Les forces spéciales du Hezbollah
Jamil ABOU ASSI
Jamil Abou Assi
Chercheur associé au CF2R, spécialiste du Moyen-Orient
Un site internet d’information libanais a publié une photo d’un homme masqué, le présentant comme un membre d’une unité méconnue des forces spéciales du Hezbollah. Cette unité aurait été aperçue cette semaine dans la banlieue sud de Beyrouth, à l’occasion de la fête religieuse chiite d’Achoura. L’article présente cette formation comme l’équivalent de l’unité de reconnaissance EGOZ de la brigade Golani ou des groupes SWAT américains.
Selon une source proche du parti, cité par la presse du pays de cèdres, cette unité ferait partie des « Brigades militaires Redwan ». Anciennement appelée « Forces d’intervention », elle regroupe les soldats d’élite du Parti de Dieu. Elle a été restructurée pendant le conflit de juillet 2006 par l’ancien chef militaire du Hezbollah, Imad Mughniyeh[1], tué en Syrie en 2008 lors d’une opération attribuée au Mossad israélien. La brigade porte d’ailleurs l’un des noms de guerre de Mughniyeh, qui se faisait appeler – entre autres – Hajj Redwan[2].
Structure et mission des Brigades Redwan
Dirigé par Mohamad Ali Hamadi[3], Ces brigades sont formées de plusieurs bataillons dont on ignore la structure. Mais selon plusieurs sources d’informations, ils seraient au nombre de cinq et portent des numéros les identifiant : 501, 502, 801 et 802. Un cinquième bataillon serait identifié par le nom de Jawad, du nom de son commandant, le fils du chef du Hezbollah, Jawad Nasrallah. Ces brigades ont joué un rôle décisif dans la guerre de juillet 2006 qui opposait le Parti à l’armée israélienne. Plus récemment, elles ont été à l’origine du renversement de situation au profit du régime syrien, lors des batailles d’El Kassir et de Kalamoune.
En cas d’un nouveau conflit entre le Hezbollah et Israël, se sont ces brigades qui seront à la manœuvre pour appliquer la stratégie du parti qui a été décrite lors du dernier discours d’Hassan Nasrallah. Ce dernier avait menacé l’état hébreu, en cas d’attaque, de cibler l’aéroport Ben Gourion et les ports maritimes, tout en confirmant que sa participation à la guerre en Syrie n’affecte pas sa capacité opérationnelle dans le sud du Liban.
Ces unités assurent également une autre fonction : la protection du chef du Hezbollah ainsi que des principales personnalités du mouvement. L’unité en charge de la protection de Nasrallah est constituée de 150 personnes, sélectionnées par le chef du service de sécurité et de coopération du Parti, Wafiq Safa, le chef de renseignement du Parti de Dieu. Vingt des membres de cette unité assurent la protection rapprochée de Nasrallah sous le commandement d’Abou Ali Jawad. Les 130 autres assurent des missions d’observation et de renseignement lors des déplacements du chef du parti.
Une unité équipée par la Russie
Les hommes armés et masqués apparus lors du dernier discours de Nasrallah ont attiré l’attention des observateurs sur leur matériel, notamment un casque équipé de lunettes électroniques. La raison de leur apparition pourrait être un message adressé aux adversaires du Parti pour montrer sa capacité opérationnelle et surtout ses moyens techniques.
A la suite de cette démonstration, plusieurs journaux libanais ont fait état d’un accord secret entre le Parti de Dieu et l’industrie de l’armement russe portant sur la livraison de 500 casques avec lunettes électroniques que certains membres de l’unité de protection de Nasrallah portaient. La particularité de ces casques serait leur capacité à détecter des explosifs dans leur champ de vision. Le montant de cette transaction n’a pas été communiqué par la Pravda, le journal russe qui a révélé l’information, reprise par la presse libanaise. Mais la presse libanaise a désigné Wafiq Safa comme le responsable de cette transaction.
Wafiq Safa, le véritable numéro 2 du Hezbollah
Wafiq Safa est considéré comme l’un des hommes les plus influents du Hezbollah. Certaines sources lui attribuent une importance supérieure à Naïm Kassem, le secrétaire adjoint du parti. Il dirige le service de renseignement du parti (Jihaz Al Amn wa Al Irtibat) et se réfère directement au directeur du Conseil exécutif, Hachem Safieddine.
Né le 1er septembre 1960, il est marié et père de trois enfants : Ali, Hussein et Mohamad Safa. Au-delà de sa fonction principale dans le service de sécurité, il est en charge de la coordination entre le parti et les divers courants de la classe politique libanaise. Il est notamment le chargé de liaison entre le chef du Hezbollah et le leader druze Walid Joumblatt. Il a également joué un rôle important dans l’échange de prisonniers avec Israël et est considéré comme le véritable responsable de la sécurité de l’aéroport International Rafic Hariri de Beyrouth[4].
- [1] Cf. « Retour sur l’assassinat d’Imad Mughniyeh »,
- [2] Dans la tradition musulmane, Redwan est le gardien du paradis. A travers ce pseudonyme, Mughnieyh montrait qu’il veillait sur les siens, qui étaient catapultés dans l’au-delà. Autrement dit, il ne laissait pas tomber les familles des martyrs
- [3] Condamné en 1987 en Allemagne pour son implication dans l’attaque de TWA 847, il a été libéré en 2005. Rentré au Liban, il n’a jamais quitté le pays des cèdres. Il est inscrit sur la liste des personnes les plus recherchées par le FBI.
- [4] En vertu de la répartition communautaire des postes les plus importants, le responsable de la sécurité de l’aéroport doit être de confession chiite et, dans les faits, il est sous la tutelle de Safa