Les services de renseignement iraniens
Alain RODIER
Les services de renseignement occupent une place privilégiée au sein de l'Etat iranien. En effet, c'est en grande partie sur eux que repose la sécurité du régime théocratique.
Leur mission première est de combattre toute menace qui pèse sur le régime des mollahs, qu'elle soit d'origine intérieure ou extérieure. Ainsi, traditionnellement, ces services ont toujours fait une chasse féroce aux opposants politiques, ethniques ou religieux.
Leur deuxième tâche consiste à s'opposer aux actions du « grand » et « petit Satan » et à leurs alliés (les Etats-Unis, Israël et les Occidentaux en général), c'est-à-dire combattre ces Etats en menant une guerre secrète qui a beaucoup fait appel au terrorisme dans le passé. Cette action se poursuit actuellement sur les théâtres afghan et irakien. Plus discrète encore sont les opérations que mènent les services iraniens au Yémen et sur l'ensemble des continents africain et sud-américain via l'importante diaspora libanaise qui est infiltrée depuis des lustres par le Hezbollah libanais, lequel sert d'intermédiaire aux services de Téhéran.
La dernière mission qui leur est confiée, et non des moindres, consiste à participer à la mise à niveau des forces armées et du potentiel nucléaire. En effet, face à l'embargo décrété par la communauté internationale, les services iraniens doivent trouver sur le marché parallèle les pièces de rechange et les composants qui sont indispensables au pays pour poursuivre la modernisation de son arsenal militaire en général, et la réalisation d'une force de frappe nucléaire en particulier.
Afin de mener à bien ces missions aussi variées que diverses, les services de Téhéran ont mis en place un maillage serré dans toutes les provinces iraniennes et sur l'ensemble de la planète.
Le ministère du renseignement et de la sécurité (Vevak)
Entre 1981 et 1984, un organisme portant le nom de Savama ( Sazman-e Ettela'at va Amniyat-e Melli-e Iran ) a existé. Il s'apparentait à un service spécial, car il semble que sa seule mission ait consisté à éliminer tout ce qui pouvait être considéré comme une opposition directe ou potentielle au régime des mollahs, aussi bien en Iran qu'à l'étranger. En effet, à l'époque les nouveaux maîtres de Téhéran craignaient d'être renversés par une opposition intérieure car ils n'avaient pas encore réussi à asseoir solidement leur régime.
Une fois que la situation a été jugée suffisamment stabilisée, un véritable service de renseignement a vu le jour : le ministère du Renseignement et de la Sécurité nationale, Vevak ( Vezarat-e Ettela'at va Amniyat Keshvar ). Il est créé officiellement le 18 août 1984, alors que Mir Hossein Moussavi est Premier ministre. Son premier chef est alors l'ayatollah Mohammad Mohammed Reychari (tous ses successerus seront également ds religieux). Le Vevak reprend les attributions de la Savak, service spécial particulièrement redoutable qui sévissait du temps du Shah. Bien que nombre d'officiers de ce service aient été exécutés après la révolution, le nouveau pouvoir a l'intelligence d'en retourner un certain nombre qui apportent leurs compétences professionnelles à la constitution du nouveau service. Le plus connu est l'ancien numéro deux de la Savak, le général Hossein Fardoust, qui est affecté comme conseiller auprès du bureau de renseignement du Premier ministre de l'époque, Medhi Bazargan. C'est sous l'égide de cet organisme que la Savama puis le Vevak voient le jour. Cependant, Fardoust est ensuite emprisonné et décède en prison le 18 mai 1987.
Le Vevak est très actif à l'intérieur comme à l'étranger. Sa mission première consiste toujours à traquer les opposants au régime. Mais, avec le temps, d'autres objectifs sont venus se greffer à la mission initiale. Un des plus importants consiste à approvisionner l'Iran en matériels soumis à embargo, au premier rang desquels se trouvent les armements, les pièces de rechange militaires et tout ce qui est nécessaire au développement d'un programme nucléaire. Une autre mission nouvelle consiste à préparer les représailles au cas où les Etats-Unis ou Israël (ou les deux Etats ensemble) envisageraient une intervention armée afin d'interrompre le développement du programme nucléaire national.
