évaluation de risques, la location et la vente d’équipement, de l’escorte maritime et terrestre ou encore de la collecte et de l’analyse de renseignement.
Pour ses implantations à l’étranger, China Security Technology Group applique le principe de « gagnant-gagnant » en nouant un partenariat avec une entreprise locale pour vendre ses services dans le pays et ensuite passer des accords de coopération avec les services de sécurité locaux. Elle comprendrait 30 000 employés[33].
China Overseas Security Group (中国海外保安集 团)
Beijing : 2-88 Guang Hua Rd, Tongzhou District, code postal 101113
+861056456588
http://www.cosg-ss.com.cn/
Hong Kong : Room 1501, Grand Millennium Plaza, 181 Queen’s Road Central.
+00852-21527388
Il s’agit d’une SMP fondée en 2015, , dirigée par Jiang Xioming (蒋晓明) [34] – directeur général – et Wang Guobao (王国) – président exécutif. Elle est le produit d’un consortium réunissant cinq sociétés de sécurité[35].
L’entreprise intervient le long de la BRI et partout dans le monde : Argentine, Djibouti, Ethiopie, Irak, Jordanie, Sri Lanka, Laos, Indonésie, Pakistan, Turquie, Malaisie, Cambodge, Mozambique, Afrique du Sud, Thaïlande[36], Somalie[37], Nigéria, Zambie.
Le groupe fournit des services de protection aux personnes, de gardiennage, de formation pour les personnels locaux, des solutions en cybersécurité et surtout de l’escorte maritime et terrestre. Il emploie plus de 20 000 personnes[38], presque exclusivement des Chinois, ce qui facilite leur embauche pour des gérer projets sensibles[39].
L’objectif de China Overseas Security Group est d’atteindre, d’ici la deuxième moitié de la décennie 2020, une couverture totale de l’ensemble de la BRI et une implantation dans plus de soixante pays[40].
Dingtai Anyuan International Security and Defense Limited
Cette SMP intervient sur le territoire national chinois et au Moyen-Orient, surtout en Irak. Elle travaillerait auprès de sociétés pétrolières et assurerait la protection de centrales électriques.
Elle fournit des services de protection aux personnes, de gardiennage et de formation. A l’étranger, les employés chinois de l’entreprise ne seraient pas armés contrairement aux personnels locaux à son service.
Frontier Services Group (先 丰 服务 集团)
3/F Building No.5, Huoxingyuan, Taiyanggong, Beijing, 100028 China
+8610 6184 0280
http://fsgroup.com/en/index.html
Il s’agit certainement de la plus célèbre SMP chinoise en activité. En effet, bien que l’entreprise soit dirigée par Chang Zhenming (常振明)[41] et détenue par la China International Trust and investissement Corporation, la figure de proue de la société n’est autre que l’Américain Erik Prince, le fondateur de la plus célèbre des SMP : Blackwater (aujourd’hui Academi).
Frontier Services Group, fondée en 2014, tient une place à part au sein du monde de la sécurité privée en Chine. En effet, la société créée à Hong Kong entretient des liens très étroits avec les autorités chinoises (entre autres le MSP) et avec les autorités américaines. Grâce à ce réseau relationnel étendu, l’entreprise s’est rapidement imposée comme l’un des leaders du secteur avec un chiffre d’affaires significatif (78 millions d’euros en 2017[42]).
La société opère principalement le long de la BRI et en Ouzbékistan, au Pakistan, au Moyen-Orient, en Afrique (Libye, Somalie, Sud Soudan, Kenya, Mozambique, Nigéria, Somaliland, République démocratique du Congo[43]). Elle y fournit des services de protection aux personnes, de gardiennage, de conseil et d’audit en sécurité[44] mais aussi des matériels militaire (allant du fusil d’assaut, aux drones ou encore aux hélicoptères d’attaque)[45]. Elle emploie aussi bien des vétérans de l’APL que des agents recrutés localement[46]. 432 personnes travaillent au sein de ses équipes administratives à Hong Kong, Pékin, Shanghai, Dubaï, Nairobi, Boten (Laos), Malte et Johannesburg.
