Les services de renseignement et de sécurité de la République populaire de Chine. Troisième partie : le renseignement militaire
François Yves DAMON
Sinologue, docteur de l’EHESS, ancien maître de conférences habilité à diriger des recherches en Histoire contemporaine (Géopolitique, Chine) de l’Université Charles de Gaulle-Lille III, ex chercheur associé au Centre de recherches sur le droit et les institutions pénales (CESDIP, CNRS-ministère de la Justice, UMR 2190) et ancien collaborateur d’un service de renseignement français.
Deux départements de l’Armée populaire de libération (APL), dont dépendent les forces terrestres (Lujun 1), sont voués au renseignement : le Deuxième (Qingbaobu 2), département du renseignement, et le Troisième (Jjixiebu 3), département technique, affecté aux télécommunications de l’Armée populaire de libération et à l’écoute des télécommunications étrangères. L’activité de ces deux départements, ainsi que celle du Quatrième – chargé des radars et des contre-mesures électroniques – est coordonnée par un chef d’état-major adjoint, actuellement le lieutenant général Wang Ning, membre suppléant du 18ème comité central.
Historique
L’ascension de son arbre généalogique compliqué – ascension passant fatalement par Kang Sheng 4, successivement directeur du Central Department of Social Affairs (CDSA) du Comité central du Parti communiste chinois avant la fondation de la République populaire, puis du Central Investigation Department (CID) après 1949 – permet de rattacher le Deuxième département (D2), à son ancêtre, le service de renseignement de l’état-major de la Commission militaire. Celui-ci a vu le jour en 1931, à l’époque dite « du Soviet du Jiangxi, », territoire situé aux confins du Hunan et du Jiangxi, où s’étaient, après le coup de Shanghai, de 1927 5, regroupés la plupart des communistes chinois, avant d’en être chassés en 1934 par les Nationalistes.
La naissance du Deuxième département date, elle, de 1959, quand le maréchal Lin Biao, un fidèle de Mao, succéda au maréchal Peng Dehuai comme ministre de la Défense, après le limogeage de ce dernier, pour s’être opposé au « Grand Bond en avant », autant que pour avoir lancé un programme de modernisation des moyens conventionnels 6 de l’APL. La nécessité de cette modernisation lui avait été démontrée par son expérience dans la guerre de Corée, mais celle-ci, donnant la priorité à la professionnalisation des troupes sur leur politisation, allait à l’encontre de l’orthodoxie maoïste de guerre populaire. Lin Biao redonna la priorité à la politisation et l’on put voir toute l’APL brandir le Petit livre rouge et réciter les citations du président Mao.
Missions et direction
Le D2 est chargé de la recherche humaine (Human Intelligence/HUMINT) et du renseignement « sources ouvertes » (Open Sources Intelligence/OSINT). Son effectif est inférieur à 2 000 personnels.
Quatre missions sont confiées au D2 :
- La première est le recrutement des agents chargés de recueillir le renseignement militaire de toutes les entités susceptible d’en fournir et l’organisation d’opérations clandestines.
- La seconde est l’analyse de toutes les publications étrangères contenant des renseignements de nature militaire.
- La troisième est l’affectation d’officiers de renseignement dans les services des attachés militaires de toutes les représentations diplomatiques chinoises à l’étranger.
- La quatrième est de transmettre à l’état-major général les renseignements analysés.
Le directeur du D2 est depuis 2013 le major-général Yang Hui. Celui-ci a auparavant successivement occupé les postes d’officier de renseignement à l’ambassade de Yougoslavie, d’URSS – puis de Russie – et du Kazakhstan ; puis, les fonctions de directeur adjoint du Troisième département, de commandant adjoint du 31e Corps d’armée 7, de directeur adjoint de l’Institut de Russie, d’Europe orientale et d’Asie centrale ; puis encore de responsable du Centre de recherches sur le contre-terrorisme au sein du China Institute for International Strategic Studies (CIISS) 8 ; enfin, de directeur adjoint du D2. Il est expert en cyberguerre et professeur associé à l’Institut des relations internationales de Nankin.