Le chef actuel du Vevak est le mollah Heydar Moslehi. Son prédécesseur, Qolem Mohseini Ejei, a été démis de ses fonctions la 26 juillet 2009. Il lui aurait été reproché de ne pas avoir su bien gérer la crise contestataire qui secoue le pays. Il avait été investi après la première élection du président Mahmoud Ahmadinejad, le 24 août 2005. Il avait lui-même succédé à Ali Younessi, qui était affublé du terme de « réformateur ». Un des chefs les plus célèbres du Vevak est l'hodjaloteslam Ali Fallahian, qui a été en fonction de 1989 à 1997. Avec d'autres dignitaires du régime – dont l'ayatollah Hachemi Rafsandjani, Mohsen Rezaï et deux de ses successeurs, Dorri Najafabadi (nommé en 1998) et Ali Younessi (nommé en février 1999) – il fait l'objet d'un mandat d'arrêt international pour l'assassinat de dissidents en septembre 1992, à Berlin.
Organisation
En théorie, le Vevak est placé sous l'autorité du Conseil suprême de la Sécurité nationale (CSSN), l'organisme le plus élevé de la Défense. En fait, il répond de ses actes directement auprès du Guide suprême de la révolution, l'Ayatollah Ali Khamenei. Son quartier général est situé à Téhéran, dans les anciens locaux de la Savak.
Le Vevak comprend 15 000 personnels, tous civils, à la différence de la défunte Savak qui avait un statut militaire. Entre 2 000 et 8 000 de ses membres sont affectés à l'étranger. Cette estimation est imprécise car il est difficile de comptabiliser les officiers traitants, présents pour des missions de courte ou moyenne durée, à l'étranger. En général, un résident sous couverture diplomatique reste en place de trois à cinq ans. Un clandestin peu passer sa vie à l'étranger.
Le Vevak se compose de cinq directions, placées sous l'autorité d'une direction générale qui porte le numéro 10 :
- la direction de l'Analyse et de la Stratégie (n°11) a en charge une mission d'analyse au profit des hautes autorités, mais aussi les opérations de désinformation ;
- la direction de la Sécurité Intérieure (n°12) est chargée de la protection des institutions étatiques et du contrôle des lieux de transit internationaux (aéroports, ports, frontières) ;
- la direction de la Sécurité nationale (n°13) a pour mission de surveiller tous les mouvements d'opposition ;
- la direction du Contre-espionnage (n°14) est compétente aussi bien à l'intérieur qu'à l'étranger ;
- la direction du Renseignement extérieur (n°15) regroupe les missions de recherche et d'analyse de renseignements. Elle est divisée en départements géographiques et thématiques. Le département n°155 a en charge le soutien de mouvements islamiques. Le département n°157 qui est implanté au sein du ministère des Affaires étrangères a pour mission de gérer les postes dissimulés dans les représentations diplomatiques.
A côté de ces directions se trouve des départements d'importance inégale :
- le département des affaires extérieures ;
- le département du renseignement intérieur ;
- le département de la planification ;
- le département d'étude des religions ;
- le département du renseignement sur Téhéran ;
- le département de la documentation ouverte ;
- le département du procureur général ;
- le département des opérations ;
- le département de la formation ;
- le département de l'administration ;
- le département des approvisionnements ;
- le département des services financiers.
Les membres du Vevak sont étroitement contrôlés et encourent les pires sanctions en cas de manquement à la sécurité. Par le passé, certains de ses responsables, même parmi les plus importants, ont fait l'objet de purges sanglantes, à l'exemple du vice-ministre de la Sécurité (statutairement, le numéro deux du Vevak), Saïd Emami qui a été incarcéré puis qui s'est « suicidé » en prison pour « raison d'Etat ». En fait, Emami aurait supervisé l'assassinat d'une centaine d'opposants en Iran. Cette sale besogne étant devenue trop voyante, le pouvoir aurait supprimé ce témoin gênant.
Généralement, les fonctionnaires du Vevak ne sont pas des islamistes purs et durs mais plutôt des nationalistes. C'est pour cette raison qu'ils sont surveillés de près par des pasdaran qui s'assurent de leur loyauté. Il y a d'ailleurs là un mystère. En effet, une grande partie des personnels du Vevak sont d'anciens pasdaran. On peut s'interroger sur le pourquoi de cette défiance affichée. Peut-être que leur contact avec le monde extérieur a émoussé leur foi dans le régime. C'était déjà le cas avec beaucoup de membres du KGB qui purent constater, à leur époque, que le monde capitaliste ne correspondait pas à l'image que le Parti communiste véhiculait.
