Tunisie : neutralisation d’un groupe d’islamistes radicaux
Alain RODIER
Le 3 janvier 2007, un groupe d'islamistes radicaux était neutralisé dans la région de Tunis après une traque d'une dizaine de jours.
Les affrontements avaient débuté le 23 décembre dans la localité d'Hammam-Lif située en grande banlieue sud de Tunis. Deux membres du groupe avaient été abattus et deux autres étaient appréhendés. Une importante chasse à l'homme s'ensuivait qui trouvait son épilogue dans la ville de Solimane, à 40 km de la capitale tunisienne, dans la région du Djebel Ressas. Les membres du groupe qui s'étaient réfugiés dans un immeuble inoccupé ont alors été délogés par les forces de sécurité. Le bilan total est de 12 terroristes tués et de 15 autres arrêtés.
Selon les versions, il s'agit de « criminels de droit commun », liés au trafic de drogue, ou de « terroristes ». Cette confusion n'est pas étonnante quand on connaît les liens d'intérêts qui unissent souvent les mouvements islamiques et les organisations criminelles transnationales (OCT). En ce qui concerne la Tunisie, les deux délits les plus courants pratiqués par les mouvements terroristes et les OCT (essentiellement pilotés par les mafias italiennes) sont : le trafic d'êtres humains (acheminement de clandestins vers l'Europe) et la drogue. Toutefois, cette coopération reste strictement circonstancielle, les objectifs des islamistes et des OCT étant fondamentalement différents : les premiers souhaitent étendre le Djihad, les seconds, faire de l'argent facile.
En ce qui concerne les membres du groupe qui ont été neutralisés, il est très probable qu'il s'agit d'islamistes radicaux ; en effet, les criminels de droit commun ne possèdent pas les moyens dont ils étaient dotés. Des rumeurs font état de leurs liens avec le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien, auquel ils apportaient une aide logistique. Cela démontrerait pour la première fois que ce mouvement terroriste algérien possède des bases arrières en Tunisie. Ces dernières lui apporteraient des fonds et serviraient d'officines de recrutement et de lieux de transit à destination de l'Europe. Cela n'a rien d'étonnant étant donné la proximité de sa zone d'action prioritaire, qui est l'Est algérien, à proximité de la frontière tunisienne. Si Tunis l'autorise, des précisions quant à l'appartenance de ces activistes devraient être connue après l'interrogatoire des personnes arrêtées. Cependant, il est aussi possible que le pouvoir tunisien ne souhaite pas reconnaître que ce groupe était islamique et s'en tienne, pour des raisons de politique intérieure, à sa première version de simples « criminels ».
Les principaux mouvements islamiques tunisiens
Le mouvement islamique tunisien le plus connu est En-Nahda (La renaissance) de Rached Ghanouchi, actuellement réfugié à Londres. Peu actifs sur un plan strictement opérationnel, les activistes dissimulés au sein de l'importante diaspora présente en Europe, continuent néanmoins à appuyer la révolution islamique. Ainsi, des membres d'En-Nahda ont participé à l'assassinat du commandant Massoud en Afghanistan, en septembre 2001. Les ordres provenaient directement du Majlis al-Choura (conseil consultatif), l'organisme de direction d'Al-Qaida.
D'autres groupuscules sont actifs en Tunisie :
- le Harakat Al Ansar Al Islamiya (Mouvement des partisans islamiques), présent au sein de certaines universités. Lié aux Iraniens, ce mouvement n'a revendiqué aucune action armée depuis 1991 ; la situation pourrait évoluer dans un avenir proche dans le cadre du conflit larvé qui oppose actuellement Téhéran aux Occidentaux ;
- le Al-Jabha al-Islmaiya al-Tounsiya (Front islamique tunisien), dont le chef Ali Ben Tahir est actuellement incarcéré en Tunisie. Ce mouvement aurait apporté son soutien aux GIA algériens et à Al-Qaida lors de l'attentat de Djerba le 21 avril 20021;
- le Jama'a combattante tunisienne (Groupe tunisien combattant/GTC), créée par Tarek Maaroufi (incarcéré en Belgique) et Saifallah Ben Hassine. Ce mouvement est associé à Al-Qaida et ses activistes auraient participé à l'assassinat du commandant Massoud ;
- l'Association des intellectuels libres pour les libertés et contre le colonialisme (Fifanec), dont le chef, Saïd Ferjani, vît à Londres.
