Questions autour du vol 11-9358 abattu en Afghanistan
Alain CHARRET
Le 27 janvier 2020, les taliban, par la voix de leur porte-parole ont annoncé avoir abattu à 13h10 (heure locale) un avion militaire américain dans le district de Deh Yak, province de Ghazni.
Dans un premier temps du côté américain, on démentait formellement en indiquant qu’il s’agissait d’un appareil civil de la compagnie Ariana, reliant l’Afghanistan à l’Inde, qui s’était écrasé.
Après le démenti de la compagnie aérienne en question, le ministère afghan de la Défense, sans doute sous la pression américaine, annonçait qu’il s’agissait en fait d’un de ses appareils.
Mais après la large diffusion sur les réseaux sociaux de vidéos et de photographies montrant un appareil en feu entourés par des taliban, les États-Unis ne pouvaient plus nier ce qui était devenu évident, d’autant qu’on pouvait clairement distinguer l’immatriculation de l’appareil sur un des débris : 11-9358.
Cette information a permis d’identifier clairement l’aéronef. Il s’agissait d’un E-11A appartenant au 430th Expeditionary Electronic Combat Squadron. Cet appareil est une version modifiée du Global Express 6 000 fabriqué par le canadien Bombardier. Il est doté du BACN (Battlefield Airborne Communication Node) installé par Northrop Grumman. Son rôle principal est de servir de relais radio au-dessus du champ de bataille.
Quelques heures après le crash plusieurs sources indiquaient que l’avion était utilisé par la CIA et qu’à son bord se trouvait le chef des opérations de l’agence en charge de la région. Celui-la même qui aurait organisé et planifié la frappe ayant tué le général iranien Qassem Soleimani, chef de la force Al-Qods.
À ce sujet il est important de noter les Tweets du compte IntelSky (https://twitter.com/intel_sky/) Ce dernier se présente comme un « observateur de l’espace aérien moyen-oriental et méditerranéen » et compte plus de 47 000 Followers ce qui lui confère une certaine crédibilité.
Dès le 28 décembre, il indiquait que, selon des sources au sein des services de renseignement russes, Michael D. Andrea, responsable des opérations de la CIA pour l’Iraq, l’Iran et l’Afghanistan se trouvait à bord.
À 20:27 UTC, il poursuivait en indiquant qu’une source au sein de la force Al-Qods déclarait que Téhéran avait fourni des missiles ainsi que des renseignements afin de permettre aux taliban d’abattre un avion militaire américain.
À ce jour le Pentagone se borne à déclarer que seuls deux pilotes se trouvaient à bord et qu’ils ont péri lors du crash.
S’il est difficile de confirmer la présence d’un cadre de la CIA à bord de cet appareil, il parait évident qu’il transportait d’autres personnes que les pilotes. Ne serait-ce que par la nature de sa mission qui nécessite forcément des techniciens et autres spécialistes pour contrôler la bonne marche du matériel et au besoin coordonner les différentes forces en action depuis ce que certains appelaient le PC volant de la CIA.
À noter que quelques heures après l’accident un hélicoptère américain se rendant sur les lieux du crash était abattu à Paktia, faisant entre sept et onze morts, selon les sources. Soit les Américains jouaient de malchance, soit les taliban étaient parfaitement bien renseignés…
Hypothèses
La moins vraisemblable des hypothèses est celle avancée par l’armée américaine, à savoir que le crash de l’appareil est dû à un incident technique sans intervention extérieure. En effet dans un tel cas l’équipage aurait eu le temps de lancer un appel de détresse et de modifier le code transpondeur. Des éléments qui auraient été immédiatement perçus par tous les aéronefs de la zone ainsi que par les organismes gérant la circulation aérienne, sans oublier les passionnés d’aéronautique qui scrutent en permanence l’activité aérienne de toute la planète. De plus si un tel message existait le Pentagone se serait empressé de le diffuser afin d’accréditer sa thèse.
Si l’appareil a été effectivement abattu alors qu’il volait à son altitude de croisière, autour de 40 000 pieds, cela impliquerait que les taliban possèdent des missiles à même de toucher une cible à cette altitude. Jusqu’à maintenant les experts s’accordent à dire que ce n’est pas le cas. Pour reprendre l’information d’IntelSky, ces missiles auraient pu être fournis par la force spéciale iranienne Al-Qods avec en plus des renseignements précis concernant ce vol de la CIA. Ce n’est pas totalement à exclure compte tenu du contexte géopolitique actuel, mais cela reste tout de même assez improbable.
L’hypothèse la plus vraisemblable est celle d’une défaillance technique mineure ayant contraint l’avion à réduire son altitude et par conséquent à se trouver à la portée des missiles portables dont sont dotés les taliban. Ces derniers auraient ainsi saisi l’opportunité et abattu un avion de la CIA.
Bien sûr, en théorie cette défaillance aurait pu être provoquée par une action extérieure, tel qu’un brouillage des systèmes de radionavigation ou encore l’envoi de fausses informations afin de leurrer les équipements de bord. Mais cette éventualité reste elle aussi sujet à caution, les taliban n’ayant pas ce type de moyen à leur disposition.