Infrastructure à l'étranger
Les agents officiels servent à l'étranger sous couverture diplomatique. D'ailleurs, le Vevak agit en étroite coopération avec le ministère des Affaires étrangères. Certains ambassadeurs iraniens sont même des officiers traitants du Vevak, chose qui est impensable dans tout pays ayant une apparence minimum de démocratie…
Pour leur part, les agents clandestins sont souvent des personnels d'Iran Air, de l'agence de presse IRNA, de la radiotélévision IRIB, d'associations culturelles ou caritatives (la Fondation des martyrs, la Fondation des opprimés et des dépossédés, l'Organisation pour la culture et les relations islamiques, etc.), des étudiants, des hommes d'affaires, des commerçants, des employés de banques, des médecins, des infirmières, etc. Même le Croissant Rouge iranien sert à l'occasion de couverture. Certains des agents clandestins ont réussi à infiltrer les divers mouvements d'opposition iraniens installés à l'étranger. Leur mission consiste alors, non seulement à surveiller de l'intérieur ces mouvements jugés hostiles, mais aussi à se livrer à des opérations d'intoxication et de désinformation.
Les banques iraniennes, comme la banque Melli, servent également à fournir discrètement les fonds nécessaires à la vie des réseaux constitués par les officiers traitants du Vevak.
Etant donné le nombre important d'officiers traitants résidant à l'étranger, il est évident que toutes les grandes capitales en accueillent plusieurs. Traditionnellement,, l'Irak, l'Arabie saoudite, les pays du Golfe persique et d'Asie centrale constituent des objectifs importants pour les services iraniens.
Un des plus important poste du Vevak à l'étranger se trouve situé à Amman, en Jordanie. En dehors du fait que la capitale jordanienne est géographiquement intéressante car elle permet de couvrir le Proche-Orient, des liens étroits unissent le Vevak avec les services de renseignements militaires jordaniens.
Les Syriens, les Soudanais, les Libyens, les Russes et les Tadjiks constituent également des interlocuteurs privilégiés pour le Vevak avec lequel ils échangent fréquemment des informations.
Etant donné l'intérêt stratégique de la zone, des postes sont également présents au sein des représentations diplomatiques iraniennes en Arabie saoudite et dans les Emirats arabes unis (EAU), particulièrement à Dubaï et à Barhein. Ces pays zone servent à faire transiter discrètement des fonds en provenance d'Iran vers le Hezbollah libanais.
En Europe, des postes importants ont été localisés à Paris, Bruxelles, Berlin (précédemment à Bonn), Vienne, Genève, Nicosie (Chypre), Ankara et Istanbul.
Objectifs
Traditionnellement, la première mission du Vevak est la surveillance, l'influence, la neutralisation – pouvant aller jusqu'à l'élimination physique -de membres de l'opposition réfugiés à l'étranger. C'est ainsi que plus de cent meurtres ont été commis depuis 1979. Le mouvement le plus visé est le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), qui chapeaute l'Organisation des moudjahiddines du peuple d'Iran (OMPI). Le Parti démocratique kurde iranien (PDKI) est également sur la liste de ses objectifs. Son chef, Sadegh Sharah-Kindi, et trois de ses fidèles ont été abattus dans un restaurant en Allemagne, le 17 septembre 1992. Le chef du Vevak de l'époque, Ali Fallahian, a été inculpé en mars 1996 par un tribunal allemand pour avoir commandité ces assassinats. Quelques autres personnalités ont aussi été assassinées : Kazem Radjavi, en Suisse en avril 1990 ; Cyrus Elahi, à Paris en octobre 1990 ; Abdelrahman Boroumad, à Paris, en avril 1991 ; Chapour Bakthiar, à Suresnes en août 1991 ; Mohammed Hossein Naghdi, à Rome en mars 1993 ; Zera Rajabi, à Istanbul en février 1996 ; et Reza Mazlouman, à Créteil en mai 1996, etc. Les opérations homo (élimination physique en jargon des services spéciaux) se sont intensifiées en Irak depuis l'invasion américaine de 2003, Les opérateurs du Vevak faisant souvent passer la mort d'un opposant pour un crime crapuleux ou une action des milices sunnites. A titre d'exemple, le 13 octobre 2006, Abdul-Rahim Nasrallah, le leader du Parti national pour la justice et le progrès (NJPP) – un mouvement politique irakien fortement opposé à Téhéran – a été assassiné avec dix de ses fidèles à Bagdad par des hommes portant des uniformes de la police. Certains experts voient la main du Vevak derrière cette attaque parfaitement ciblée.
