Le reseau Echelon au secours de Maddie
Alain CHARRET
La presse britannique l’a annoncé le 3 juin et il semble que cela soit confirmé. Le fameux réseau mondial d’interception Echelon a été mis à contribution dans le cadre de l’enquête sur la disparition de Maddie. Cette petite Britannique de quatre ans a disparu le 3 mai dernier, alors qu’elle se trouvait en vacances avec ses parents à Praia da Luz, au Portugal. Les enquêteurs portugais ont rapidement reçu l’aide de leurs homologues britanniques, sans toutefois enregistrer d’avancée significative.
Il semblerait donc que Scotland Yard ait eu recours au réseau Echelon par l’intermédiaire du Government Communications Headquarter(GCHQ), basé à Cheltenham. Découvert par le grand public européen en 1998, Echelon est un vaste réseau d’écoutes développé en association par les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada, l’Australie et la Nouvelle Zélande. Si au départ ce type d’infrastructure était destiné à surveiller le pacte de Varsovie, à la chute de l’URSS ses priorités ont été revues. Il servirait maintenant à la lutte contre le terrorisme, mais également à l’espionnage industriel. Il est géré par des ordinateurs à haute capacité de calcul, qui réagiraient à des mots-clés préalablement programmés et enregistreraient ainsi toutes les communications comportant les mots recherchés.
À en croire les médias britanniques, et notamment The People, parmi le flot de communications téléphoniques traitées1, un portable espagnol utilisant une carte prépayée, aurait retenu l’attention des « grandes oreilles » anglaises. Au cours des appels passés en langue arabe, il aurait été fait mention de « The little blonde girl ». Il aurait également été fait référence à ses parents, Kate and Gerry McCann, et à leur entrevue avec le pape Benoît XVI. Un ressortissant allemand aurait également été mentionné, ainsi que différents pays dont le Maroc, la Hollande et l’Allemagne. Le port espagnol de Tarifa aurait également été cité. Or, des ferries quittent huit fois par jours Tarifa à destination de Tanger, au Maroc. La traversée ne dure que 35 minutes. Tarifa se trouve à moins de trois heures de route de Praia da Luz, la ville portugaise où séjournait la famille McCann au moment de la disparition de Maddie.
Bien entendu, on ne peut que se réjouir d’un tel déploiement de moyens dans le seul but de retrouver une enfant disparue. Cependant les services britanniques se heurtent à l’anonymat procuré par l’utilisation d’une carte prépayée. Pour le moment il est donc impossible d’identifier le mystérieux possesseur de ce téléphone portable. Et sa localisation, si elle est techniquement possible, risque d’être très difficile à réaliser sur un plan pratique. D’autant plus que, depuis sa publication dans différents médias, il y a fort à parier que l’appareil ait été abandonné.
La technique aussi sophistiquée soit-elle, a ses limites. On le voit quotidiennement dans la lutte contre le terrorisme international. Echelon n’a pas permis la capture de Ben Laden et de ses adjoints, dès lors qu’ils ont cessé d’utiliser leurs téléphones cellulaires ou encore satellitaires. Il semble d’ailleurs que dans le domaine du terrorisme international, le seul rôle encore confié aux téléphones portables soit celui de déclencheurs à distance pour charges explosives, lors d’attentats.
Au problème technique s’ajoute la masse de renseignements ainsi recueillis qui ne peut être exploitée suffisamment rapidement pour être véritablement efficace. On l’a vu d’ailleurs dans le cas des attentats du 11 septembre 2001 où des messages significatifs avaient été interceptés quelques jours auparavant, mais n’avaient pu être exploités à temps faute de moyens humains suffisants. Car si le renseignement technique est important, le facteur humain ne le demeure pas moins.
D’autre part, dans le cas présent, il est loin d’être acquis que la conversation interceptée ait un lien direct avec les auteurs du rapt. En effet, il ne serait pas surprenant qu’un homme de langue arabe se trouvant au Maroc, dans le sud de l’Espagne, ou encore au Portugal, évoque l’actualité régionale et parle du cas de Maddie, comme l’on fait des milliers, voire des millions, d’autres personnes qui se sont senties touchées par ce drame. Il suffit de voir le nombre de courriels et de sites relayant les messages de recherches, pour s’en convaincre. Ceci signifie qu’un grand nombre de communications traitant de l’enlèvement, mais n’ayant rien à voir avec ses auteurs, a du être enregistré. Autrement dit, des milliers de personnes ont probablement vu leur intimité violée au détriment du droit le plus élémentaire. Car bien entendu, les interceptions hertziennes ont toujours bénéficié d’un flou juridique profitant aux services d’écoutes étatiques qui se dispensent ainsi de tout contrôle judiciaire dès lors qu’il s’agit de banales écoutes radioélectriques.
Cette affaire ne fait que confirmer l’usage intensif du réseau mondial d’espionnage Echelon par les anglo-saxons. Si dans ce cas précis, son usage est louable, n’oublions pas qu’il est également utilisé à des fins stratégiques sur le plan militaire, mais également économique. Une raison supplémentaire pour sensibiliser les décideurs et autres détenteurs potentiels de secrets, sur les dangers d’user du téléphone portable pour traiter d’opérations sensibles, qu’elles soient politiques, commerciales ou encore financières.
- 1 On parle de trois millions par minute.