Notons également que l’entreprise a lancé la construction d’un centre de formation dans le Xinjiang capable d’assurer la formation de huit mille agents pour un coût estimé à 600 mille dollars[47].
Genghis Security Advisor (GSA)
Il s’agit d’une très importante SMP fondée et dirigée par Chen Yongqing (un ancien membre de l’APL)[48], qui intervient officiellement aux Philippines, en Birmanie[49] mais également en Europe, en Amérique du Sud et aux Etats-Unis[50].
La société y fournit des services de protection aux personnes, de gardiennage, de conseil et d’audit en sécurité. Elle emploie de nombreux agents, dont la moitié est issue de l’APL[51]. Ils sont répartis dans deux centres de formations : l’un à Pékin, l’autre dans la municipalité de Tianjin. Le premier, la « Genghis Security Academy » forme les agents par classe de quarante aux arts martiaux, au close combat, au maniement des armes, au combat urbain et à la riposte aux embuscades etc.[52] Le second, plus spécialisé dans la protection des personnes, propose des formations à la cybersécurité, à la prévention des risques d’espionnage, ou encore des cours de conduite sportive[53].
En plus de ces installations, l’entreprise possède des camps de formation au tir dans plusieurs pays dont le Laos. Elle envoie également ses meilleurs agents en Israël où ils reçoivent une formation aux armes de plus gros calibre[54]. Pour encadrer leurs recrues, la société embauche des formateurs chinois mais également des anciens membres des forces spéciales portugaises[55] ou encore de la Légion étrangère.
Les moyens importants dont elle dispose peuvent s’expliquer par les liens étroits que l’entreprise entretient avec les autorités chinoises, que ce soit le MSP ou l’APL qui lui permettent d’accéder à leurs infrastructures militaires.[56]
Hua Xin Zhong An (Beijing) Security Service (华 信 中 安 (北 京) 保安服务 有限公司)
1 Jia, GuoZhuangZi, Fengtai Disctrict, 100166, Beijing, China
+0086-010-67222198
http://m.en.hxza.com/
Fondée en 2004 par Yin Weihong (殷 卫宏)[57], cette SMP intervient en Ethiopie, au Kenya[58], en Tanzanie, au Pakistan[59], et surtout le long de la façade maritime de la BRI[60].
L’entreprise propose des services de gardiennage, de protection des personnes, de conseil et d’audit en sécurité mais surtout des services de protection maritime, que ce soit dans les ports, dans les centres logistiques ou sur les navires[61]. Elle emploie 15 000 salariés[62] qui sont autorisés à porter des armes[63] (son arsenal compte, entre autres, des fusils Type 56-II et ses employés arborent des gilets balistiques non-modulaires et des casques balistiques de type PASGT)[64]. L’entreprise fournit la quasi-exclusivité des services de sécurité de la première compagnie maritime chinoise, la China Ocean Shipping Company Ltd[65].
Shandong Huawei Security Group (山 东华 威保安集团股 份有限 公司)
Cette SMP fondée en 1993 par Xun Jinqing (荀金 庆)[66] compte vingt succursales[67] dans le monde, réparties le long de la BRI. Une grande partie de son activité se déroule en Afrique (Afrique du Sud[68] et Kenya).
Elle propose des services de gardiennage (par exemple, d’infrastructures ferroviaires en Afrique du Sud)[69], de protection des personnes, de conseil et d’audit en sécurité[70]. Elle emploie plus de 6 000 personnes[71] et ses hommes assistent régulièrement d’autres SMP par exemple australiennes (MSS Security Group)[72], sud-africaines (Raid Private Security of South Africa à laquelle s’est associé le Shandong Huawei Security Group pour former la HW Raid Security à Johannesburg), américaines ou encore singapouriennes[73].
VIP Guard Security
Filiale de China Security and Protection Group, elle concentre ses activités au Cambodge. Cette SMP fournit des services d’escorte et de protection pour des agences gouvernementales cambodgiennes, des organisations internationales, des ONG et pour des entreprises et des personnalités chinoises. Les risques liés à la criminalité étant très élevés localement.
