Moez Garsallaoui, Nouveau responsable d’Al-Qaida pour l’Europe ?
Alain RODIER
Le 11 décembre 2008, après 16 perquisitions effectuées à Bruxelles et à Liège, la police belge a arrêté préventivement 14 membres supposés d'une cellule terroriste, deux jours avant la tenue d'un sommet des dirigeants européens à Bruxelles. Il a été décidé de procéder à l'interpellation de ces personnes – qui étaient déjà sous surveillance policière discrète depuis un an – suite à une intervention des services de renseignement. En effet, ces derniers avaient été informés qu'un feu vert venait d'être donné pour le déclenchement d'une opération dont les auteurs « ne reviendraient pas vivants ». Le rapprochement entre ce renseignement et le sommet politique international de Bruxelles a poussé les autorités à ne prendre aucun risque.
Cependant, aucun lien formel n'ayant pu être apporté entre les deux évènements, seul un groupe de cinq hommes et une femme a pu être mis en examen pour « appartenance à un mouvement terroriste » [1]. Les personnes concernées, toutes de nationalité belge sont : Malika El Aroud, Abdulaziz Bastin, Hicham Beyayo, Ali El Gannouti, Youssef Arrisi et Jean Trefois. Beyayo, âgé de 20 ans,était rentré le 4 décembre 2008 d'un séjour dans les zones tribales pakistanaises, où il s'était rendu, via la Turquie et l'Iran, en compagnie d'autres volontaires au début 2008. Il pourrait avoir été le candidat suicide qui a donné l'alerte aux autorités. En effet, il aurait fait ses adieux à ses proches comme le font habituellement les auteurs d'attentats suicide et aurait adressé un e-mail au Pakistan affirmant qu'il était prêt.
Les enquêteurs pensent que cette cellule était directement liée au commandement d'Al-Qaida implanté dans les zones tribales pakistanaises. En effet, leur attention s'est portée sur le Tunisien Moez Garsallaoui, l'époux de Malika El-Aoud [2]. Cette dernière est bien connue pour deux raisons : son premier mari, Abdessater Dahmane, est l'un des deux kamikazes qui a assassiné le commandant Ahmed Shah Massoud, le 9 septembre 2001 ; elle a diffusé sur la toile des messages appelant en permanence à la guerre sainte. Une de ses déclarations les plus connues est destinée aux militaires étrangers servant en Afghanistan « demandez à vos mères, vos épouses de commander des cercueils ». Elle est également l'auteur du livre Les soldats de lumière où elle décrit sa haine de l'Occident.
Garsallaoui (41 ans) a épousé Malika El-Aoud en 2004. Après avoir vécu avec elle pendant deux ans en Suisse, il a été condamné à six mois de prison, mais n'en effectuera que trois. En juin 2007, le couple retourne vivre en Belgique. Déjà, des rumeurs laissent entendre que Garsallaoui aurait connu des personnes impliquées dans le complot avorté de 2006, qui devait conduire à la destruction de plusieurs vols transatlantiques entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis [3]. En novembre 2007, Garsallaoui aurait rejoint le Pakistan puis l'Afghanistan. Depuis ce pays, il aurait adressé à son épouse de nombreux courriers, dont une photo où il pose armé d'un RPG. En septembre 2008, il aurait appelé une première fois son réseau à commettre des attentats en Belgique par cette phrase diffusée sur le web : « la solution mes frères et sœurs n'est plus les fatwas mais Booom… ».
Il est probable que dans l'affaire de décembre 2008, Garsallaoui a servi de liaison entre la cellule terroriste implantée en Belgique et la direction d'Al-Qaida. Le problème reste que l'objectif visé n'est pas connu. Il est possible que cela ait été le sommet de Bruxelles, mais cela peut aussi être aussi une opération en Italie, car des communications ont été interceptées entre cette cellule et des activistes résidant dans ce pays. Des liens ont également été trouvés avec le nord de la France et la Grande-Bretagne.
Il n'en reste pas moins que Gardallaoui est fortement soupçonné être devenu un cadre important d'Al-Qaida, désormais chargé des opérations en Europe occidentale. Il organiserait en particulier la venue d'Européens en Afghanistan. En toute logique, on devrait entendre parler de lui dans l'avenir.
- [1] C'est là un problème auquel sont confrontées couramment les forces de sécurité. Les preuves doivent être juridiquement recevables, que ce soit dans des cas de terrorisme ou de criminalité. Les arrestations avant le déclenchement d'une action délictueuse n'entraînement généralement que des peines modérées voire la remise en liberté presque immédiate. Dans le cas du terrorisme, un « flag » peut rarement être établi.
- [2] Alias « Ouma Obeyda », 49 ans originaire de Tanger, au Maroc.
- [3] A la suite de cette tentative, l'emport de liquides à bord d'avions fut sévèrement réglementé.