Les trafics de drogue du Hezbollah en Amérique latine
Alain RODIER
Depuis la guerre qui l'a opposé à Tsahal pendant l'été 2006, le Hezbollah libanais semble avoir considérablement augmenté son activité criminelle, principalement le trafic de drogue sur le continent américain, afin d'assurer une partie du financement dont il a besoin pour fonctionner [1].
Depuis de nombreuses années, le Hezbollah développe, en Amérique latine, des activités de type criminel qui contribuent à ses ressources : trafics d'êtres humains, de cigarettes, contrefaçons et fraudes financières. Rien que dans la région des « Trois frontières » – située entre le Brésil, le Paraguay et l'Argentine – les activités criminelles rapporteraient plus de 10 millions de dollars par an au Hezbollah. Les autorités américaines auraient identifié un de ses représentants dans cette région qui est considérée comme une « zone grise » [2]. Il s'agirait d'Hassan Barakat. Son adjoint militaire serait un certain Sobhi Mahmoud Fayad qui aurait été arrêté (puis relâché) à trois reprises depuis 1999.
Cependant, le mouvement chiite libanais a récemment étendu sa sphère d'influence en infiltrant notamment la Colombie, le Chili, le Venezuela et le Mexique.
– En octobre 2008, 36 personnes suspectées se livrer au trafic de cocaïne et à des transferts de fonds illégaux au profit du Hezbollah ont été arrêtées en Colombie. Ce réseau envoyait de la drogue par voie aérienne depuis la Colombie et le Brésil en Europe via l'Afrique de l'Ouest – la route la plus sûre pour approvisionner l'Europe. Chekry Harb, un citoyen de nationalité libanaise, qui semble être une des chevilles ouvrières de ce réseau, a été appréhendé. Il recyclait des millions de dollars issus de ce juteux trafic en envoyant l'argent depuis Panama via Hong Kong avec pour destination finale Beyrouth. Un des bénéficiaires de ce pactole était le Hezbollah libanais qui touchait une commission de 12% ponctionnée sur les bénéfices ! Les fournisseurs de cocaïne étaient des anciens membres des milices d'extrême droite AUC qui avaient rejoint des cartels criminels.
– Les autorités chiliennes ont identifié plusieurs sociétés écrans qui serviraient à acheminer des fonds illégaux pour le Hezbollah. La plupart seraient installées dans la zone franche d'Iquique, située au nord du pays. Parmi elles se trouvent la Kalmiar Ltd, la Bahamas Ltd, la Las Vegas Nevada Ltd, la San Francisco Ltd, la Saleh Trading Ltd, la Frankfurt Ltd, la Guanary Ltd, la Teen Chile Ltd et la Lucky Crown Ltd. L'infiltration du Hezbollah au Chili n'est pas récente et daterait du milieu des années 1990.
– Depuis l'arrivée au pouvoir du président Hugo Chavez, les Iraniens et leurs alliés du Hezbollah ont pu s'installer en toute tranquillité dans le pays, profitant pleinement de la sympathie que leur accorde le pouvoir politique. La personnalité gouvernementale qui est en charge des relations avec le Hezbollah serait le vice-ministre chargé de la sécurité urbaine : le docteur Tarek el Ayssami. D'autre part, Washington a bloqué les fonds de deux Vénézuéliens d'origine libanaise qui entretiendraient des liens financiers avérés avec le Hezbollah : Ghazi Nasr al Din et Fawzi Ka'nan. Le Hezbollah serait également très présent sur l'île de Margarita qui est une zone franche où beaucoup d'expatriés libanais chiites sont établis. Cet endroit servirait à des tractations financières occultes mais également à la confection de faux papiers. Dans ce domaine, le Hezbollah est devenu un des leaders dans la fabrication de faux passeports, faux visas, et fausse monnaie. Pour le moment, seuls des dollars contrefaits ont été mis à jour mais des présomptions laissent à penser que les imprimeries du mouvements fabriqueraient des billets libellés en euros.