Le poste de commandement du D2 est installé dans un bunker souterrain susceptible de résister à une frappe nucléaire. Il est situé à proximité des Collines des sources de jade, au nord-ouest du Yiheyuan, son appellation courante est « Poste de commandement des collines de l’Ouest ». Ce site constitue le centre névralgique opérationnel de l’état-major général et des commandements des forces aériennes, navales et de la seconde artillerie (missiles). Il est le pendant du National Military Command Center du Pentagone.
Position dans l’appareil de renseignement chinois
L’effectif du D2, moins de 2 000 officiers, gradés et hommes de troupe, apparaît plutôt modeste, surtout en comparaison des effectifs du ministère de la Sécurité d’Etat (MSE) ; pourtant, l’efficacité du département est considéré comme supérieure à celle de ce dernier. Elle provient sans doute de son expérience, de son antériorité historique, et probablement de sa plus grande cohésion – ses membres sont tous des militaires – source d’une plus grande confiance en soi ; sans compter une plus grande liberté d’action : l’état-major général (EMG) dépend de la Commission militaire centrale (CMC), alors que le MSE est rattaché au Conseil des affaires d’Etat ; c’est-à-dire que la première instance est présidée par le Président de la république, et la seconde par le Premier ministre.
L’EMG tenta d’ailleurs en 1998 de profiter d’une insuffisance du MSE à traiter la crise des missiles de Taiwan pour pousser l’un des siens à la succession du ministre Jia Chunwang. Depuis 1989, en effet, le parti devait son maintien au pouvoir à la meurtrière intervention militaire du 4 juin sur la Place Tiananmen. L’influence des généraux dans les instances de décision politique en était accrue et Jiang Zemin, alors Président de la république – secrétaire général du parti, proposa, lors du 15ème congrès de 1998, la candidature du général Xiong Guangkai, chef d’état major adjoint chargé de la coordination du renseignement militaire et ancien directeur du D2 au poste de ministre de la Sécurité d’Etat. Mais le congrès, redoutant que « Le parti commande aux fusils » ne cède la place à « Les fusils commandent au parti », écarta ce candidat au profit d’un homme d’appareil, Xu Yongyue, secrétaire adjoint du parti de la province du Hebei.
Aussi efficace et prestigieux soit-il, le personnel du D2 n’en serait pas pour autant incorruptible. A la fin de la décennie 90, Ji Shengde, directeur adjoint du D2 – prince rouge de par son fondateur de père, Ji Penfei – fut arrêté et destitué pour avoir été impliqué dans l’énorme affaire de corruption organisée à Xiamen par le groupe Yuanhua de Lai Changxing.
L’arrestation pour corruption, en 2014, de l’ancien vice président de la CMC, Xu Caihou, a eu pour conséquence l’ouverture d’enquêtes ciblant tous les organes de la CMC, EMG et D2 compris, en particulier sa 9e division – branche administration – de l’information. Xu Caihou ne représenterait en effet que la partie émergée d’un iceberg 9 de corruption de l’APL.
Organisation
La branche « Opérations », du D2 comprend sept divisions, un commissariat politique, une direction administrative, un service informatique et un centre de recherche 10.
– La 1ère division est chargée de recueillir les renseignements à l’étranger, d’y conduire les missions secrètes 11 ainsi que d’y recruter, de même que le MSE, des agents.
L’exécution de ces tâches est répartie géographiquement entre cinq bureaux établis à Canton, Tianjin Pékin, Shanghai et Shenyang. Ces bureaux sont intégrés à l’organigramme de ces municipalités : le bureau n°5 du gouvernement populaire de la municipalité à Canton, le 9e bureau de la municipalité à Pékin, le 5e bureau de la municipalité à Shanghai. Le Bureau de liaison (Lianluobu) de la Direction générale de la politique (Commissariat politique aux armées) à Shanghai est, pour sa part, abrité par le 7e bureau de la municipalité.
Le Bureau de Pékin dirige le recueil de renseignements à Hong Kong, Macao et Taiwan ; le bureau de Canton cible l’Asie/Pacifique ; celui de Tianjin, l’Afrique ; le Bureau de Shenyang, la Russie, l’Europe orientale et le Japon ; celui de Shanghai enfin, l’Europe occidentale et l’Amérique du Nord.
– La 2e division est chargée du renseignement tactique. Elle est subdivisée en sept bureaux rattachés aux sept régions militaires : Canton, Lanzhou 12, Nankin, Chengdu, Jinan, Pékin, Shenyang.