Les Kurdes
Les mouvements kurdes sont une des préoccupations principales du Vevak. Si les Kurdes iraniens sont très surveillés, les membres du PKK (Turquie) tiennent une place à part. En effet, Osman Öcalan – le frère d'Abdullah Öcalan, le leader historique du mouvement aujourd'hui emprisonné en Turquie – résidait en Iran depuis le début des années 90. Il partage désormais la direction politique du mouvement séparatiste et se serait replié en Irak du Nord. Cette politique ambiguë permet à Téhéran de faire pression sur Ankara afin de limiter la coopération de la Turquie avec les Etats-Unis. L'Union patriotique du Kurdistan (UPK) de Jalal Talabani est également infiltrée par le Vevak depuis de très longues années. Il suffit, pour s'en convaincre, de constater comment Talabani, actuellement président irakien en exercice, est intervenu rapidement pour que les Américains libèrent des membres des services spéciaux iraniens faits prisonniers en Irak fin 2006 et début 2007.
Les sunnites
Un autre objectif prioritaire est constitué par les mouvements sunnites extrémistes (salafistes/wahhabites), du Pakistan, des Emirats arabes unis et d'Arabie saoudite. A l'occasion, les services iraniens se sont frottés à l'Inter Services Intelligence (ISI) pakistanais et aux services saoudiens ( Istikhbarat al'Am ). Les zones d'action prioritaires sont Lahore, Karachi, Quetta et l'Afghanistan, où sept diplomates en poste au Consulat de Mazar I-Sharif et un « journaliste » iraniens ont été assassinés en 1998.
Depuis sa création, Al-Qaida est l'objet de toutes les attentions du Vevak. Des rumeurs laissent penser que les services iraniens ont assassiné Abdullah Azzam, ce Palestinien, chef du Bureau d'aide aux moudjahiddines (MAK) en novembre 1989. Ce dernier semblait faire un peu trop d'ombre à Oussama Ben Laden qui fut pourtant son élève. En octobre et novembre 2001, les services iraniens ont facilité l'exfiltration de membres d'Al-Qaida – dont des membres de la famille de Ben Laden – d'Afghanistan ,suite à l'intervention américaine. De nombreux indices laissent penser que Téhéran utilise une partie d'Al-Qaida pour mener à bien sa politique extérieure. L'objectif principal de Ben Laden, qui est de déstabiliser le régime en place en Arabie saoudite, paraît intéresser également Téhéran. L'ampleur des actions de la nébuleuse djihadiste permet en outre de cacher certaines opérations clandestines des services iraniens.
Certains réfutent cette thèse en déclarant que les chiites et les sunnites ne peuvent s'entendre. C'est oublier un peu vite que l'imam Khomeiny a toujours déclaré que les différences entre chiites et sunnites « sont plus historiques que théologiques ». Si la période intermédiaire des présidents Hachemi Rafsanjani et Khatami a mis entre parenthèses cette vision des choses, l'arrivée au pouvoir d'Ahmadinejad semble avoir été un retour aux sources.
En effet, à l'image des Frères musulmans, du Jamaat-i-Islami égyptien, du Hamas, du Djihad islamique et du Front populaire de libération de la Palestine-Commandement général (FPLP-CG), divers mouvements sunnites se sont joints à la lutte engagée par l'Iran contre l'« impérialisme judéo-chrétien ». En échange, Téhéran a accordé, dès l'automne 2006, 50 millions de dollars au Hamas qui peine à trouver des fonds depuis la défection d'une partie des financements occidentaux. En janvier 2007, le ministre des Affaires étrangères palestinien, Mahmoud al Zahar reconnaissait que Téhéran avait déjà fourni plus de 120 millions de dollars d'aide au gouvernement dirigé par le Hamas ! Il a même ajouté que cette aide devrait se poursuivre dans l'avenir. Il est aussi très significatif de constater que de nouvelles tactiques, copiées sur celle du Hezbollah libanais formé par des instructeurs iraniens, sont désormais employées par les forces du Hamas et du Djihad islamique.