De nombreux djihadistes internationalistes d'origine tunisienne ont été identifiés en Irak et en Algérie, où ils souhaitaient rejoindre le GSPC qui recrute nombre d'étrangers pour pallier au manque de volontaires locaux. Un certain nombre sont également présents dans des cellules clandestines implantées en Europe, notamment en France et en Italie.
Irak
En 2004, une cellule clandestine chargée de recruter des volontaires pour le djihad est démantelée en Tunisie. Son chef, Mohamed Bajouba, qui appartient au mouvement Ansar-al-Islam, est condamné à 20 années de réclusion en juillet 2005.
Le 4 juillet 2005, les autorités irakiennes appréhendent le Tunisien Imad Nassar Ahmed Amarah, qui est chargé de la logistique de kamikazes dans la région de Mossoul. La veille ce sont 34 volontaires tunisiens qui sont arrêtés par les autorités syriennes à proximité de la frontière irakienne.
En mai 2006, un Tunisien du nom d'Abdul Rehman Saifuddin est appréhendé au Waziristan, à la frontière afghane. Il est suspecté appartenir à Al-Qaida et d'avoir voulu pénétrer en Afghanistan pour rejoindre les Taliban.
A la mi-juin 2006, Yousri Fakher Mohamed Ali – alias Abou Qoudama – un activiste affilié à Al-Qaida, est arrêté au nord de Bagdad. Il lui est reproché d'avoir participé à l'attentat contre la mosquée chiite de Samarra, le 22 février de la même année. Il agissait sous les ordres de l'Irakien Haitham Sabah Shaker Mohamed al-Badri, toujours en fuite.
Algérie
En avril 2005, six djihadistes tunisiens étaient appréhendés à Annaba, une ville située à 500 km à l'est d'Alger. Ils faisaient tous partie d'un réseau de soutien au GSPC.
Dans la nuit du 28 au 29 décembre 2006, deux Tunisiens sont interpellés près de Meftha, au sud d'Alger, alors qu'ils tentaient de rejoindre un groupe du GSPC.
Europe
En Italie, quatre Tunisiens – Abdaoui Youssef, Habib Ben Hamed Loubiri, Kamel Darraji et Mohamed Ben Abdelhedi – ont été condamnés à des peines de prison après avoir été arrêtés, en 2002, au nord-ouest de Milan. Il leur est reproché d'avoir soutenu le GSPC dans la péninsule italienne.
Ihsan Garnaoui est arrivé en Allemagne en 2003 afin de mettre sur pied une cellule clandestine dont l'objectif était de provoquer un attentat de masse à Berlin. Heureusement, il a été arrêté avant d'avoir pu mettre son projet à exécution.
Conclusion
D'autres mouvements d'opposition non islamistes sont interdits en Tunisie. Le plus important est le Congrès pour la République dont le chef Munsef Al-Marzouqi, est rentré à Tunis le 21 octobre 2006.
Actuellement, en raison de la forte pression policière, des divisions internes importantes régnent au sein des mouvements d'opposition. De plus, parce que la population ne leur accorde pas sa confiance, les islamistes ne sont pas en mesure de représenter une menace importante pour le pouvoir du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali. Par contre, de nombreux citoyens d'origine tunisienne constituent la « piétaille » pour les mouvements islamistes radicaux transnationaux dont Al-Qaida. Ils sont également très présents au sein du GSPC, non seulement en Algérie même, mais aussi en Europe occidentale et plus particulièrement en France, en Italie et en Belgique.
- 114 Allemands, 5 Tunisiens et 2 français avaient été tués lors de cet attentat suicide commis par Nazar Nawar contre la synagogue de la Ghriba.