L’entreprise a l’autorisation de porter des armes et possède des véhicules armés ainsi que du matériel militaire moderne.[74]
VSS Security (伟之杰安保公司) ou Weizhijie Security Company
+0086 400-610-7789
http://www.vss911.cn/en/About.aspx
SMP fondée au début des années 2000 et dirigée par Zhe Meijie. Elle intervient au Moyen-Orient (par exemple en Irak en 2014) [75], en Afrique de l’Est, en Asie du Sud Est, en Amérique du Sud et sur le territoire national chinois. La société possède des bureaux à Hangzhou, Yunnan, Fangshan et Hong Kong[76]. Elle compte parmi ses clients la PetroChina, la China Machinery Engineering Corporation[77] ou encore la China National Petroleum Corporation.
La société propose des services de protection aux personnes, de gardiennage, de renseignement, de conseil en sécurité, d’escorte maritime[78], ainsi que des solutions de communication sécurisée et de protection des données. Ses employés sont issus de la PAP et de l’APL (officiers, policiers militaires et de soldats des forces spéciales à la retraite).
VSS Security dispose également d’une unité d’intervention dénommée King Kong Special Service Team, équipée d’armes non létales sur le territoire chinois et d’armes à feu, de moyens de déminage et de protection anti-explosion lors de ses opérations à l’étranger. Tous ses personnels sont formés à l’antiterrorisme, à la reconnaissance, à la collecte de renseignement et à la lutte contre les incendies[79]. Cette force d’intervention s’est d’ailleurs illustrée en juin 2014 à Samarra en Irak lors de l’évacuation de 1 000 travailleurs lors de la progression de l’Etat Islamique dans le pays[80].
Zhongjun Junhong Security Service Co. Ltd (中 军军 弘 安 保 集团)
QunYing building, No.32 JinYuan Road, National New Media Industry Base, Pekin.
+0086 400-866-0101
https://www.zjjhgroup.com/en/index.html
Il s’agit d’une SMP dont l’équipe de sécurité est appelée la Overseas Security Guardians. Elle intervient principalement le long de la BRI[81], entre autres, sur sa façade maritime. L’entreprise, dirigée par Wu Gouhua[82], possède plus de trente-cinq infrastructures à travers le monde. Elle compte treize succursales (Cambodge, Laos, Malaisie, Kirghizistan, Tanzanie, Hong Kong, etc.) et onze bureaux installés en Irak, Thaïlande, Afrique de l’Ouest, Afghanistan, Afrique du Sud, Géorgie, au Royaume-Uni, au Koweït, au Ghana, aux Emirats arabes unis et à Taïwan. Elle dispose également de onze bases pour l’escorte navale, installées dans les ports de Kelang (Malaisie), Galle (Sri Lanka), Mombasa (Kenya), Dar es Salaam (Tanzanie), Moroni (Comores), Durban (Afrique du Sud), Tuamasina (Madagascar), Mindoro et Tawitawi (Philippines), Fujairah (Emirats arabes unis) et en mer Rouge[83].
La société propose des services de protection aux personnes, de gardiennage, de formation, d’escorte maritime, de renseignement ou encore du conseil et de l’audit en sécurité. Ses employés, au nombre de 32 000[84], sont des vétérans issus des rangs de l’armée chinoise (terre, air, mer), des forces spéciales ou encore de la PAP.[85] Ils sont épaulés par une équipe administrative souvent formée à l’étranger et composée d’experts en gestion des risques, d’avocats, de médecins, de traducteurs etc. Les équipes déployées sur le terrain sont autorisées à porter des armes. Elles sont formées, entre autres, dans des centres au Laos et au Kirghizistan. L’entrainement des agents de terrains comprend une formation militaire, médicale, anti-piraterie ou encore antiterroriste. Le groupe compte parmi ses clients de nombreuses institutions et des entreprises comme la China Railway No.5 Group Co ou encore le géant Huawei Technologies.[86]
Autres sociétés
Parallèlement à ces SMP chinoises les plus influentes et les plus célèbres, il existe des entreprises plus discrètes, souvent aux activités plus modestes, qui méritent d’être mentionnées :
– Beijing Dingtai Anyuan Guard & Technology Research Institute. L’entreprise propose des services de protection aux personnes, de gardiennage, de formation, d’évacuation médicale, d’évacuation de ressortissants en lien avec le ministère des Affaires étrangères, de conseil en sécurité et d’évaluation des risques[87].
