Le conseil consultatif des moudjahedines en Irak
Alain RODIER
En janvier 2006, un organisme de coordination des mouvements de « résistance » patronnés par Al-Qaida a été créé1. Il s'agit du « Conseil consultatif des Moudjahédines en Irak » (Majlis Shura Al-Mujahideen fi Al-Iraq). Au départ, six mouvements, dont certains étaient inconnus auparavant, faisaient partie de cet organisme de coordination :
- Jaish Al-Taifa Al-Mansourah (la secte armée victorieuse), plus connu sous le nom d'Al-Qaida en Irak dirigé par Moussab Al-Zarqaoui ;
- Ansar Al-Tawhid (les sections Ansar Al-Tawhid) ;
- Al-Jihad Al-Islami (les sections du Jihad islamique) ;
- Saraya Al-Ghoraba (les sections étrangères) ;
- Kitaeb Al-Ahwal (les brigades de l'apocalypse) ;
- Jaish Ahul Sunna wa Al-Jamma (Armée de l'Ahlul Sunna wa Al Jamma, plus connue sous l'appellation de l'Armée islamique), dirigée par Abdullah Al-Naser.
Fait étonnant, le chef de ce conseil n'est pas Al-Zarqaoui, mais Abdullah Rashid Al-Baghdadi, vraisemblablement un Irakien ; de nombreux experts pensent qu'il s'agit là d'un pseudonyme.
La perte d'influence de Musab Al-Zarqaoui
Al-Zarqaoui est apparu, pour la première fois, sur une vidéo diffusée sur internet le 25 avril 2006. Le commentaire était assuré par le Conseil consultatif des Moudjahédines qui présentait Al-Zarqaoui comme le chef de la branche irakienne d'Al-Qaida et non comme l'autorité supérieure de cette nouvelle entité. D'autre part, dans son message publié sur la chaîne Al-Jazeera, Oussama Ben Laden faisait indirectement l'éloge d'Al-Zarqaoui pour son obéissance aux consignes.
Al-Zarqaoui, qui n'est pas apprécié du docteur Al-Zawahiri, le numéro deux et l'idéologue d'Al-Qaida, verrait ainsi ses prérogatives diminuées. Il devrait se contenter uniquement d'un rôle militaire circonscrit au territoire irakien et devrait abandonner toute charge politique. Oussama Ben Laden aurait été convaincu de restreindre les attributions du bouillant chef de guerre suite aux attentats survenus contre des hôtels d'Amman, en Jordanie, de novembre 2005. En effet, la plupart 63 des victimes étaient des civils jordaniens, ce qui a provoqué de vives critiques au sein des populations arabo-musulmanes. Sa guerre entreprise contre les populations chiites en Irak irait également à l'encontre des objectifs d'Al-Qaida : l'unification du monde musulman contre « les Juifs et les Croisés », dans le but d'établir un « califat mondial ». Il est d'ailleurs intéressant de noter que depuis la création de ce conseil, Al-Zarqaoui n'a plus fait de déclaration via ses relais habituels.
Cette relative mise à l'écart d'Al-Zarqaoui n'est pas surprenante sachant qu'il avait gravi les échelons de la hiérarchie d'Al-Qaida contre la volonté du docteur Al-Zawahiri qui le considère comme un ancien petit truand n'affichant qu'une foi religieuse de circonstance. Les événements avaient toutefois forcé Ben Laden à l'adouber comme son représentant en Irak, car Al-Zarqaoui était le seul à avoir l'envergure opérationnelle pour mener la lutte contre les forces de la coalition. Il semble qu'il soit devenu désormais un élément relativement gênant pour poursuivre la mission que le leader saoudien s'est fixé : renverser les régimes « apostats » et lutter contre les Occidentaux.
En effet, pour mener à bien cette tâche, il a besoin d'un soutien populaire important, et plus encore, de l'aide discrète mais effective de Téhéran. Par sa férocité et son intransigeance vis-à-vis des chiites, Al-Zarqaoui est donc devenu un partenaire encombrant pour la suite des opérations mondiales d'Al-Qaida. Le choix a dû lui être proposé : rentrer dans le rang ou disparaître. Pour le moment, Al-Zarqaoui semble obtempérer. Pour combien de temps ?
D'autres informations font état de l'infiltration d'activistes d'Al-Qaida au Liban, à Gaza et en Cisjordanie. Il est très vraisemblable qu'Oussama Ben Laden ait décidé de profiter de l'instabilité existant à l'heure actuelle dans ces régions pour tenter d'implanter des éléments de son mouvement dans la région. Son objectif final est de s'en prendre directement à l'Etat hébreu. Paradoxalement, Zarqaoui avait déjà tenté ce type d'opération dans le passé.
Or, le chef nouvellement désigné par le Conseil consultatif d'Al-Qaida pour prendre la direction de ce nouveau théâtre d'opérations ceinturant Israël n'est pas Al-Zarqaoui, mais un Syrien, dont l'identité n'est pas connue. C'est encore là un signe qui laisse supposer que le Jordanien n'est plus tout à fait en odeur de sainteté – s'il ne l'a jamais été – au sein de la nébuleuse islamique qu'a initié Ben Laden.
- 1Les mouvements de « résistance » en Irak dirigés par Al-Qaida sont minoritaires (entre 10 et 20% au maximum). Les autres mouvements sont encadrés soit par d'anciens baassistes, soit par des ex-militaires ou anciens des services secrets.