Turquie : un Marocain ayant demandé à une caissière ce porter le voile en instance d’expulsion
Alain RODIER
Selon le Turkish Daily News, un citoyen marocain filmé dans un supermarché du quartier d’Esenyurt d’Istanbul en train d’essayer de convaincre une caissière de porter en voile a été arrêté par la police à la mi-décembre.
Toujours selon le Turkish Daily News, Marouane El Alagui aurait apostrophé la caissière en déclarant : « ils vendent de l’alcool et des cigarettes dans ce supermarché. Normalement, vous n’êtes pas obligée de montrer vos cheveux. C’est un péché. Pourquoi le faites-vous ? ».
Une femme qui assistait à la scène qu’elle a filmé avec son téléphone portable l’aurait alors interpelé en ces termes : « ici, c’est la République de Turquie ? Êtes-vous au courant ? ». Il lui aurait alors répondu : « je sais où je suis. Merci à Dieu mais c’est une terre d’Islam ici ; vrai ? ». La femme lui alors crié : « nous vivons dans un pays démocratique… ».
Il a été arrêté par la police après que la diffusion du film de l’altercation ait été diffusée sur les réseaux sociaux. Il est actuellement retenu au centre de détention de Tuzla en attente de son extradition.
L’enquête a démontré qu’il n’en n’était pas à son coup d’essai ayant déjà harcelé une autre caissière dans les mêmes conditions. Les charges retenues contre lui sont : « provocation du public par un discours agressif et haineux ».
Ce fait divers qui peut sembler anodin est toutefois significatif. La police – surtout en Turquie – ne fait rien sans en avoir reçu l’ordre venant du pouvoir politique.
Il est certain que Recep Tayyip Erdoğan est parvenu au pouvoir au début des années 2000 grâce à l’islam politique discrètement infiltré depuis les années 1990 par les Frères musulmans, en en particulier via le réseau Gülen. Cela lui a permis de prendre, et surtout, de conserver le pouvoir en s’appuyant sur une base électorale populaire importante. La confrérie Gülen lui a servi à neutraliser le « risque militaire » avant d’être elle-même écartée car ayant pris trop d’importance devenant à son tour un risque pour son pouvoir très personnel.
À la veille de l’élection présidentielle de 2023 à laquelle il compte bien participer sauf accident (de santé), il retrouve un « fondamental » de la Turquie moderne créée par Mustafa Kemal Atatürk en 1923 : un nationalisme sourcilleux qui fait abstraction de beaucoup de choses dont – surprise pour nombre d’observateurs – l’islam politique… mais aussi des libertés individuelles qui sont bafouées régulièrement.
Cet incident est donc révélateur de l’état d’esprit d’Erdoğan qui il ne tolère aucune ingérence dans sa politique, même venant de l’islam politique.