– Beijing Guanan Security & Technology intervient officiellement en Irak auprès de la ZhenHua Oil et la China National Petroleum Corporation[88].
– Huangjia Security Compagny est la première SMP à avoir obtenu une licence, en février 2011, officialisant ses activités aux yeux du droit chinois[89].
– Huawei International Security Management. Fondée en 2009 à Macao, elle intervient en Irak sur des installations pétrolières, en Afrique et en Asie. Elle fournit des solutions de sécurité et ses agents ne seraient équipés que d’armes non létales[90].
– Kyrgyzstan Security Associated est une filiale de la China Security and Protection Group. Elle concentre ses activités au Kirghizistan[91].
– Qufu Xuanyuan Special Guard Institute est une nouvelle venue sur le marché des SMP. Auparavant, elle n’intervenait que sur le territoire chinois dans des missions de protection aux personnes. Mais, depuis peu, elle vise la Nouvelle route de la soie où elle compte se développer et diversifier ses activités. Dans cette perspective, elle s’intéresse au recrutement d’agents non chinois[92].
– Shamdong Warwick Security emploierait plusieurs centaines de salariés qui interviennent le long de la BRI essentiellement pour des entreprises chinoises[93].
– Shamo Tewei (沙漠特维) ou SMTW. L’entreprise est une filiale du Corps de production et de construction du Xinjiang (XPCC). Ses activités se concentrent sur le territoire chinois et au Kazakhstan[94].
– Shanghai Zhongchenwei Security Service Group Co. Ltd. (忠诚保安服 务有限公司) : Elle a été fondée en 2009 et concentre ses activités sur le territoire chinois et sur la Nouvelle route de la soie[95]. La société propose des services de gardiennage, de protection aux personnes, de formation, d’audit, d’évaluation et de gestion des risques[96].
– Shengzhen Zhongzhou Tewei Security Consultant fournit des services d’audit, analyse, d’évaluation et de gestion des risques[97].
– Veterans Security Services intervient officiellement en Irak et au Sud Soudan où elle serait l’une des rares SMP dont les employés sont autorisés à porter des armes[98].
– Weldon Security Group. Cette entreprise de plus petite envergure n’embauche que du personnel chinois, ce qui lui donne les faveurs des entreprises d’Etat chinoises qui préfèrent ce type de personnel pour la sécurisation de projets sensibles[99].
Cette liste recense uniquement les entreprises chinoises et non l’ensemble des sociétés de sécurité implantées en Chine. C’est la raison pour laquelle des entreprises telles que G4S ou encore Control Risks ne sont pas mentionnées. Signalons tout de même les nombreux liens qui unissent ces entreprises anglo-saxonnes aux SMP et SSP chinoises. En effet, de nombreux responsables de SMP chinoises poursuivent leur carrière dans le monde de la sécurité au sein de ces groupes étrangers.
*
La République populaire de Chine compte donc au moins 25 sociétés militaires privées, réunissant plus de 260 000 opérateurs déployés presque partout dans le monde. En ce domaine, elle n’a donc rien à envier aux Occidentaux et devance largement la Russie.
Grâce au développement et à l’implantation toujours plus grande de ses SMP, Pékin peut compter partout sur des hommes assurant la sécurité de ses intérêts et qui n’engagent pas la responsabilité de l’Etat chinois à la différence de l’APL.
A noter qu’en raison de leurs tarifs particulièrement concurrentiels, les SMP chinoises sont bien plus bien plus abordables que leurs concurrentes anglo-saxonnes[100] : en moyenne, un garde d’une entreprise américaine coûte 700 à 1 000 dollars par jour, soit le prix de douze gardes chinois[101].
Ces entreprises sont donc une composante essentielle de ce qu’on l’on pourrait nommer la « sécurité parallèle »[102]. Cette dernière regroupe l’ensemble des acteurs de la sécurité non gouvernementaux contrôlés ou influencés par un Etat et utilisés afin de garantir la protection de ses intérêts à l’étranger et, dans certains cas, sur son territoire. En somme, ces sociétés sont une extension de l’influence de Pékin, une nouvelle forme d’incarnation du pouvoir régalien de sécurité.
