Mort du mollah Dadoullah
Alain RODIER
Le mollah Dadoullah Akhund, le « Al-Zarqaoui » des taliban, a été tué lors d’une vaste opération conduite par les forces spéciales américaines, appuyées par l’Otan et des membres de l’armée afghane, le samedi 12 mai, dans la région de Brahmcha (province d’Helmand). Son cadavre portait les traces de deux impacts de balles dans l’estomac et un dans la tête. 10 autres taliban – dont un de ses frères et les mollahs Hamdullah et Ghafar – ont été tués lors du même accrochage. Ces trois hommes faisaient partie des cinq prisonniers qui avaient été relachés en échange de la libération du journaliste italien Daniele Mastrogiacomo.
Le mollah Dadoullah faisait partie de la Choura Rabari (Conseil suprême), organisme qui dirige les taliban depuis juin 2003. Ce conseil présidé par le mollah borgne Mohamed Omar1, était composé de dix membres (nombre qui a peut-être été porté à 18). Déjà, deux d’entre eux avaient été neutralisés. Le mollah Akhtar Mohamed Osmani a été tué fin décembre 2006 par un drone armé Predator américain qui a détruit la voiture qu’il conduisait. Le mollah Obaidullah Akhund, ancien ministre de la Défense afghan a pour sa part été appréhendé le 26 février 2007 à Quetta, au Pakistan. La disparition de Dadoullah réduit encore le nombre des membres de ce conseil. A noter également que le responsable des combattants étrangers en Afghanistan, Nashwan Abdulbaqi – alias Abdul Hadi al Iraqi, un proche d’Oussama Ben Laden – a été appréhendé – fin 2006.
Pachtoune originaire de la région d’Oruzgan au Sud de l’Afghanistan, âgé d’une quarantaine d’années, Dadoullah a combattu les forces soviétiques aux côtés du commandant Massoud. Il a rejoint les taliban lorsque le mouvement a été constitué par le mollah Omar. En 1994, une mine lui arrache la jambe gauche. Dès cette époque, il est considéré comme extrêmement cruel, le mollah Omar le suspendant même temporairement de son commandemen,t en 1999, en raison de ses actes inhumains commis dans les régions de Bamyan et de Mazar-I-Sharif (on parle de génocide de populations hazaras). Lors de l’invasion américaine à la fin 2001, après avoir échappé de peu à la capture, il rejoint le Waziristan-Sud au Pakistan voisin. Là, il participe à la mise sur pied de la résistance organisée sous l’égide du mollah Omar avec l’aide d’Al-Qaida. Il est plus particulièrement chargé de relancer des opérations de guérilla dans le sud de l’Afghanistan. Il est l’un des premiers à mettre sur pied des attentats suicide, spécialité qui n’était pas connue jusque là en Afghanistan. Ainsi, la mort de deux militaires canadiens, le 11 avril 2007, dans la région de Kandahar, est attribuée à des kamikazes qu’il aurait envoyé attaquer un convoi militaire de l’OTAN. Parallèlement, il n’hésite pas à faire enlever des Occidentaux comme le journaliste italien Daniele Mastrogiacomo, qui est libéré le 19 mars 2007 après deux semaines de détention. Cette libération a prêté à polémique car le gouvernement afghan a dû, en échange, libérer cinq détenus talibans et le gouvernement italien aurait versé une importante rançon. Malgré cela, l’interprète et le chauffeur du journaliste (tous deux afghans) ont été assassinés de sang froid. Déjà en 2003, c’est Dadoullah qui avait ordonné le meurtre du délégué suisse du Comité international de la Croix-Rouge, enlevé dans le sud du pays.
La résistance talibane a perdu en la personne du mollah Dadoullah un de ses plus importants chefs militaires connu pour sa férocité (il n’hésitait pas à égorger lui-même ses victimes), son goût pour la publicité (il était l’un des seuls responsables taliban à accepter de se faire photographier et à communiquer avec les medias étrangers) et son côté « fédérateur » (il menaçait tous ceux qui voulaient quitter la résistance de les décapiter de ses propres mains). La disparition de ce chef militaire taliban sanguinaire peut être considérée comme un succès pour les forces de l’OTAN et leurs alliés afghans. Mais, l’indestructible mollah Omar, ses adjoints Jalaluddine Haqqani, Saifur Mansour – tous deux des vétérans de la guerre contre les Soviétiques et anciens responsables de l’administration talibane – les mollahs Berabar, Razzaq, Kabir, Saifur Rehman, Mohamed Ibrahim et Qair Akhtar sont toujours dans la nature
Sur ordre du mollah Omar, le mollah Dadoullah a déjà été remplacé par son plus jeune frère, Bakht Mohammad. De plus, soupçonnant que la fin de Dadoullah était due à des renseignements obtenus au Pakistan, le mollah Omar a ordonné qu’une chasse impitoyable soit menée contre les « espions » à la solde des Américains de part et d’autre de la frontière pakistano-afghane.
La première opération spectaculaire ne s’est pas fait attendre. Le mardi 16 mai, un kamikaze s’est fait exploser dans l’entrée de l’hôtel Marhaba à Peshawar. Parmi les 25 victimes recensées se trouvaient le patron de l’établissement, un Afghan d’origine ouzbèke nommé Sadaruddin et trois de ses fils. Ils étaient considérés comme des partisans du général Dostum (lui-même ouzbek), actuel ministre de la Défense afghan, et comme des collaborateurs des services pakistanais (ISI). Sur une des jambes arrachée du kamikaze, une inscription en pachtoune disait : « voila le sort réservé aux espions à la solde des Américains ». Le kamikaze provenait d’un camp d’entraînement situé en Afghanistan dirigé par Abou Laith al-Liby, un responsable important d’Al-Qaida. Le « traître » qui aurait vendu le mollah Dadoullah a été arrêté. Il s’agit d’un certain Din Mohammad qui a « confessé ses crimes ». Il est fort probable qu’il lui arrivera la même chose qu’à Ghulam Nabi qui avait avoué avoir donné les renseignements ayant permis l’élimination d’Akhtar Mohamed Osmani : il a été décapité au couteau (avec beaucoup de difficultés) devant une caméra vidéo par un enfant de douze ans qui hurlait « Allah-o-Akbar ».
- 1 Une récompense de 10 millions de dollars était promise pour tout renseignement permettant sa neutralisation.