Iran : test d’un nouveau missile longue portée
Alain RODIER
Mercredi 20 mai 2009, Téhéran a effectué le tir d'un missile Ghadr-110 Sejjil-2 d'une portée estimée entre 2 000 à 2 500 kilomètres et en emportant une tête militaire pesant jusqu'à une tonne. Ce missile aurait été tiré depuis la région de Marivan au Kurdistan iranien et aurait atteint le réceptacle de tir de Dasht-e Kavir (désert de sel) situé près de la localité de Semnan dans le nord du pays.
Le Ghadr-110, un missile sol-sol performant
Le Ghadr-110 est un missile à deux étages à combustible solide qui avait déjà été testé en laboratoire, puis en réel, le 10 novembre 2008 et avait amené la réalisation d'une première version baptisée Sejjil-1 .
Pour sa part, le Sejjil-2 serait doté d'un nouveau système de navigation équipé de senseurs extrêmement précis, ce qui lui apporterait une précision des plus fines. D'ailleurs, selon l'agence de presse officielle iranienne IRNA, le président Mahmoud Ahmadinejad a déclaré qu'il avait « atteint exactement sa cible ». Le ministre de la Défense Mostafa Mohammad Najar a affirmé pour sa part que le Sejjil-2 « était très rapide, qu'il pouvait être produit et stocké en masse et qu'il était très facile à mettre en œuvre ».
Le Sejjil-2 est construit dans un complexe aéronautique situé dans la région de Khojir, à l'est de Téhéran, par les groupes industriels Bakeri et Hemmat qui dépendent de l'organisation de l'industrie aérospatiale du ministère de la Défense iranien. Leurs dirigeants respectifs, Mehrdat Akhlaqi Ketabchi et Nasser Maleki, sont tous deux membres des gardiens de la révolution (Pasdaran).
Les missiles équipés de carburant solide peuvent être stockés en région accidentée, transférés rapidement puis tirés dans des délais très courts. Ils sont donc extrêmement difficiles à localiser par photos aériennes ou satellitaires lors de la préparation du tir, ce qui n'est pas le cas de leurs homologues de la série Shahab-3 à combustible liquide, lesquels nécessitent plusieurs heures de préparation (pour le remplissage des réservoirs) avant de pouvoir être mis à feu. En outre, le carburant liquide est hautement volatile et doit être manipulé avec précaution.
Il est à noter que Téhéran possède déjà deux types de missiles à combustible solide opérationnels : le Ghadr-101 à un étage ayant une portée de 750 à 800 kilomètres et le Ghadr-110/A ( Ashura ) qui aurait trois étages, ce qui allongerait sa portée jusqu'à 3 000 kilomètres. Téhéran devrait remplacer à terme tous ses lanceurs à carburant liquide par des vecteurs à combustible solide qui sont jugés nettement plus opérationnels.
La menace nucléaire iranienne se fait de plus en plus pressante
De jour en jour, la menace nucléaire iranienne se précise car Téhéran semble avoir fait des progrès significatifs dans au moins deux domaines:
– l'enrichissement d'uranium dans le complexe de Natanz, grâce à des cascades de milliers de centrifugeuses de nouvelle génération aptes à fournir du combustible nucléaire de qualité militaire ;
– la réalisation de missiles capables de frapper Israël et l'Europe occidentale comme des Ghadr-110 et 110/A.
Seul un troisième point semble encore poser problème, mais est aujourd'hui couvert par le plus grand secret : la réalisation de têtes nucléaires militaires. En effet, concevoir un engin nucléaire est une chose, le militariser en est une autre. Pour les ingénieurs, il convient en effet de miniaturiser la charge, de la rendre résistante aux conditions extérieures (importantes vibrations, chaleur intense, grande accélération, contre-mesures électroniques, etc.) et enfin de l'adapter dans une tête de vecteur fiable.
La situation est jugée de plus en plus préoccupante par Israël qui multiplie les exercices de bombardement aériens. Bien que le contexte politique ne semble pas favorable – la nouvelle administration américaine ne paraissant pas soutenir l'Etat hébreux comme cela était habituellement le cas dans le passé – il n'est pas exclu que Tel-Aviv lance unilatéralement une opération aérienne contre les installations nucléaires iraniennes. Si Washington semble y être totalement opposé, il est intéressant de remarquer que Moscou vient de donner des gages de « non interventionnisme » en ne livrant pas les quatre batteries anti-aériennes S-300 promises à Téhéran [1] ni les huit Mig-31 commandés par la Syrie. En effet, la présence de tels armements modernes pourrait compromettre gravement le succès d'une action aérienne offensive israélienne. Il n'en reste pas moins que cette option reste à très hauts risques pour un résultat opérationnel non garanti. Sur le plan politique, une telle opération serait absolument désastreuse pour l'Etat hébreu, même si les gouvernants des pays arabes seraient secrètement ravis de voir le potentiel militaro-industriel iranien diminué. Surtout, le fragile équilibre au Proche-Orient serait totalement remis en question.
- [1] Cf. Note d'Actualité n°166, Mars 2009