La Turquie visée par Al-Qaïda
Alain RODIER
Dans une diffusion audio diffusée en septembre 2009, Ayman Al-Zawahiri, le numéro deux d'Al-Qaida, a clairement désigné la Turquie comme une cible des jihadistes internationalistes. En effet, il a déclaré : « les forces turques en Afghanistan vont conduire les mêmes opérations que les Juifs en Palestine. Comment le peuple librement croyant de Turquie peut accepter ce crime contre l'islam et les musulmans ? ». Cette déclaration fait référence à la prise de commandemen par la Turquie, à l'automne 2009, des forces de l'OTAN qui couvrent la région de Kaboul.
Al-Qaida a déjà été impliqué en 2003 dans des attentats en Turquie. Ils avaient eu lieu contre deux synagogues, le consulat général britannique d'Istanbul[1] et la banque HSBC. 63 personnes avaient trouvé la mort lors de ces opérations. Sept personnes avaient été alors arrêtées et condamnées, dont le chef de réseau qui était un citoyen syrien. En 2008, le consulat général des Etats-Unis à Istanbul avait été la cible d'une attaque terroriste, causant la mort de trois policiers et de trois assaillants.
Préférant prévenir que guérir, les forces de police, conduites par le groupe anti terroriste d'Istanbul, ont effectué, en avril 2009, une première operation afin de neutraliser les terrorists au cours de laquelle 37 suspects avaient été appréhendés.
Une nouvelle operation, plus vaste, a été conduite le 15 octobre 2009 dans les provinces de Konya, Bursa, Sakaya, Hatay, Batman, Van, Erzurum et à Istanbul. 33 personnes ont été arrêtées. Il leur est reproché avoir préparé des attentats dirigés contre les intérêts de l'OTAN, des Etats-Unis et d'Israel dans le pays. Ces individus sont suspectés appartenir à l'Union du jihad islamique (UJI, aussi appelé Groupe du jihad islamique). Cette organisation, qui est une émanation du Mouvement islamique d'Ouzbékistan, lui-même inféodé à Al-Qaida, est très présente en Europe occidentale et particulièrement en Allemagne.
Enfin, la dernière opération en date a eu lieu le 18 janvier 2010 à Adana, menée par plus de 300 policiers. 20 personnes soupçonnées appartenir à Al-Qaida ont été appréhendées. Des armes, des munitions et des ordinateurs ont été saisis. Etant donnée la proximité géographique de la base aérienne turco-américaine d'Inçirlik, il est possible que ces activistes préparaient une attaque spectaculaire contre ce complexe militaire qui est l'un des plus importants de la région.
Le 21 janvier, exploitant les renseignements recueillis lors de l'opération du 18, les forces de sécurité turques ont arrêté plus de 120 suspects lors d'une rafle déclenchée dans 16 provinces. Parmi eux se trouve le chef présumé d'Al-Qaida en Turquie : Serdar Elbasa, alias Abou Zer.
dans un camp d'entraînement en Afghanistan
(photo saisie lors de l'opération du 18 janvier 2010)
Il semble que l'implantation d'Al-Qaida et des ses mouvements affiliés en Turquie repose essentiellement sur des volontaires étrangers, principalement de nationalités syrienne, libanaise, palestinienne et marocaine. Ils auraient trouvé des complicités au sein du « Hezbollah kurde[2] » (KH), un mouvement mystérieux qui agit depuis les années 1990 contre les indépendantistes du PKK. Longtemps, les services secrets turcs ont été soupçonnés d'avoir monté ce mouvement de contre-guérilla en finançant certains chefs locaux kurdes qui n'acceptaient plus que le PKK perturbe leurs affaires (généralement les trafics en tout genre, dont celui de la drogue). Le but de cette manœuvre était de combattre le PKK sur son propre terrain. Il semble que certains éléments égarés de ce « Hezbollah kurde » aient rejoint le jihad prôné par Oussama Ben Laden. Cela paraît logique dans la mesure où le Hezbollah turc mettait en avant l'application stricte de la religion musulmane pour s'opposer à la doctrine marxiste athée du PKK.