La donne a encore changé avec la conquête de la bande de Gaza par le Hamas en juin 2007. Cette opération a été méticuleusement préparée à l'avance par les services spéciaux iraniens. Leur objectif est de constituer une base arrière solide au sud de l'Etat d'Israël afin de pouvoir, le jour venu, lancer des opérations de harcèlement à l'intérieur même du territoire hébreu. La phase suivante consiste à renforcer le pouvoir du Hamas dans la région, l'approvisionner en armes et munitions, et parfaire l'entraînement militaire de ses activistes.
L'Irak et l'Afghanistan
L'Irak constitue actuellement un terrain d'opérations privilégié pour le Vevak. Les réseaux de renseignement iraniens en Irak datent du temps du Shah. Certains officiers traitants de la Savak, spécialistes de ce pays, ont même été rappelés à leur poste par le régime des mollahs après leur prise du pouvoir en 1979, car les nouveaux gouvernants avaient confiance dans leur expertise. Le parti Baassiste de Sadam Hussein (aujourd'hui disparu à la plus grande satisfaction de Téhéran) était également infiltré par des agents iraniens, exploit que même les services américains et israéliens ne sont jamais parvenus à réaliser. Depuis l'invasion américaine de 2003, le Vevak, en coopération étroite avec les pasdaran, a installé des postes de renseignement à Bagdad, Nadjaf, Kerbala, Kut, Bassora et Kirkouk.
A l'est, l'Afghanistan fait aussi l'objet de toutes les attentions des services iraniens. Les tribus du pays n'ont aucun secret pour les Iraniens qui les ont infiltré depuis des années. Le Vevak aurait même réussi à recruter une taupe au sein de l'armée britannique. Malgré son faible grade, un caporal d'origine iranienne -parlant couramment le pachtoun – qui servait d'interprète au commandant des troupes de l'OTAN et avait accès à de nombreuses informations sensibles. Dans ce pays, Téhéran s'appuie sur des ennemis d'hier, notamment le Hezb-I-Islami de Gulbuddin Hekmatyar, qui fut combattu en son temps comme les taliban, car Téhéran pensait que les uns et les autres constituaient une menace pour le régime iranien.
Les services iraniens ont également apporté directement leur aide à l'armée bosniaque depuis 1993. Les estimations les plus répandues évoquent la présence de 2 500 « conseillers » en 1995.
Israel
Enfin, le Vevak est actuellement engagé dans une lutte sans merci pour empêcher le Mossad de nuire à sa politique d'acquisition de l'arme nucléaire. En effet, les Israéliens mènent une guerre secrète pour ralentir le processus qui doit amener à terme Téhéran à posséder l'arme nucléaire. Le Mossad n'hésite pas à s'en prendre à des scientifiques et à des industriels qui sont susceptibles d'apporter leur aide à Téhéran.
Le recours à la méthode forte
Il est convient de souligner que le Vevak n'est pas doté d'un service action. Ce type de mission est confié aux pasdaran, en particulier à la force Al Qods. C'est d'ailleurs le chef des pasdaran, le général Suleimani, qui aurait traité personnellement Al-Zarkaoui, le chef d'Al-Qaida en Irak. En effet, ce dernier aurait été un agent iranien jusqu'en 2004. Ce sont également les pasdaran qui ont eu la charge de former des « résistants » irakiens à l'emploi d'IED, lesquels ont causé tant de victimes parmi les forces de la coalition. Plus récemment, selon les autorités américaines et britanniques, il semble que les pasdaran ont formé des activistes irakiens au maniement de missiles anti-aériens portables.
En règle générale, le Vevak apporte les renseignements nécessaires et les pasdaran s'occupent des opérations. Les moyens d'action des services iraniens sont souvent violents. Ils n'hésitent pas à employer l'arme terroriste. Les opérations les plus célèbres sont : l'attentat contre des détachements militaires français et américains au Liban en 1983, qui ont causé la mort de 299 personnes ; une série d'attentats à la bombe à Paris en 1989 (12 morts) ; les attaques contre l'ambassade d'Israël et la communauté juive à Buenos Aires, en 1992 et 1994 (125 tués) ; et vraisemblablement l'attentat de Dahran dirigé contre les Américains en Arabie saoudite, le 26 juin 1996 (19 Américains avaient été tués et 372 personnes blessées). Le Hezbollah saoudien est suspecté avoir commis ce dernier attentat en liaison avec Al-Qaida. Dans le cadre de cette affaire, Le nom d'un officier supérieur des pasdaran est souvent cité : Ahmad Chafiri.