Dans les zones frontières, le bureau est chargé de la reconnaissance, c’est-à-dire, tenir à jour l’ordre de bataille des armées étrangères, leur doctrine et stratégie, identifier les formations de combat, le profil de leurs commandants, les points vulnérables de leurs dispositifs, la localisation de leurs postes de commande et de contrôle et la détermination des cibles d’intérêt militaire.
Cette mise à jour est effectuée par un bulletin intitulé « Mouvements des armées étrangères 13 », envoyé trois fois par mois aux sept régions. La Chine a 22 000 kilomètres de frontières terrestres avec 14 pays, et les relations avec certains d’entre eux sont sensibles, sinon tendues. Tels sont les cas de l’Inde, 3 380 kilomètres de frontières, et du Vietnam, 1 181 kilomètres.
La deuxième section de chaque bureau est chargée du renseignement humain (HUMINT) ; la troisième de l’interception des communications (SIGINT) ; la quatrième de l’électronique du champ de bataille, celle-ci relevant de régiments de reconnaissance spécialisés en guerre électronique à l’échelon du corps d’armée. Un centre d’analyse des données recueillies est établi à l’échelon divisionnaire.
– Les attachés de renseignement affectés par la 3e division dans les services des attachés militaires sont des officiers de l’APL. Leur mission est de recueillir toutes informations de nature militaire sur leur pays d’affectation : forces, armements, hostilités ou tensions de voisinage, capacités de projection, alliances, doctrine, ainsi que de suivre le contexte économique et politique. Leurs rapports, sont, via l’échelon central du D2, destinés à l’état-major général et non au ministère de la Défense. Au sommet de la hiérarchie se trouve le poste d’attaché de renseignement à l’ambassade de Chine à Washington où le séjour du titulaire est de plus longue durée que dans les autres représentations. Les matériaux les plus appréciés y sont les rapports du Congrès et ceux de la Rand Corporation.
L’analyse des renseignements recueillis par les Première et Troisième divisions est du ressort des 4e, 5e et 6e divisions.
– La 4e division est affectée à la Communauté des Etats indépendants et à l’Europe orientale. Cette division recourt surtout aux publications spécialisées, une approche plus directe des données étant rendue difficile par la plus grande efficacité du Service fédéral de sécurité russe (FSB) et de la Direction générale des renseignements (GRU) de l’état-major des forces armées russes, autant que par l’absence d’une diaspora conséquente. Pour suivre les progrès de l’aéronautique russe, la Chine a donc recours au copiage après achat, à l’exemple du Shenyang J-11, production sans licence du Sukhoi SU-27 Flanker.
– La 5e division est chargée des zones géographiques prioritaires : l’Amérique du Nord et l’Europe occidentale. A ce titre, elle est également responsable des relations avec les services de renseignement militaires étrangers, et de l’accueil de leurs visiteurs. Cette division agit éventuellement sous la couverture du Bureau des affaires étrangères du ministère de la Défense, dont le service de presse travaille également en collaboration avec le D2.
– La 6e division, en charge de l’Asie/Pacifique et couplée avec le bureau de Canton de la 1ère division, occupe une place stratégique : les renseignements obtenus puis analysés par ces deux entités sont recoupés par ceux que fournissent le réseau de stations d’écoutes du Troisième département. L’Asie-Pacifique inclut en effet tous les Etats entretenant avec la Chine des relations conflictuelles. Trois de ceux-ci sont liés aux Etats-Unis par des traités de défense : Philippines, Corée du Sud et Japon. Des divers aspects conflictuels sino-japonais, le plus brûlant porte sur l’appartenance des îlots Shenkaku-Diaoyu, en mer de Chine orientale.
Avec les Philippines – auxquelles il faut ajouter Brunei, la Malaisie et le Vietnam -, l’enjeu est constitué par les archipels des Spratleys et Paracels, revendiqués en totalité par la Chine, ce qui a eu pour résultat de pousser le Vietnam à se rapprocher des Etats-Unis. L’autre conflit majeur oppose la Chine à l’Inde sur le tracé des frontières dans l’Himalaya. Enfin, en Birmanie, la Chine travaille à ralentir le processus de démocratisation en cours, redoutant que celui-ci ne favorise un rapprochement indo-birman qui risquerait de la priver à terme d’un débouché sur l’océan Indien et de facilités sur l’île Coco (birmane), située au nord de l’archipel indien des Andaman, où le Troisième département a installé une station d’écoutes ciblant la marine indienne.