Pour la Chine, les SMP sont devenues aujourd’hui des acteurs indispensables de son projet de Nouvelle route de la soie. Elles sont le bras armé du pouvoir et préfigurent la forme future du hard power chinois dans le monde. En couplant sécurité publique et sécurité privée, la Chine vise à assurer la pérennité de sa stratégie et la protection de ses intérêts.
La saga chinoise de films d’action Wolf Warrior (œuvres narrant les aventures d’un ancien membre des forces spéciales partant en Afrique sauver des ressortissants chinois) résume bien la position chinoise : « Celui qui offense la Chine sera poursuivi aussi loin qu’il le faut » et transmet un message fort aux citoyens de la RPC : « si vous rencontrez des dangers à l’étranger, n’abandonnez pas ! Souvenez-vous que derrière vous se tient la puissance de votre mère-patrie ».[103]
[1] Lauréat 2020 du Prix « Jeune chercheur » du CF2R.
[2] Madonna Pascal, « La montée en puissance des sociétés militaires chinoises », Etudes géostratégiques, 27 octobre 2012
(https://etudesgeostrategiques.com/2012/10/27/la-montee-en-puissance-des-societes-militaires-chinoises-2/).
[3] China’s private security companies go overseas, 27 novembre 2017, réalisation Ben Marino, coproduction Financial Times et Ben Marino.
[4] Assemblée nationale, Rapport d’information de la commission de la Défense nationale et des Forces armées, 14 février 2012.
[5] Intelligence Online, n°854 du 27 mai 2020.
[6] Damon Yves-François, « Les services de renseignement de sécurité de la République Populaire de Chine. Deuxième partie : Le ministère de la Sécurité d’Etat », CF2R, Bulletin de documentation n°11, décembre 2014 (https://cf2r.org/documentation/les-services-de-renseignement-de-la-republique-populaire-de-chine-deuxieme-partie-le-ministere-de-la-securite-detat-guojia-anquanbu/).
[7] Nashidil Rouiaï « Nouvelles Routes de la soie », Encyclopædia Universalis (http://www.universalis-edu.com.janus.biu.sorbonne.fr/encyclopedie/nouvelles-routes-de-la-soie)
[8] Jamet Gabriel, « Les services de renseignement et de sécurité en République Populaire de Chine : un instrument essentiel de survie et d’Hégémonie », Asia Focus n°100, IRIS, 2019, Paris
[9] Drif Anne, « Soldats du CAC 40, le grand malaise français », Les Echos, 9 juillet 2019, (https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/soldats-du-cac-40-le-grand-malaise-francais-1036644).
[10] China’s private security firms flex their muscles, CGTN, 3 février 2016.
[11] Marie Guilhem, « Des sociétés militaires privées pour protéger les Nouvelles routes de la soie », Geolinks, 16 mai 2019,
(https://www.geolinks.fr/des-societes-militaires-privees-pour-proteger-les-nouvelles-routes-de-la-soie/).
[12] Le Pautremat Pascal, « De Moscou à Pékin, les contractors sont les nouveaux acteurs géopolitiques », Pensée Mili-terre, 2/3, Revue militaire n°55, 9 septembre 2019 (https://www.penseemiliterre.fr/de-moscou-a-pekin-les-contractors-sont-les-nouveaux-acteurs-geopolitiques_114245_1013077.html).
[13] Nantulya Paul, op. cit.
[14] Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R), « Les entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD) »
(https://cf2r.org/travailler-dans-le-renseignement/au-service-des-entreprises-et-des-collectivites/essd/).
[15] Sergey Sukhankin, « Chinese Private Security Contractors : New Trends and Future Prospects », China Brief, vol 20, Issue 9, The Jamestown Foundation, 15 mai 2020, Washington D.C.
[16] Khan Raphaëlle, « Le Sri Lanka, l’Inde et le Pakistan face à la Belt and Road Initiative chinoise », Étude n°71, IRSEM, novembre 2019, Paris.
