Syrie : une arme de collection aux mains des rebelles
Alain RODIER
Le conflit syrien est le théâtre d’emploi d’armes de toutes natures, généralement très modernes comme les missiles antichars TOW[1], tant redouté des forces loyalistes. Parfois, certaines curiosités apparaissent : ce sont de véritables « reliques » datant d’autres époques.
C’est ainsi que l’on peut voir dans les mains de certains rebelles un fusil d’assaut allemand datant de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit du Sturmgewer 44 (StG-44) aussi appelé Maschinenpistol 43 et 44. Cette arme avait été développée par les nazis afin d’apporter une puissance de feu accrue à leur infanterie combattant sur le front de l’Est. Il s’agissait de la première arme individuelle pouvant tirer par rafales avec une culasse calée, ce qui augmente la précision du premier coup par rapport aux pistolets mitrailleurs tirant culasse ouverte, sans compter la puissance et la portée accrues par l’emploi d’une munition de fusil. En avance sur son temps, cette arme remplaçait avantageusement le couple de grenadiers voltigeurs armés, pour l’un, d’un fusil, et pour l’autre, d’un pistolet mitrailleur. Une telle solution est restér en vigueur dans l’armée française jusqu’à l’apparition du FAMAS dans les années 1980. Une munition spéciale avait été adoptée pour StG-44 : le 7,92x33mm. Elle avait une portée efficace inférieure à celle des fusils de guerre mais était suffisante dans la mesure où les engagements d’infanterie avaient très majoritairement lieu à moins de 300 mètres. Le Stg 44 fut distribué à 300 000 exemplaires – notamment dans les unités de Waffen SS – mais, à l’instar des « armes nouvelles » comme les V1, V2 ou l’avion à réaction Messerschmitt Me 262 Schwalbe – dans lesquels Adolf Hitler plaçait beaucoup d’espoirs – ils n’ont pas permis d’inverser le cours de la guerre.
Comment ces armes se sont retrouvées en Syrie ?
La brigade Al-Tawhid[2] – qui, était alliée en 2012 à l’Armée syrienne libre (ASL) -, est à Alep tombée sur un dépôt constitué de 5 000 fusils d’assaut qu’elle a d’abord confondu avec des Avtomat Kalachnikova 47 (AK-47). Bien qu’il y ait une certaine ressemblance entre ces deux armes, leur fonctionnement est profondément différent. Mais la légende selon laquelle l’ingénieur Mikhaïl Timofeïevitch Kalachnikov s’est inspiré du StG-44 pour concevoir l’AK-47, le fusil d’assaut le plus diffusé sur la planète, est toujours vivace.
Les StG-44 ont été distribués après la guerre par l’URSS à la Yougoslavie et à l’Allemagne de l’Est. Dans ce dernier pays, ils équipaient en particulier les hommes de la Volkspolizei (Vopo) chargés de garder le Rideau de fer. Si beaucoup de StG-44 ont été récupérés directement sur le terrain, 200 000 unités flambants neuves restaient disponibles dans les arsenaux allemands, n’ayant pas encore eu le temps d’être distribués aux troupes sur le terrain. A noter que les autorités soviétiques ont fait marteler les marquages nazis sur les armes fournies aux pays destinataires. Les derniers à être en service, en particulier en Yougoslavie, ont été remplacés au début des années 1980. Si une partie de ces armes a été stockée en réserve de mobilisation, de nombreux lots ont été vendus au prix de la ferraille à des pays amis du Proche-Orient, dont la Syrie et l’Irak, ainsi qu’en Afrique. Fort logiquement, la production de la munition s’est interrompue dans les pays d’origine à la même époque, mais a repris, particulièrement en Syrie, au moins jusque dans les années 1990.
Si la fiabilité de l’arme, dans la mesure où elle est correctement entretenue, ne pose pas de problème important, la disponibilité des chargeurs et surtout des munitions en constante diminution – elles ne sont plus fabriqués depuis des décennies – laisse à penser que l’on verra de moins en moins cette arme sur le champ de bataille. Elle rejoindra la cohorte des armes de collection que l’on trouve encore en Syrie (fusil 98K, Mauser G-41, Walther G-43, fusil mitrailleur FG-42, etc.), sachant qu’un exemplaire en bon état se négocie autour de 30 000 dollars aux Etats-Unis !
[1] Si les Américains ont autorisé la livraison de missiles antichars via l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, ce n’est pas le cas pour les missiles antiaériens. La peur qu’ils ne tombent dans de « mauvaises mains » qui pourraient les utiliser dans des actions terroristes dirigées contre les Occidentaux est trop grande.
[2] Important groupe rebelle allié à l’origine à l’ASL avant de rejoindre le Front islamique de libération syrien (FILS) en 2012, puis de se dissoudre au sein du Front islamique (FI) en 2013.