Un ballon lancé par des radio-amateurs américains parmi les objets non identifiés abattus par l’US Air Force
Alain CHARRET

Depuis l’avènement d’internet et du tout satellitaire, les transmissions radioélectriques classiques ont quasiment disparu. Difficile pour la jeune génération de s’imaginer qu’au début des années 1980 les communications d’un continent à l’autre se faisaient avec un émetteur-récepteur nécessitant une antenne relativement imposante et que l’établissement de la liaison pouvait être difficile et prendre du temps. Ne parlons pas non plus de la qualité qui était parfois très médiocre, ce qui nécessitait des opérateurs aux oreilles particulièrement sensibles. Aujourd’hui il suffit de sortir un smartphone de sa poche et d’utiliser une application pour pouvoir communiquer avec la terre entière, et cela instantanément. Cet usage est tellement répandu que les services officiels et même les forces armées ont abandonné l’utilisation de la radio classique pour utiliser le numérique et un savant mélange d’internet et de stations satellitaires. À tel point qu’on en oublie la vulnérabilité du procédé tributaire d’un câble de fibre optique traversant les océans et/où d’imposantes antennes paraboliques. Des câbles qui peuvent être sabotés et des antennes pouvant faire l’objet d’actes de malveillance, voire de frappes ennemies. Sans parler bien évidemment du risque de cyberattaques qui ne cesse de croître.
Il existe cependant encore des nostalgiques de l’ancienne époque, ou des gens prudents faisant en sorte d’être en mesure de palier aux défaillances du système actuel en cas de crise, ou tout simplement des passionnés qui continuent à explorer les ondes radioélectriques. Si plus personne n’est surpris par l’établissement d’une liaison radio avec un correspondant aux antipodes, l’internet ayant largement vulgarisé la chose, les radio-amateurs continuent à mener leurs propres recherches et expériences dans le domaine spatial avec la mise en orbite de satellites exclusivement dédiés aux amateurs, mais également avec l’utilisation de « PICO ballons ». Ces ballons d’un diamètre généralement inférieur à un mètre emportent de petits panneaux solaires permettant d’alimenter des modules très simples destinés à transmettre des données télémétriques, parmi lesquelles leur position en temps réel ; le tout ne pèse généralement pas plus de quelques dizaines de grammes. Bien que rudimentaires, ces ballons sont capables de faire plusieurs fois le tour de la terre avant de retomber. Ce type d’aérostat de petite dimension et très léger, évolue généralement à très haute altitude et ne représente aucun danger pour la circulation aérienne.
Bien que privilégiant la radio, ces passionnés savent également utiliser les ressources technologiques modernes. Ainsi les données diffusées par ces ballons sont compilées et analysées. Elles servent ensuite à alimenter un site internet accessible librement qui permet leur suivi en temps réel[1].
Un site dont l’existence semble être ignorée par le NORAD[2] ainsi que par l’US Air Force. Car, comme l’indiquent plusieurs articles de presse évoquant les tirs de missiles contre des objets non identifiés, au moins un des objets en question n’était autre qu’un de ces « PICO ballons » lancé par des Américains[3]. D’ailleurs John Kirby lui-même – le porte-parole du Pentagone – a fini par reconnaître qu’un ou plusieurs des objets abattus étaient utilisés pour la recherche par des « privés » et que bien sûr ils ne représentaient aucun danger militaire ni aucun risque pour la Sécurité nationale.
Le fait qu’un « PICO ballon » coûte à peine plus d’une centaine de dollars et que le missile l’ayant abattu en coûte, lui, plusieurs centaines de milliers, se passe de commentaires.
[1] https://amateur.sondehub.org
[2] Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord
[3] https://aviationweek.com/defense-space/aircraft-propulsion/hobby-clubs-missing-balloon-feared-shot-down-usaf