[17] Nantulya Paul, op. cit.
[18]Centre for China Analysis and Strategy, « China: Private security companies », 2020 (https://ccasindia.org/newsdetails.php?nid=1877).
[19] Ibid.
[20] Batchu Swati, « Chinese Private Security Companies Along the BRI : An Emerging Threat ? », Modern diplomacy, 25 septembre 2020
(https://moderndiplomacy.eu/2020/09/25/chinese-private-security-companies-along-the-bri-an-emerging-threat/).
[21] Beijing Security Service General Company, (http://en.bj-css.com/product/8/)
[22] Sergey Sukhankin, op. cit.
[23] Ibid.
[24] Yan Yau Tsz, « Chinese Private Security Moves Into Central Asia », 3 juillet 2019, (https://thediplomat.com/2019/07/chinese-private-security-moves-into-central-asia/).
[25] People’s Public Security News, « 中安保:打造中国保安行业领航企业 », WeChat, 8 décembre 2016, (https://mp.weixin.qq.com/s/ZdpJnJyIp7Kqf3ZW38gCIQ).
[26] Ibid.
[27] Sergey Sukhankin, op. cit.
[28] People’s Public Security News, 8 décembre 2016, op. cit.
[29] Le Pautremat Pascal, op. cit.
[30] Yan Yau Tsz, op. cit.
[31] China Security Technology Group, « 公司简介 »(http://www.cstghk.com/profile.html).
[32] Nantulya Paul, op. cit.
[33] Ibid.
[34] Arduino Alessandro, « China’s Belt and Road Initivative Security Needs : The Evolution of Chinese Private Security companies», RSIS Working Paper, n°306, 29 août 2017.
[35] Hong Zhao, « Chinese and global security firms see big opportunities in Belt and Road Initiative », CGTN, 24 avril 2017 (https://news.cgtn.com/news/3d41444f35557a4d/share_p.html).
[36] Sergey Sukhankin, op. cit.
[37] Nantulya Paul, op. cit.
[38] Arduino Alessandro, op. cit.
[39] Hong Zhao, op. cit.
[40] Spearin Christopher, « China’s Private Military and Security Companies : ‘Chinese Muscle And Reasons For US Engagement – Analysis », The National Defense University, 7 juillet 2020 (https://www.eurasiareview.com/07072020-chinas-private-military-and-security-companies-chinese-muscle-and-reasons-for-us-engagement-analysis/)
[41] Sergey Sukhankin, op. cit.
[42]PR Newswire, « Private Military Security Services Market Report 2019-2029 », janvier 2019, New York.
[43] Nantulya Paul, op. cit.
[44] Watts Gordon, « China’s Private Army prowls the New Silk Road », Asia Times, 20 ao^t 2018 (https://asiatimes.com/2018/08/chinas-private-army-prowls-the-new-silk-road/).
[45] Nantulya Paul, op. cit.
[46] Khan Raphaëlle, op. cit.
[47] Sergey Sukhankin, op. cit.
[48] Merinon Ben, « China’s private security companies go overseas », Financial Times World, 29 novembre 2013 (https://www.youtube.com/watch?v=IhuOKiVADXA).
[49] « Costard, pistolet et cybersécurité : à l’école chinoise des gardes du corps », L’ObsS 20 septembre 2020 (https://www.nouvelobs.com/societe/20200920.AFP0557/costard-pistolet-et-cybersecurite-a-l-ecole-chinoise-des-gardes-du-corps.html).
[50] Filippi Laurent, « La Chine se lance dans la sécurité privée », France Info, 20 janvier 2013, (https://www.francetvinfo.fr/monde/chine/la-chine-se-lance-dans-la-securite-privee_3070375.html).
[51] « Costard, pistolet et cybersécurité : à l’école chinoise des gardes du corps », op. cit.
[52] « China’s First Defense : Bodyguards Train to Protect Chinese Interests Road », Time, 18 janvier 2013, (https://world.time.com/2013/01/18/chinas-first-defense-bodyguards-train-to-protect-chinese-interests-abroad/photo/china-military-security-politics-8/).
[53] « Costard, pistolet et cybersécurité : à l’école chinoise des gardes du corps », op. cit.
