Somalie/Yémen : les risques pour la navigation dans le golfe d’Aden s’étendent à la mer Rouge
Alain RODIER
Si les actes de piraterie maritime ont globalement diminué dans le golfe d’Aden depuis plusieurs années, grâce au déploiement de la force navale européenne (EUNAVFOR) Atalante[1], aux initiatives de certains États qui y ont dépêché des navires de guerre[2], ou à la présence de gardes armés et de moyens d’autodéfense sur certains navires, ils n’ont pas totalement cessé. Cinq ont ainsi été répertoriées entre le 1er octobre 2017 et le 1er octobre 2018.
Selon l’ONU, en Somalie, quatre principales bandes de pirates sont à l’affût toute opportunité qui leur permettrait de reprendre leurs exactions navales. En attendant, elles vivent de différents trafics (charbon, armes, êtres humains, etc.). Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a même affirmé que les « causes profondes » de la piraterie au large de la Somalie n’ont pas disparu car les réseaux qui permettent ensuite le blanchiment des rançons soutirées sont toujours « actifs ».
À titre d’exemple, des pirates ont attaqué le 16 octobre 2018 le vraquier MV KSL Sydney battant pavillon de Hong-Kong à 340 nautiques des côtes somaliennes. Heureusement, la présence de gardes armés à bord a permis de repousser l’assaut. Un avion de patrouille maritime P3M Orion appelé à la rescousse a ensuite repéré un baleinier suspect. Arraisonné par le navire d’assaut amphibie espagnol Castilla alors qu’il tentait de se réfugier le long de la côte somalienne, les autorités ont découvert qu’il s’agissait d’un « bateau-mère ». Il a alors été convoyé en haute mer où il a été sabordé.
Les shebab somaliens, qui ne dédaignent plus ce moyen de combat, sont également passés à l’action le 22 juillet dernier en attaquant le cargo Alpha Kirawira. Cela « témoigne de la volatilité des conditions de sécurité de l’espace maritime somalien » estime le dernier rapport de l’ONU.
Fait nouveau, les actes de perturbation du trafic maritime s’étendent désormais à la mer Rouge. Au moins quatre tirs de missiles, dont la responsabilité a été attribuée – sans trop de risques d’erreur – à des rebelles houthis, ont été effectués, ciblant des navires saoudiens et des Émirats arabes unis (naviguant au large du Yémen, sans compter les attaques d’embarcations rapides transformées en drones marins.
Des documents photographiques ont montré que certains rebelles houthis étaient épaulés par des instructeurs étrangers qui leur enseignaient des savoir-faire amphibies. Or, les pasdarans iraniens et le hezbollah libanais sont deux structures « amies » des houthis qui possèdent des compétences dans ce domaine. La crainte est qu’ils ne mettent en oeuvre des mines marines improvisées (Marine-Borne Improvised Explosive Device/MBIED[3]) ou des engins d’origine iranienne (mines à contact, magnétiques ou acoustiques) qui pourraient être déployés clandestinement à partir de dhaw (boutres) ; très nombreux sur zone. D’ailleurs, les houthis ont officiellement présenté en octobre 2018 une mine marine fabriquée localement : la Mersad (embuscade). Les Saoudiens, qui alertent sur ce sujet depuis 2017, ont affirmé en avoir trouvé des dizaines depuis deux ans et la marine des Emirats en aurait détruit treize rien qu’en novembre dernier.
Ainsi, tous les bâtiments naviguant à proximité des côtes somaliennes ou yéménites risquent de se trouver pris dans des attaques conduites par des pirates ou des rebelles. Les premières prennent la forme d’abordages ayant pour but de prendre en otages les équipages et les cargaisons ; les secondes ont pour objectif la destruction des navires. Si des mines marines étaient déployées, tous les navires pourraient en être les victimes car – sauf à de rares exceptions près qui nécessitent l’intervention d’opérateurs -, elles ne choisissent pas leurs cibles. Il est donc recommandé actuellement de croiser à plus de 50 milles nautiques (92 kilomètres) des côtes yéménites.
[1] Atalantese compose de la frégate italienne Federico Martinengo, du navire d’assaut amphibie espagnol Castilla et d’un avion de patrouille maritime. Son mandat a été prolongé cet été jusqu’en décembre 2020.
[2] En particulier l’Inde, la Chine et même l’Iran, de manière très ponctuelle.
[3] Les MBIED ne son pas récentes. Elles ont été employées pendant la guerre d’Indochine par les Vietminhs, puis lors de celle du Vietnam par les Vietcongs, durant la première guerre du Golfe par les Irakiens, par les Tigres Tamouls au Sri Lanka, par l’IRA et par les Palestiniens.