L'Organisation du renseignement du Corps des gardiens de la Révolution islamique
En ce qui concerne l'étranger, l'Organisation du renseignement du Corps des gardiens de la Révolution islamique ( Ettella at e Sepâh ) est composée de deux comités. Celui du renseignement et celui de l'exécution des opérations. Cette organisation a été créée à l'origine par Mohsen Rezaï, un des candidats malheureux à l'élection présidentielle de 2009. Etroitement lié au Vevak, utilisant les mêmes couvertures, ses membres gardent cependant leur autonomie, servant parfois à surveiller leurs homologues des services de renseignement. Cependant, on peut trouver certains d'entre eux au poste d'attaché de défense. Ils servent alors es qualité.
En Iran, les pasdaran ont des bureaux de renseignement implantés dans tout le pays et plus particulièrement au sein des unités militaires. Une partie de leur mission peut alors être apparentée à celle d'une sorte de « sécurité militaire ». En effet, les mollahs ont toujours gardé une grande défiance vis-à-vis des cadres de l'armée, même si aujourd'hui plus aucun officier n'a servi du temps du Shah [1]. En effet, les officiers, toutes nations confondues, sont généralement plus motivés par un sentiment nationaliste qu'idéologique ou religieux. Cela peut les mener à des contradictions psychologiques qui les conduisent à se révolter contre le pouvoir politique. Une rébellion de l'armée iranienne pourrait avoir raison du régime. Toutefois, elle paraît être bien verrouillée à l'heure actuelle.
Comme cela l'a été décrit précédemment, les pasdaran sont plus tournés vers l'action, la force Al-Qods fournissant les exécutants aussi bien en Iran qu'à l'étranger. Cette dernière commandée par le général Qassem Suleimani est forte d'environ 20 000 hommes. Son état-major est installé dans l'ancienne ambassade des Etats-Unis à Téhéran rebaptisé « caserne Kazemi ».
En Europe, le responsable des cellules dormantes serait Mohammad Reza Yazdan Panah – alias Hossein Allah-Karam. Il aurait été détaché au sein du Hezbollah. Il est secondé par le colonel Sa'id Ghasmi. Dans les Etats du Golfe persique, ce serait un Arabe (nationalité inconnue) du nom de Bad al Emir Efrawi qui aurait cette responsabilité. Il dépendrait de la division Al-Qods et utiliserait comme couverture le Croissant rouge iranien.
Les autres structures de renseignement
Il existe également une multitude d'autres structures traitant du renseignement :
- le bureau 101 rattaché directement au Guide suprême de la Révolution,
- le Bureau de sauvegarde du renseignement de l'armée,
- le J-2 de l'état-major général, qui a particulièrement en charge le renseignement fourni par les satellites,
- l'Unité de renseignement et d'enquête du bureau du Premier ministre,
- le Direction de la sécurité des milices bassidjis,
- l'Unité du renseignement des komitehs de la révolution islamique,
- le Bureau du renseignement du Procureur de la Révolution.
Des rumeurs laissent entendre que le renseignement iranien aurait été placé, à l'automne 2009, sous l'autorité d'un seul homme : Hossein Ta'eb, l'ancien chef des milices bassidjis. Il aurait établi ses bureaux à Qars-e Firouzeh, l'état-major même des pasdaran. Il ne rendrait compte qu'au Guide suprême de la révolution via son chef de cabinet, Ali Asghar Hejazi.
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Les services de renseignement iraniens jouent un rôle de tout premier plan pour soutenir le régime des mollahs. Tant que ceux-ci seront fidèles à leurs maîtres, il n'y a pas de raison de penser que le pouvoir en place à Téhéran soit déstabilisé ou renversé. En effet, quoiqu'en disent les médias occidentaux, l'opposition actuelle n'est absolument pas une menace majeure pour le pouvoir. Les services paraissent parfaitement verrouiller la situation et, suprême paradoxe, l'agitation leur a même permis d'identifier les individus qui pouvaient à terme représenter une alternative politique crédible. Il leur est désormais d'autant plus facile de les neutraliser, soit en les décrédibilisant, soit parfois, en les éliminant physiquement.
- [1] Ce phénomène s'observe dans beaucoup d'autres dictatures : les officiers de l'Armée rouge soviétique et actuellement de l'Armée populaire de Chine étaient contrôlés par des commissaires politiques acquis à l'idéologie communiste, ceux de l'armée nazie étaient contrôlés par les SS, etc.