Poursuite de l’activité du GSPC
Alain RODIER
Ahmed Zérabib – alias Cheikh Ahmed Abi Al Bara – un des deux membres fondateurs du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) aurait été tué par les forces de sécurité dans la région de Bedjaïa (à 300 km à l'est d'Alger) en janvier 2006.
Déjà, le 26 décembre 2005, trois hauts responsables du même mouvement ont été arrêtés dans la région de Médéa. Il s'agit d'Abou Bilal Al-Oulbani, responsable des relations extérieures, d'Abou Omar Abd Al-Bar, chargé de la propagande et d'Abou Dodjana, conseiller pour les affaires militaires. Dans un premier temps, pour raison de propagande, les autorités ont annoncé que les trois hommes s'étaient rendu de leur plein gré, désirant bénéficier de l'amnistie proclamée dans le cadre de la « Charte pour la réconciliation nationale », votée par référendum le 29 septembre 2005, qui concerne tout membre des groupes rebelles, GSPC inclus, qui se rendrait volontairement aux autorités. Sont tout de même exclus de cette mesure les activistes qui sont « impliqués dans des massacres collectifs, des viols ou des attentats à l'explosif dans des lieux publics ».
Cette reddition a permis la saisie d'armes, d'explosifs, de détonateurs, de moyens de transmissions UHF, d'importantes sommes d'argent (22 millions de dollars), ainsi que de trois ordinateurs portables, de cassettes audio et vidéo, de CD-Rom et de documents qui prouvent, si le besoin s'en faisait encore sentir1 , les liens existant entre le GSPC et la nébuleuse Al-Qaida. Il semble que ces hommes préparaient un attentat majeur dirigé contres des intérêts étrangers, vraisemblablement français. Un navire constituait une des principales cibles. Les observateurs pensent immédiatement à l'un des nombreux ferries reliant l'Algérie à la France.
Déjà, à la mi-octobre 2005, Abou Moad, l'émir de la 7 e région du GSPC (Annaba-Jijel-Skidda) a été abattu par les forces de sécurité. Il avait remplacé Cherif Djemaa Mourad, lui-même arrêté en juillet de la même année !
Un mouvement toujours actif
Si ces succès remportés par les forces de sécurité sont notables, le GSPC reste néanmoins un groupe terroriste politico-religieux algérien réellement actif et dangereux. L'attaque d'un navire des gardes-côtes, dans le port de Dellys ( 70 kilomètres à l'est d'Alger), le 24 décembre en est un exemple frappant. Une première bombe placée dans un tampon de protection des coques pendant le long des quais a endommagé un navire qui allait accoster. Lorsque les secours sont intervenus, une deuxième bombe dissimulée sur le quai a explosé de manière à faire un maximum de victimes. Cependant, on ne déplore qu'un mort et 13 blessés, dont quatre dans un état grave. Les deux engins ont été activés par télécommande, ce qui prouve le professionnalisme des exécutants de cette opération terroriste dirigée par Abdelhamid Saadaoui – alias Abou El-Haytam Yahia – chef de la 2 e région (Boumerdes). Il a succédé à cette place à Abdel Kader Droukel, devenu le nouveau chef du GSPC, début 2005.
Par ailleurs, on sait aujourd'hui que le ramadan 2005 (du 4 octobre au 2 novembre) a officiellement causé la mort de 65 personnes, ce qui est le chiffre le plus important depuis trois ans (40 tués en 2004 et 63 en 2003). Cette flambée de violence, habituelle en cette période, est imputée dans sa grande majorité au GSPC. Cependant, cette hausse du nombre des victimes est considérée comme relativement faible lorsqu'on la compare au ramadan 2000 qui avait occasionné la mort de 340 personnes et surtout à celui de 1997, au cours duquel plus de mille victimes avaient été dénombrées.
