Quatre succès majeurs dans la guerre contre le terrorisme
Alain RODIER
Bien qu'il soit de bon ton pour de nombreux medias de prétendre que la guerre contre le terrorisme est inefficace, quelques faits viennent démentir cette assertion. Ainsi, au cours des deux derniers mois, quatre activistes importants ont été neutralisés : Baitullah Mehsud au Pakistan, Selvaras Pathmanathan en Malaysia, Kenyan Ali Saleh Nabhan en Somalie et Noordin Mohammed Top en Indonésie.
Baitullah Mehsud
Baitullah Mehsud, le chef des taliban pakistanais a été tué au Sud Waziristan par un drone de la CIA. Au Pakistan, ce redoutable chef de guerre était responsable de la mort de plus de 2 000 personnes, principalement tuées lors d'attentats suicide depuis juillet 2007. Il est aussi soupçonné d'avoir commandité l'assassinat de Benazir Bhutto, fait qu'il a formellement démenti. Il entretenait les meilleurs liens avec ses homologues afghans et Al-Qaida, auxquels il assurait des bases arrière sûres dans les zones tribales pakistanaises. Sa mort a été un coup très rude pour les taliban pakistanais qui avaient eu beaucoup de mal à coordonner leurs opérations. En effet, il était le seul à avoir pu imposer une sorte de coalition entre les différents groupes tribaux. Depuis son décès, ceux-ci s'entredéchirent de nouveau, ce qui facilite l'action du pouvoir central d'Islamabad. Il est plus facile d'amoindrir un mouvement insurrectionnel en jouant sur ses divisions internes qu'en l'affrontant directement.
Baitullah Mehsud
Selvaras Pathmanathan
Le 5 août, Selvaras Pathmanathan – alias KP -, le nouveau chef des Tigres de l'Eelam Tamoul sri lankais (LTTE), est arrêté par les services secrets malaysiens ( Malaysian Royal Intelligence ) à proximité d'un hôtel, à Kuala Lumpur. Faisant l'objet d'une fiche de recherche de la part d'Interpol, il est discrètement extradé le 7 août vers Colombo via Bangkok. Bien que ce remplaçant de Velupillai Prabhakaran, le chef historique du LTTE tué le 19 mai 2009, prône l'abandon de la lutte armée au profit du combat politique, il a été par le passé responsable de l'approvisionnement en armements du mouvement tamoul en utilisant les Sea Pigeons , la composante logistique de la marine séparatiste baptisée les Sea Tigers . Sa disparition est un coup fatal porté au mouvement séparatiste sri lankais. En effet, aucune personnalité ne parait aujourd'hui bénéficier du charisme nécessaire pour unifier les différentes factions tamoules.
Selvarasa Pathmanathan
Saleh Ali Saleh Nabhan
Kenyan Ali Saleh Nabhan
Le 14 septembre dans le Sud de la Somalie, un commando de forces spéciales américaines ( Seals ) a tué le Kenyan Ali Saleh Nabhan lors d'un raid héliporté. Cet activiste d'Al-Qaida est accusé d'avoir participé aux attentats contre les représentations diplomatiques américaines de Nairobi (Kenya) et Dar es Salam (Tanzanie), en 1998, puis d'avoir dirigé des actions terroristes lancées contre des intérêts israéliens au Kenya, en novembre 2002. Depuis, il aurait rejoint les milices Shabab somaliennes [1]. C'est indéniablement un coup dur porté aux Shabab qui, après cette opération, ont littéralement appelé au secours tous les activistes étrangers pour qu'ils rejoignent leur combat. Cela tendrait également à démontrer que ces combattants internationalistes sont moins nombreux que cela est annoncé ici ou là en Somalie.