– La 7e division est la division technologique, responsable des recherches dans le domaine des armements : en liaison étroite avec le COSTIND 14, elle oriente et planifie le renseignement en fonction des besoins militaires. Ses cibles sont les innovations étrangères en matière d’armements. Les renseignements procurés par cette division ont joué un rôle déterminant dans le rattrapage du retard en R&D militaire chinois, rattrapage dont la rapidité inquiète le renseignement naval américain, soucieux du maintien de la supériorité de la marine des Etats-Unis dans les mers de Chine.
Plusieurs centres de recherches relèvent de la division :
. Le Centre 58 conçoit les équipements d’espionnage, réalisés ensuite par les usines Seagull d’équipements électroniques (Haiou dianzi shebei chang 15) de Shenzhen et Suzhou, ainsi que par l’usine d’équipements électroniques de Pékin.
. Les recherches informatiques sont conduites par le Centre 57 de recherches informatiques de l’Université Jiaotong de Pékin, et un centre propre à la 7e division.
– Le commissariat politique gère le fichier du personnel, il contrôle les aptitudes idéologiques des officiers et sous officiers, c’est-à-dire leur fiabilité politique, et valide les propositions d’avancement.
Au plan administratif, le fonctionnement du D2 s’appuie sur divers services :
– les collections de revues nationales et étrangères militaires et d’armements sont conservées par celui des archives, également chargé des traductions ;
– le service de protection du secret, qui est chargé de la transmission des documents confidentiels et la détermination du degré de leur confidentialité (zhiding midi 16) ;
– le service de la garde, qui assure la sécurité des membres de la Commission militaire centrale et des directeurs de départements de l’APL. Tous les officiers de ce service ont une compétence judiciaire ;
– enfin, les services de l’intendance, de l’assistance logistique, des transports, de l’équipement de bureau, des loisirs et de la restauration.
La formation linguistique des agents du D2 est assurée par l’Institut des langues étrangères de l’APL (Jiefangjun waiguoyu xueyuan) à Pékin, leur formation politique s’effectue sur un des deux sites de l’Institut des relations internationales de l’APL (Jiefangjun guoji guanxi xueyuan), à Nankin ou Luoyang.
– Le China Institute for International Strategic Studies (CIISS) (Guoji zhanlüe yanjiu xuehui 17) est le Think Tank du D2.
Bien qu’antérieur au Center for Contemporary International Relations du ministère de la Sécurité d’Etat, il n’en possède cependant pas la notoriété, surtout à l’étranger, cela étant dû sans doute au caractère civil du CCIR qui le rend plus recevable par les institutions universitaires, moins préoccupées des questions de stratégie militaire et d’armements auxquelles est voué le CIISS.
Dix neuf projets sont actuellement portés par les équipes de recherche du CIISS, dont la moitié sur les relations sino-américaines. Six concernent explicitement l’« Evolution de la stratégie américaine en Asie/Pacifique et contre-mesures chinoises 18 » ; et six autres, les intérêts stratégiques américains dans la région : Inde, Afghanistan, mer de Chine du Sud (deux projets), Etats voisins de la Chine et Corée du Sud.
Le CIISS abrite une centaine de chercheurs, dont soixante présentés sur son site internet, ceux-ci sont répartis en huit départements :
- International et recherches stratégiques.
- Développement et économie mondiale
- Etudes américaines
- Asie/Pacifique
- Europe occidentale
- Pays en voie de développement
- Europe orientale-Asie
- Echanges internationaux.
La répartition des domaines de recherche a conservé la division de l’Europe en deux blocs, correspondant aux départements cinq et sept, division remontant à l’époque révolue de l’Empire soviétique, qui ne tient pas compte du basculement vers l’ouest de l’Europe centrale consécutive aux adhésions à l’Union européenne (Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque et Slovaquie en 2004, Bulgarie et Roumanie en 2007).
Cette répartition est identique à celle des bureaux de renseignement opérationnels de la 1ère division, ainsi qu’à celle des divisions d’analyse (cf. supra)… sans que nous puissions déterminer s’il s’agit de nostalgie, d’apathie bureaucratique ou d’attente d’un retour à l’ordre ancien. A moins que le maintien de cette répartition ne corresponde à celle du maintien en activité des réseaux de renseignement établis d’après la répartition des Etats européens du temps de la Guerre froide.