Organisation du GSPC au début 2006
Début 2006, le GSPC, toujours dirigé par Abdel Kader Droukel – alias Abou Moussab Abdelouahoud – compterait environ un millier de combattants, dont plus de la moitié seraient actifs dans l'Est algérien et en Kabylie. Une autre partie importante des activistes aurait trouvé refuge à l'ouest d'Alger, dans les régions d'Aïn Defla et de Relizane. A noter que dans cette zone, un groupe aurait fait sécession et s'appellerait désormais les "Défenseurs de la prédication salafiste" (Houmat Daawa Salafia/HDS). Enfin, le reste des effectifs du GSPC se trouverait réparti entre le grand Sud algérien, le Mali et le Niger, où serait toujours actif Mokhtar Belmokhtar (MBM). Cependant, le statut de ce responsable important du GSPC au sein de l'organisation n'est pas bien connu. En effet, son comportement plus criminel que politique l'aurait fait chasser du mouvement, ce qui ne l'empêche pas de poursuivre ses activités traditionnelles de contrebandier et de voleur de grand chemin. Il se serait même assuré l'appui de renforts pakistanais, ce qui tendrait à prouver qu'Al-Qaida continue à « jouer sa carte », tout en ne négligeant pas le GSPC « officiel ». MBM aurait été remplacé à la tête de la 9 e région par Abou Daoud. En fait, son fief algérien aurait été partagé en trois zones : celle de M'sila dirigée par Abou Abbès Khaled, celle de Djelfa confiée à Abou Houma Moustapha et celle de Lagouat conduite par un certain « Oussama » (à l'évidence, ces appellations sont des pseudonymes).
La direction du GSPC refuse catégoriquement l'amnistie proposée par le président Abdelaziz Bouteflika et affirme « vouloir poursuivre le djihad contre les Taghout (tyrans) ». Enfin, afin de combler ses pertes, l'organisation ferait appel à des combattants étrangers dont des Tunisiens, des Marocains et des citoyens d'autres nationalités, notamment des Pakistanais.
Le conflit en Algérie ne semble pas prêt de s'arrêter. Les 150 000 morts répertoriés depuis 1992, devraient être rejoints par d'autres victimes civiles et militaires. L'extension internationale de la lutte devrait également se poursuivre comme cela a été le cas en 2005 en Mauritanie. Il convient également de ne pas négliger les réseaux du GSPC implantés depuis de longues années en Europe et, plus particulièrement dans les pays voisins de la Méditerranée (France, Italie, Espagne). Ils servent actuellement de base logistique pour soutenir les moudjahédines actifs en Algérie, mais aussi de tremplin pour les activités futures d'Al-Qaida en Europe : recrutement et acheminement de volontaires pour aller mener le djihad en Irak et en Tchétchénie, etc. Certains experts craignent qu'ils ne soient également en train de préparer des opérations terroristes en Europe occidentale : la France est considérée actuellement par la direction du GSPC comme "l'ennemi n°1", en raison de son « hostilité » et de sa « perfidie »2 ; les Etats-Unis sont également une cible désignée. Ainsi, trois Algériens, Achour Rabah, Tartaq Sami3 et Yamine Bouhrama, tous membres du GSPC, ont été arrêtés à la fin 2005 dans le sud de l'Italie alors qu'ils semblaient préparer des actions terroristes contre des objectifs civils aux Etats-Unis, un peu dans le style de celles du 11 septembre 2001. Cette cellule est également soupçonnée avoir entretenu des liens avec d'autres structures clandestines du GSPC implantées à Milan, Vincenza, Brescia et Naples.
- 1Le 25 janvier 2005, Abdel Kader Droukel, le nouveau chef du GSPC avait réaffirmé dans un message électronique l'allégeance du mouvement à Al-Qaida et apporté son soutien au combat d'Al-Zarqaoui en Irak. Le représentant (coordinateur) dans la région de la nébuleuse créée par Ben Laden, serait Hamid Saadaoui et son porte-parole Abou Leith Al-Liby.
- 2Toujours selon le GSPC, « le seul moyen de rendre la France disciplinée est le jihad et le martyr pour l'islam ».
- 3Ces deux activistes avaient pour identité Khaled Serai et Mohamed Larbi.