[54] L’Obs, « Gardes du corps et sécurité privée pour businessmen chinois à l’étranger », 19 janvier 2013, (https://www.nouvelobs.com/monde/20130119.AFP1043/gardes-du-corps-et-securite-privee-pour-businessmen-chinois-a-l-etranger.html).
[55] Hancock Tom, « Genghis Security Advisor formes les gardes du corps chinois », 20 janvier 2013, (http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2013/01/18/genghis-security-advisor-forme-les-gardes-du-corps-chinois.html).
[56] Filippi Laurent, op. cit.
[57] Arduino Alessandro, op. cit.
[58] Nantulya Paul, op. cit.
[59] Watts Gordon, op. cit.
[60] Centre for China Analysis and Strategy, « China: Private security companies », 2020, (https://ccasindia.org/newsdetails.php?nid=1877).
[61] Olander Eric, «Q&A: Growing Demand in Africa for China’s Private Security Contractors », The China Africa Project
(https://chinaafricaproject.com/analysis/qa-growing-demand-in-africa-for-chinas-private-security-contractors/).
[62] Le Pautremat Pascal, op. cit.
[63] Olander Eric, op. cit.
[64] Nantulya Paul, op. cit.
[65] Ibid.
[66] Sergey Sukhankin, op. cit.
[67] Anqi Lu, « For Safety’s Sake », Chinafrica, 7 février 2015 (http://www.chinafrica.cn/africa_report/txt/2015-02/02/content_666684.htm).
[68] Ibid.
[69] Le Pautremat Pascal, op. cit.
[70] Arduino Alessandro, « China’s Private Army : Protecting the New Silk Road », Palgrave Pivot, 1 janvier 2018.
[71] Sergey Sukhankin, op. cit.
[72] Ibid.
[73] Anqi Lu, op. cit.
[74] People’s Public Security News, 8 décembre 2016, op. cit.
[75] Sergey Sukhankin, op. cit.
[76] VSS Security Group, « 集团介绍 », (http://www.vss911.cn/About.asp).
[77] Drif Anne, op. cit.
[78] Nantulya Paul, op. cit.
[79] VSS Security Group, « 团队介绍» (http://www.vss911.cn/About.aspx?Id=46).
[80] Legarda Helena, Nouwens Meia, « Guardians of the Belt and Road: the internationalization of China’s private security companies », Merics and IISS, 2018, Berlin.
[81] Arduino Alessandro, « China’s Belt and Road Initivative Security Needs …”, op. cit.
[82] Batchu Swati, op. cit.
[83] Zhongjun Junhong Security Service Co. Ltd, « About us » (https://www.zjjhgroup.com/en/#Footer)
[84] Nantulya Paul, op. cit.
[85] Zhongjun Junhong Security Service Co. Ltd, op. cit.
[86] Ibid.
[87] Arduino Alessandro, « China’s Belt and Road Initivative Security Needs …” op. cit.
[88] Ibid.
[89] Madonna Pascal, op. cit.
[90] Merinon Ben, op. cit.
[91] People’s Public Security News, 8 décembre 2016 op. cit.
[92] French.China.Org.CN, « Une société de sécurité privée chinoise cherche à se développer à l’étranger »,
22 mars 2018 (http://french.china.org.cn/china/txt/2018-03/22/content_50736959_0.htm)
[93] Madonna Pascal, op. cit.
[94] Yan Yau Tsz, op. cit.
[95] Sergey Sukhankin, op. cit.
[96] Ibid.
[97] Arduino Alessandro, « China’s Private Army : Protecting the New Silk Road », op. cit.
[98] Legarda Helena & Nouwens Meia, op. cit.
[99] Hong Zhao, op. cit.
[100] Drif Anne, op. cit.
[101] Centre for China Analysis and Strategy, op. cit.
[102] CF2R, « Les entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD) », op. cit.
[103] Sébastien Le Belzic, « Wolf Warrior 2 : le Rambo de la Chinafrique », Le Monde Afrique, 21 août 2017, (https://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/08/21/wolf-warrior-2-le-rambo-de-la-chinafrique_5174790_3212.html).