A titre d’exemple, un article d’août 2012, signé Wang Qiang, paru dans la revue du CIISS, China international Studies, est consacré aux changements d’influence et de standing international de l’Union européenne, et aux contre-mesures décidées par la Chine face à ces changements, mesurés ceux-ci, à l’aune de la crise de la dette, laquelle aurait, selon l’auteur : « abouti à une politique plus agressive – intervention européenne en Libye et établissement de la taxe carbone – dans le domaine des affaires internationales, démontrant ainsi la volonté de l’UE de poursuivre et renforcer l’occupation d’une position dominante dans la gouvernance économique globale et la sécurité internationale ». C’est sans doute dans cette perspective qu’il convient de considérer le soutien chinois à la Russie face à l’UE et aux Etats-Unis dans la crise ukrainienne.
Les différentes catégories d’opérateurs
L’activité du D2 est assurée par trois catégories d’agents :
- ceux qui travaillent en secret (mignon 19). Ils sont dits « intérieurs » (neige 20) et constituent le personnel du département. Ils correspondent à la deuxième des cinq catégories d’agents distingués par Sunzi dans l’article 13, « L’utilisation des espions», de son Art de la guerre (Sunzi bingfa dishisan : yongjianpian 21) soit, les « agents de l’intérieur » (neijian 22) 23 ;
- ceux qui « fournissent » (shanggan 24). Ce sont des agents extérieurs répertoriés dans les bases de données informatiques du D2 ;
- et les immergés (guakao 25), qui ne sont pas répertoriés dans ces bases.
La quasi-totalité des agents chinois à l’étranger convaincus d’espionnage, puis jugés et condamnés pour cette activité, appartiennent aux catégories « fournisseurs » et « immergés ». Les bases de données de la presse chinoise, de Taiwan et de la diaspora 26, ne mentionnent pas d’implication officielle d’agents intérieurs, lesquels n’apparaissent qu’à l’occasion de rares défections.
Les « fournisseurs » comptent nombre de retournés, sino-américains et taiwanais surtout. « Le souverain doit – écrit Sunzi – tout connaître des cinq types d’espions. Cette connaissance provient principalement des agents retournés, c’est pourquoi il convient de traiter généreusement ceux-ci 27 ». Leur efficacité s’est, en effet, avérée indéniable : ils ont organisé le plus grand transfert de technologie sans frais de l’histoire contemporaine, et son corollaire, la plus grande économie d’investissement en R&D permise par ce transfert : « Voici comment un pays du tiers-monde a pu utiliser la technologie de la plus grande puissance mondiale afin d’établir sur celle-ci sa domination économique et peut-être stratégique. Supposez quelqu’un affirmant, en 1970, que la Chine opérerait un tel renversement ; celui-ci a été réalisé avec un investissement scientifique réduit au minimum, au moyen du piratage technologique, en siphonnant les découvertes et innovations étrangères pendant que le monde restait passif, sauf l’industrie de la musique très préoccupée du piratage des CD 28 ».
