Somalie : présence d’un combattant internationaliste americain
Alain RODIER
Depuis 2006, les services de renseignement américains ont noté un accroissement notable de l'afflux de volontaires occidentaux qui tentent de rejoindre Al-Qaida au Pakistan. Un nouvel exemple vient illustrer ce phénomène.
Les déclarations d'Abou Mansour
Un combattant islamiste internationaliste de nationalité américaine participerait à l'entraînement des membres des milices Harakat Al-Shabab Al-Mujahideen, un des principaux bras armés des mouvements fondamentalistes musulmans somaliens dépendant initialement de l'Union des tribunaux islamiques (UTI).
Il porte le pseudonyme de Abou Mansour Al-Amriki. Il reconnaît comme maîtres à penser Oussama Ben Laden et son adjoint, le docteur Ayman Al-Zawahiri. Il va jusqu'à revendiquer l'héritage d'Abou Moussab al-Zarqaoui, le chef sanguinaire d'Al-Qaida en Irak tué le 7 juin 2006.
Abou Mansour s'est directement rendu en Somalie depuis les Etats-Unis. Il se prétend ancien militaire. Sa photo laisse entrevoir qu'il est relativement jeune. Il parait être un islamique convaincu ayant reçu une formation idéologique approfondie.
Il rejoint ainsi un autre Américain, Adam Yahiye Gadahn – alias Azzam l'Américain – qui est devenu l'un des porte-parole officiels d'Al-Qaida. Ce dernier résiderait dans les zones tribales pakistanaises où se trouve la direction d'Al-Qaida.
Selon les déclarations d'Abou Mansour, les milices Shabab auraient rompu les liens avec la direction de l'UTI. En effet, les jeunes moudjahiddines reprocheraient à ce mouvement d'avoir une vue trop « nationale » de la lutte et de ne pas l'intégrer dans un objectif plus large qui, selon l'enseignement d'Oussama Ben Laden, prévoit la création d'un califat mondial. A noter que les Shabab ont directement menacé en janvier d'attaquer les capitales africaines qui participent au maintien de la paix en Somalie (Kampala pour l'Ouganda et Bujumbura pour le Burundi) ainsi qu'Addis Abbeba (Ethiopie), dont le corps expéditionnaire est actuellement le seul garant du maintien du Gouvernement fédéral de transition (GFT) au pouvoir. Toutefois, rien n'est venu concrétiser ses menaces.
Plus curieux, il affirme que si l'Erythrée est bien la zone refuge pour l'UTI[1], ce pays aurait refusé la présence de combattants internationalistes. Il critique d'ailleurs le peu de soutien qu'apporte l'Union des tribunaux islamiques aux djihadistes étrangers.
Il est difficile actuellement de savoir si Abou Mansour parlait au nom du chef des Shabab, Adan Hashi Ayro, qui aurait été tué lors d'une opération américaine le 1er mai 2008. Si c'est le cas, cela constituerait une partition importante du mouvement islamique en Somalie dont le GFT pourrait profiter pour rallier certains responsables religieux à sa cause.
Les volontaires occidentaux d'Al-Qaida
La présence de plus en plus importante de combattants d'origine occidentale au sein de la nébuleuse Al-Qaida, inquiète au plus haut point les autorités américaines et européennes. En effet, ces djihadistes passent plus facilement les contrôles policiers et pourraient ainsi mener des attentats terroristes aux Etats-Unis et en Europe.
Parallèlement, la nébuleuse initiée par Ben Laden choisirait des activistes pouvant avoir une apparence occidentale pour les entraîner à mener des actions terroristes à l'étranger. Mais il est possible que la confiance accordée aux « nouveaux convertis » ne soit pas très importante. En effet, les activistes d'Al-Qaida craignent d'être infiltrés par les services secrets occidentaux. Aussi, nombre de volontaires sont rejetés[2], soit cantonnés dans des tâches subalternes voire infamantes, ou transformés en kamikazes dont l'action est étroitement contrôlée par leur entourage immédiat.
Ces derniers sont essentiellement employés en Irak, mais le commandement ne souhaite pas les envoyer mener des attentats en Occident n'étant pas sûr de leur loyauté à la cause. En effet, leur parcours est jugé avec suspicion par l'encadrement islamiste. La plupart d'entre eux a été recrutée au sein de la petite délinquance voire en prison. Ils ont été pris en main par des imams, souvent autoproclamés, mais leur conversion récente ne convainc pas. Il est également important de souligner que quelles que soient ses motivations, un « nouveau converti » est toujours considéré comme un musulman de seconde zone par ses pairs.
Ces volontaires étrangers n'en demeurent pas moins une menace, car ils peuvent participer à la logistique des mouvements islamiques en Occident. Certains d'entre eux peuvent également agir de leur propre chef et se lancer dans des actions terroristes difficiles à contrer car elles sont alors totalement improvisées. Leur faiblesse réside alors dans l'amateurisme des exécutants qui permet de limiter notablement les dégâts occasionnés.