Le groupe islamique des combattants libyens (GICL)
Alain RODIER
Dans son premier discours devant le comité sénatorial du renseignement américain, le 2 février 2006, John D. Negroponte, le nouveau directeur du renseignement national qui coiffe tous les organismes de renseignement (CIA, NSA, FBI, etc.), a clairement désigné l’ennemi prioritaire des Etats-Unis pour 2006 : Al-Qaida. D’une manière assez surprenante, il a accordé une certaine importance au groupe libyen Jamaa al Islamiya al-Muqatila (Groupe Islamique des Combattants Libyens/GICL) qui reste cependant assez discret sur la scène du terrorisme international.
Un groupe récent et plutôt discret
Le GICL a été formé au début des années 1990, en Afghanistan, par des militants libyens internationalistes venus combattre les Soviétiques et qui étaient restés sur place après le départ de ces derniers. Son existence n’a été officiellement annoncée qu’en 1995, mais il est de notoriété publique qu’il a été l’un des membres fondateurs d’Al-Qaida avec le Al-Gamaa Al-Islamiyah égyptien, le Jihad yéménite, le Al-Hadith pakistanais, la Ligue des Partisans libanais, le Bait Al-Imam jordanien et le Front Islamique du Salut algérien. Une grande partie de ses militants est alors rentrée en Libye afin de tenter de renverser le régime du colonel Kadhafi et lui substituer un Etat islamique radical. Des actions terroristes ont ainsi eu lieu à l’intérieur du pays. Les services de sécurité libyens ont notamment réussi à déjouer une tentative d’attentat dirigée contre le bouillant colonel. Fou de rage, ce dernier a entamé une lutte sans merci contre le GICL et, chose impensable auparavant, des liens ont été noués avec les services de renseignement occidentaux pour lutter contre la nébuleuse Al-Qaida initiée par Ben Laden. Les opérations policières menées en Libye ont obligé à la plupart des activistes du GICL de quitter le pays pour reprendre leurs activités à l’étranger. Beaucoup de militants se sont éparpillés au sein de cellules internationalistes d’Al-Qaida.
Le plus célèbre est Anas Al-Liby1 qui participa aux attentats du 7 août 1998 contre les ambassades américaines de Dar es Salaam, en Tanzanie, et de Nairobi,au Kenyan. Il fait partie de la liste des terroristes les plus recherchés par le FBI.
Un autre personnage important est Ibrahim Abou Faraj Farj Al Libi, qui a été arrêté au Pakistan le 2 mai 2005. Issu du GICL, il a réussi à grimper les échelons de la hiérarchie d’Al-Qaida, plus particulièrement au sein du « Comité militaire ». Il faisait partie du « premier cercle » des fidèles d’Oussama Ben Laden qu’il avait rencontré au Soudan au milieu des années 90. Il était ainsi devenu le responsable des opérations extérieures de la nébuleuse de Ben Laden, en succédant à Khaled Cheikh Mohamed après la capture de ce dernier, en mars 2003.
Les principaux responsables du GICL sont :
- Abou Abdallah Saddik, leader historique du mouvement,
- Farj Hassan alias Anas Al-Libi, un des responsables pour l’Europe, arrêté en mai 2002 à Londres,
- Abou Al-Bara Al-Libi, chef du GICL en Libye.
Les connexions britanniques du GICL
Selon le département du Trésor américain, plusieurs individus et entités localisés en Grande-Bretagne apportent un soutien direct au GICL.
- Abd Al-Rahman Al-Faqih, résidant à Birmingham, spécialiste dans la réalisation de faux papiers et un des financiers du mouvement. Il serait également chargé des relations avec le Groupe Islamique des Combattants Marocains (GICM), suspecté des attentats de Casablanca (2003) et de Madrid (2004). A ce titre, il a été jugé coupable par la court criminelle de Rabat (Maroc) pour sa participation aux attentats de Casablanca du 16 mai 2003 qui ont fait une quarantaine de morts et une centaine de blessés.
- Ghuma Abd’rabbah, vivant également à Birmingham, est un associé de Al-Faqih. Il est un des administrateurs de l’organisation caritative Sanabel Relief Organisation (SRA). Elle est accusée d’entretenir des liens avec le GICL. Lorsque les Taléban étaient au pouvoir en Afghanistan, elle avait un bureau à Kaboul. Quatre de ses membres ont ensuite été arrêtés au Pakistan en 2002. Certains d’entre eux entretenaient des liens avec Abou Zoubeidah, le chef des opérations extérieures d’Al-Qaida2.
- Abdulbaqi Mohamed Khaled, vivant aussi à Birmingham, était un des dirigeants importants de l’organisation humanitaire SRA.
- Tahir Nasuf, vivant à Manchester. Il entretiendrait des liens avec les Groupes Islamiques Algériens (GIA). Il est également un des administrateurs de la SRA.
- Mohamed Benhammedi, membre du comité financier du groupe. Il a été brièvement détenu en Iran, en 2002, alors qu’il était entré illégalement dans ce pays en provenance d’Afghanistan. Il résiderait actuellement dans les Midlands. Il est soupçonné avoir transféré des fonds à travers trois sociétés dont il est un des dirigeants importants : Sara Properties Ltd, Meadowbrook Investments Ltd et Ozlam Properties Ltd.
Les accusations du Trésor américain tendent à prouver que la Grande-Bretagne est toujours une terre d’asile pour les activistes islamiques, malgré les attentats de Londres de juillet 2005. D’ailleurs, la condamnation d’Abou Hamza Al-Masri, l’ancien prêcheur extrémiste de la mosquée de Finsbury Park, à sept années d’emprisonnement seulement, est considérée par certains experts comme une concession faite aux islamistes radicaux. Une peine plus lourde aurait été jugée comme une véritable « provocation ». Peut-être les Britanniques espèrent-ils ainsi échapper à d’autres attentats d’envergure sur leur sol, en menant une politique qui peut être qualifiée d’ambiguë.