- 陆军 ↩
- 情报部 ↩
- 机械部 ↩
- Principal acolyte de Jiang Qing, l’épouse de Mao, mort en 1975, exclu du Parti communiste à titre posthume. ↩
- Insurrection communiste réprimé par le Guomindang, ce qui mit fin au Front uni ; André Malraux s’en inspira pour son roman La condition humaine. ↩
- Le programme nucléaire dirigé par le Maréchal Nie Rongzhen obtint et conserva, jusqu’à la mort de Mao, la priorité des allocations de ressources au détriment des armes conventionnelles (Feigenbaum, Evan A., China’s Techno Warrior, National Security and Stratégic Competition from the Nuclear to the Information Age, Stanford UP, 2003, p. 14 et 36). ↩
- Le 31e corps, qui relève à la région militaire de Nankin, est un corps particulier, et en exercer le commandement en second n’est pas anodin. Basé sur l’île de Xiamen, le 31e fait face à l’île de Jinmen tenue par les forces de Taiwan depuis la guerre civile, suite à l’échec, de triste mémoire d’une opération de l’Armée populaire de libération
En octobre 1949, les armées de Tang Kai-shek, vaincues, avaient été repoussées vers le littoral et s’embarquaient pour Taiwan. Chassées de l’île de Xiamen (Amoy), à quelques encablures de la côte du Fujian, elles tenaient Jinmen (Quemoy) sa voisine distante de 2,25 milles marins. Le 26 octobre 1949, ordre fut donné à la 82e division du 28e corps de l’Armée rouge de franchir le détroit séparant les deux îles et de s’emparer de Jinmen. La bataille dura trois jours, mais les assaillants ne parvinrent pas à consolider leur tête de pont et ne purent être renforcés. Au contraire, la supériorité de feu des forces nationalistes, bien retranchées, contraignit les survivants à la reddition le soir du troisième jour. L’état-major de l’Armée rouge dut renoncer à poursuivre l’opération, et la 92e division du 31e corps prévue en renfort resta l’arme au pied. La douloureuse mémoire de cette défaite est entretenue et l’esprit de revanche est exalté au 31e par le commissariat politique aux armées. Le passage au 31e correspond donc à un stage de nationalisme renforcé. ↩ - 中国国际战略学会 : Zhongguo guoji zhanlüe xuehui, subordonné au D2. ↩
- Bingshan yijiao 冰山一角, Boxun, 23 janvier 2015 ↩
- http://blog.boxun.com/hero/yuanhua/5_1.shtml ↩
- Missions spéciales (Tewu, 特务) ou missions de renseignement secrètes (Mimi diebao xingdong 秘密谍报行动). ↩
- Stratégiquement, la plus importante des régions militaires est celle de Pékin, chargée d’assurer la sécurité des institutions et le maintien au pouvoir du parti, comme l’a démontrée son intervention meurtrière et décisive du 4 juin 1989 sur la place Tiananmen. L’actuel chef d’état-major général, Fang Fenghui, était auparavant commandant de la région militaire de Pékin, après avoir fait ses preuves dans celle de Lanzhou. Celle-ci, qui inclut la préfecture militaire du Xinjiang, est en effet la plus sensible avec celle de Chengdu qui inclut la préfecture militaire de Lhassa, donc le Tibet. La RM de Nankin cible Taiwan. ↩
- 外军动态Waijun Dongtai. ↩
- Administration d’Etat pour la science, la technologie et l’industrie de défense, 国防科学技技术工业委员会 : Guofang kexue jishu gongye weiyuanhui. ↩
- 海鸥电子设备厂. ↩
- 制定密集 ↩
- 国际战略研究学会 : http://www.ciis.org.cn/chinese/node_520581.htm ↩
- Juillet 2012, Wang Qiang : « Depuis l’application du slogan « Pivot vers l’Asie », les Etats-Unis ont profité des facteurs d’instabilité pour intervenir dans les affaires de la région, y renforçant ses alliances et attirant de leur côté des Etats voisins de la Chine. Certains états d’Asie/Pacifique ont même, en collusion avec les Etats-Unis, tenté d’exercer des pressions sur la Chine. Les relations avec certains voisins de la Chine en ont souffert, et l’environnement relationnel chinois s‘est détérioré. Le maintien de l’équilibre avec ses voisins et avec les Etats-Unis est devenu pour la Chine une question stratégique exigeant une attention immédiate » ↩
- 密工 ↩
- 内的 ↩
- 孫子兵法第十三用間篇http://grn.5000.com.tw/4sunziswords.htm ↩
- 有內間 ↩
- Sunzi y ajoutait les agents d’influence (youyinjian), retournés (youfanjian), sacrifiés (yousijian) et les agents qui doivent vivre (youshengjian). 有鄉間,有反間,有死間,有生間 ↩
- 商干 ↩
- 挂靠 ↩
- Boxun, en utilisant les mots clés Qingbao (情报, renseignement) – 1100 références – et Jiandie (间谍, espion) – 1300 références. En cours d’exploitation. ↩
- 五間之事,主必知之,知 之必在於反間,故反間不可不厚也。Wujian zhi shi, Wang bi zhi zhi, zhi bi zai yu fandian, gu fandian gu fandian buke bu hou ye. ↩
- Hannas, William C., Mulvanon, James, Puglesi, Anna B., Chinese Industrial Espionage, Technology acquisition and military modernization, Routledge, 2013, Introduction. ↩