Russie : mystère autour des nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque
Alain RODIER
Le programme de construction de sous-marins nucléaires d’attaque de quatrième génération de la marine russe, appelé « Projet 885M Iassen-M », est en train d’atteindre sa vitesse de croisière, après avoir rencontré de nombreuses difficultés techniques et de financement, en particulier en raison de la complexité des armements embarqués.
Un armement impressionnant
S’il est difficile de déterminer quels sont les armements réellement emportés1, il semble que cette nouvelle classe de sous-marins est équipée de huit tubes de lancement verticaux. Ils sont destinés à accueillir des missiles de croisière longue portée 3K-10 Sampson – pouvant atteindre des cibles situées à 3 000 kilomètres pour certains modèles mer-sol – ou Kalibr, de 2 500 kilomètres de portée. Ces derniers missiles ont été utilisés en Syrie depuis des sous-marins à propulsion diesel-électrique de classe Varshavyanka. Ce n’est pas l’efficacité tactique qui était recherchée mais la possibilité de se livrer à des tests en grandeur nature. Des missiles anti-navires Oniks (trois par silo2) peuvent aussi armer ce submersible si sa mission a des objectifs purement navals. Une vidéo prise par Oleg Kueshov et diffusée sur Twitter le 16 avril 2017 laisse apparaître une ouverture inhabituelle sur le flanc du navire en arrière du kiosque. Elle doit probablement couvrir tous les silos verticaux, à la différence des tapes classiques.
Il y aurait également quatre tubes horizontaux de 650 mm pouvant recevoir des missiles anti-navires P-800 Bolid et quatre tubes de 533 mm capables de délivrer des torpilles supersoniques à effet de cavitation Va-111 Chkval, des mines, des missiles de croisière RPK-7 Vorobei voire des drones sous-marins. Moscou annonce dans sa documentation dix tubes de 533 mm…
Des performances exceptionnelles mais un nombre trop limité
Ces bâtiments de 120 mètres de long et de 9 700 tonnes de déplacement en surface (13 500 tonnes en plongée) pourraient atteindre la vitesse impressionnante de 35 noeuds3. Ils sont capables de plonger jusqu’à 600 mètres, presque le double des autres sous-marins de même catégorie. Ces performances assurent une survivabilité exceptionnelle à ces navires dont l’équipage est constitué de 90 hommes. La capacité opérationnelle létale de ces sous-marins est impressionnante. Ils représenteront à terme une menace significative pour tout groupe aéronaval adverse.
Le premier submersible, le K-550 Severodvinsk, dont la construction a débuté en 1993, n’a été lancé qu’en 2010. Après de nombreux essais, il a finalement été livré à la marine russe de décembre 2013, mais il n’a été officiellement été intégré dans les forces navales que le 17 juin 2014.
Toutefois, les ambitions initiales qui portaient sur une trentaine d’exemplaires ont été considérablement revues à la baisse puisque seulement sept sous marins sont aujourd’hui prévus. Les deuxième et troisième bâtiments portent les noms de K-561 Kazan et K-573 Novossirbirsk. Ils devraient être opérationnels à l’horizon 2018. Ils seront suivis par le K-571 Krasnoyask, l’Arhangelsk, le Perm puis le Ulyanosk…
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Il faut se rappeler qu’après la catastrophe du Koursk survenue le 12 août 2000, la flotte sous-marine russe a été quasiment à l’arrêt jusqu’en 2008. Aujourd’hui, les sous-marins russes ont retrouvé un rythme de patrouille presque équivalant à celui du temps de la splendeur de l’URSS. C’est pour cette raison que le parc de sous-marins doit être modernisé pour suivre la cadence imposée par le Kremlin. Il se compose aujourd’hui de 13 SNLE (plus 2 en réserve), 24 SNA (plus 4 en réserve), 23 sous-marins à propulsion classique (plus 3 en réserve) et 3 pour les forces spéciales (plus un en réserve). Moscou a fait le choix stratégique de renoncer au porte-aéronefs, misant plutôt sur la force sous-marine même si les contraintes budgétaires ont considérablement révisé ses ambitions à la baisse. Indéniablement, cette posture est significative de la volonté défensive de la Russie, du moins dans le domaine naval.