Noordin Mohammed Top
Le 17 septembre, Noordin Mohammed Top est abattu lors d'un assaut donné contre une planque située à Solo sur l'île de Java (Indonésie). Ce Malaysien est considéré comme le principal responsable des attentats lancés par le mouvement Jemah Islamiyah (JI) indonésien depuis le début de la décennie : Bali en 2002 (202 tués) ; hôtel Marriott de Jakarta en 2003 (12 morts) ; et attaque simultanée dirigée contre deux hôtels de luxe (Marriott et Ritz-Carlton) toujours à Jakarta, le 17 juillet 2009 (7 tués). Trois autres activistes du JI – Bagus Budi Promoto, Ario Sudarso et Hadi Susilo – ont été éliminés en même temps que lui alors que deux autres étaient appréhendés – Rahamat Pudi Pradovo et Supono. La disparition de cet homme de terrain, spécialiste en explosifs, est une perte significative pour les mouvements islamiques en Extrême-Orient. En effet, non seulement il participait directement à des opérations terroristes, mais il formait également de nombreux artificiers qui mettaient ensuite son enseignement en pratique.
Noordin Mohammed Top
Des neutralisations d'une grande importance
Bien qu'il ne fasse aucun doute que ces responsables terroristes soient remplacés dans un proche avenir, ces neutralisations provoquent un effet psychologique important au sein de leurs organisations. Les militants se rendent compte que leurs chefs ne sont plus invulnérables et qu'être investi de responsabilités représente un risque parfois mortel. Ces neutralisations causent parfois également des guerres internes sanglantes. En effet, dans la majorité des cas, ces opérations n'ont été réalisées qu'avec des renseignements précis qui ne peuvent provenir que de sources humaines évoluant au sein même de ces mouvements (complétés par des renseignements recueillis par moyens techniques). Il en résulte une paranoïa exacerbée qui fait voir aux différents niveaux de responsabilité des traîtres partout. Cette paranoïa est à l'origine de nombreux règlements de comptes intérieurs et d'une perte de confiance qui oblitère l'efficacité opérationnelle de certains groupes terroristes.
En revanche, ces éliminations ont un effet négatif : il va être de plus en plus difficile d'identifier les nouveaux leaders qui, par mesure de sécurité, vont tenter de préserver au maximum leur anonymat. A titre d'exemple, il est désormais très difficile pour les services de renseignement israéliens de remplir les organigrammes du Hamas et du Jihad islamique. En effet, échaudés par les assassinats ciblés menés par l'Etat hébreu, les remplaçants des victimes de ces opérations ne dévoilent pas leur identité.
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Il faut bien constater que depuis 2001, les attentats de masse en Europe occidentale ont été rares – si l'on excepte ceux de Londres et de Madrid – et inexistants aux Etats-Unis. Cela semble découler de deux facteurs.
D'abord, depuis 2001, les extrémistes sont fixés sur des champs de bataille bien définis : Irak, Afghanistan, Pakistan, Yémen, Somalie, Sahel, etc. Ils y connaissent de nombreuses pertes concernant souvent les meilleurs d'entre eux.
Ensuite, les forces de sécurité occidentales ont gagné en efficacité, surtout grâce à une coopération interservices qui a été considérablement développée, particulièrement à l'international. De nombreuses tentatives d'attentats ont pu ainsi être déjouées avant d'avoir connu un début d'exécution. Les personnes arrêtées étaient dans leur grande majorité des « amateurs », ce qui a tendance à confirmer le fait que les vrais professionnels du terrorisme sont actuellement accaparés ailleurs. Il est d'ailleurs symptomatique de constater que le flux des volontaires étrangers s'oriente plutôt vers le Proche et Moyen-Orient que vers l'Europe. Le véritable problème se posera lorsque les jihadistes occidentaux seront de retour chez eux avec une expérience opérationnelle acquise sur le terrain.
Bien sûr, la guerre contre le terrorisme est loin d'être gagnée. D'ailleurs, cette expression est malpropre : on ne lutte pas contre un moyen (le terrorisme) mais contre des causes : en l'occurrence, l'extrémisme islamique. Ce combat ne peut être gagné que dans les cœurs. Il semble que l'on n'en soit encore bien loin, d'autant que nos sociétés démocratiques sont, par nature, sujettes à la guerre d'influence dans laquelle les islamistes sont passés maîtres. Comme du temps de Lénine, ils sont largement aidés en cela par les nombreux « imbéciles utiles ».
- [1] Déjà, Aden Hashi Ayro, le chef militaire des Shebab avait été tué par un bombardement américain en mai 2009.