– Au Mexique, le Hezbollah aurait noué des contacts avec différents cartels afin de participer au trafic d'êtres humains et de drogue transitant vers les Etats-Unis. En dehors de l'intérêt financier que cela représente pour le mouvement, le Hezbollah en profiterait pour introduire clandestinement des activistes sur le sol américain. L'objectif principal serait de récolter ensuite aux Etats-Unis des fonds pour financer le mouvements en prélevant la zakat , des « dons spontanés » [3] recueillis auprès de la population libanaise chiite immigrée – comme cela est déjà le cas en Amérique latine et en Afrique – et en se livrant à un certain nombre de trafics dont le plus connu est celui des cigarettes. Parallèlement, le mouvement tenterait d'obtenir pour son compte – et pour celui de son mentor iranien – des matériels de haute technologie. En échange, les cartels mexicains recevraient armes et entraînement pour ses « sicaires ». De plus, des cellules dormantes seraient mises sur pied. En cas de déclenchement d'un conflit entre les Etats-Unis et l'Iran, ces structures clandestines pourraient alors mener des opérations terroristes d'envergue sur le sol américain.
Dans tous ces pays, le Hezbollah s'appuie sur la communauté libanaise chiite expatriée qui est très nombreuse en Amérique latine. Dans le reste du monde, le groupe terroriste s'est toujours servi de la communauté libanaise expatriée qui est estimée à environ douze millions d'âmes, comparés aux quatre millions de résidents au Liban.
Afin de faire parvenir au Liban tout l'argent récolté de par le monde, le Hezbollah utiliserait notamment les services de la Western Union dont certaines agences établies au Liban seraient infiltrées par des membres du mouvement. Les circuits financiers suivraient des voies détournées – particulièrement via l' Asie du Sud-Est – pour échapper à la surveillance des autorités internationales.
Parallèlement, le Hezbollah reçoit l'appui discret des représentations diplomatiques iraniennes qui sont également en constante augmentation dans cette partie du monde, alors que le contexte politico-économique ne justifie en rien cet accroissement spectaculaire. A l'évidence, l'objectif de Téhéran consiste à développer, via ses représentations diplomatiques pléthoriques – constituées majoritairement de membres des services (Vevak et Pasdarans) – des réseaux clandestins au plus près de son ennemi viscéral : les Etats-Unis.
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Si dans le passé, le Hezbollah a couvert des trafics de drogue, en particulier issus de la plaine de la Bekaa, en prélevant une dîme au passage, sa nouvelle orientation qui consiste désormais à y participer directement, notamment en s'associant à des cartels sud-américains.
Cette volonté de diversifier ses sources de financement ne peut qu'étonner. Est-ce un signe de défiance vis-à-vis du mentor iranien qui a assuré jusqu'ici la majeure partie du financement du mouvement [4] en fournissant une somme estimée entre 60 et 100 millions de dollars par an ?
Cette évolution va poser de nouveaux problèmes. En effet, les réseaux que le groupe terroriste chiite libanais dirigent au Proche-Orient, en Afrique, en Amérique latine et plus modestement en Asie du Sud-Est, va lui permettre d'être très efficace dans son nouveau commerce et donc, d'en tirer de substantifiques bénéfices. La puissance du mouvement chiite libanais devrait donc encore s'accroître dans l'avenir ce qui constitue, non seulement un délicat problème pour le Liban, mais également pour Israël. De ce fait, pour la communauté internationale le Hezbollah n'est plus un souci, mais une menace.
- [1] Celui-ci est estimé entre 100 et 200 millions de dollars par an
- [2] Voir Note d'Actualité n°142 de septembre 2008.
- [3] Ce qui, dans de nombreux cas peut s'apparenter à du racket, les « généreux donateurs » étant soumis à des pressions psychologiques voire physiques.
- [4] Téhéran fournit directement et indirectement des fonds au Hezbollah. Le mouvement chiite récupère régulièrement des liquidités auprès des représentations diplomatiques iraniennes établies à Beyrouth et à Damas mais reçoit également des fonds via des organisations charitables qui financent des écoles, des hôpitaux, des centres médicaux, des organes de propagande, etc. ou directement auprès de banques iraniennes comme la Saderat Bank.