Restructuration des services de renseignement
Alain RODIER
Selon le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), mouvement qui regroupe les principales forces d'opposition au régime des mollahs, l'organisation du renseignement en Iran aurait considérablement été modifiée suite aux manifestations populaires qui ont succédées à l'élection contestée du président Mahmoud Ahmadinejad, le 12 juin 2009.
Toutes les structures de renseignement dépendraient désormais de l'« Organisation du renseignement des gardiens de la révolution », placée sous la tutelle de Hossein Ta'eb, l'ancien chef des milices bassidjis [1] :
- le quartier général du commandement des opérations de sécurité à Téhéran – la base Sarollah – chargé du commandement de la police, des pasdaran et des milices Bassidjis ;
- la direction du renseignement des gardiens de la Révolution ;
- la direction de la sécurité des milices bassidjis ;
- le propre organe de renseignement du Guide suprême de la Révolution, l'ayatollah Ali Khamenei, dit le « Bureau 101 » ;
- les agents de sécurité en civil (dits Lebasse Chakhsi ) ;
- le centre de contrôle des activités internet.
Cette nouvelle organisation serait localisée à Qasr-e Firouzeh, siège l'état-major des pasdaran, dans un complexe appelé Kamali. Elle rendrait compte directement au Guide suprême de la Révolution via son chef de cabinet, Ali Asghar Hejazi.
Réforme ou adaptation ?
La direction du renseignement des gardiens de la Révolution islamique existe depuis la création de ce corps qui est à la fois le fer de lance et l'ultime rempart du régime théocratique iranien.
Depuis l'origine, ce service spécial est constitué de deux comités distincts : le premier chargé du recueil du renseignement, le second des opérations clandestines. Les compétences de ces comités s'exercent aussi bien sur le sol national qu'à l'étranger. La première mission de cet organisme a toujours été la chasse aux opposants réels ou présumés. Il a toujours été très lié au ministère du renseignement et de la sécurité – Vezarat-e Ettela'at va Amniat-e Keshvar (Vevak) -, notamment à l'étranger où il a souvent partagé les mêmes couvertures au sein des missions diplomatiques. Une nuance cependant, les pasdaran avaient en plus la mission de surveiller la fiabilité de leurs collègues du Vevak. Pour le volet « opération », c'est la force Al-Qods – actuellement commandée par le brigadier-général Qasem Suleimani – qui fournit le gros des effectifs.
La réorganisation des services de renseignement aurait débuté en juin 2009, le pouvoir reprochant aux structures existantes de ne pas avoir anticipé les réactions populaires qui ont suivi les dernières élections présidentielles. Toutefois, ce n'est que le 7 octobre 2009 que le major-général Mohamad Ali Jaafari, le chef des pasdaran, a annoncé officiellement la transformation de ce directorat en « organisation », ce qui l'a fait monter d'un cran dans l'échelle hiérarchique. Il a même été très clair quant aux objectifs poursuivis en déclarant : « notre ennemi a changé de nature. Nous devons plus faire face à une menace intérieure de renversement en douceur qu'à une invasion militaire, et c'est pour cela que les gardiens doivent aussi se transformer en conséquence ».
Si cette réforme place certains services sous la férule directe des pasdaran, rien ne vient confirmer qu'il en est de même pour le Vevak qui a rang de « ministère » donc théoriquement supérieur à celui d'« organisation ».
En fait, ces mouvements de palais semblent traduire la sourde lutte d'influence qui se déroule actuellement entre les « religieux », emmenés par le Guide suprême de la Révolution, et les « laïques », soutenus par les pasdaran et le président Ahmadinejad.
Toutefois, le problème est encore plus compliqué qu'il n'y parait car il existe différents courants au sein même des institutions. De plus, le Vevak est encadré par des anciens pasdaran dont certains sont demeurés loyaux à leur administration d'origine. Ainsi, si la crainte d'un renversement du régime de l'intérieur n'est pas nouvelle mais elle s'est amplifiée avec le temps.
- [1] Il a été remplacé à ce poste en octobre 2009 par Mohammad Reza Naqdi.