Iran : le Jundallah frappe fort
Alain RODIER
Le 18 octobre 2009, le mouvement Jundallah a mené un attentat suicide dans son fief du Sistan-Baloutchistan, province du sud-est de l'Iran bordant le Pakistan et l'Afghanistan. Le bilan est 42 tués dont 15 pasdaran – notamment de hauts gradés – et neuf chefs tribaux. Cet attentat est survenu lors d'une réunion qui se tenait entre des responsables des pasdaran et des chefs de tribus dans le village de Pisheen à la frontière pakistanaise. Selon la revendication du Jundallah, l'auteur de cette action serait un certain Abdulawad Mahmadi Sarawani.
Le Jundallah, entre revendications ethniques et intérêts criminels
Le Jundallah (Armée d'Allah), aussi connu sous le nom de Mouvement de résistance populaire d'Iran (MRPI), est un groupe composé d'activistes baloutches sunnites qui, selon leurs déclarations, défendent les droits de la minorité baloutche en Iran [1]. En fait, ils sont alliés à des criminels de droit commun dont l'occupation principale est de faire transiter de la drogue (opium et héroïne) de l'Afghanistan et du Pakistan vers l'Europe, en empruntant ensuite la route des Balkans qui est majoritairement gérée par les mafias turco-kurdes. Ils pratiquent également largement le trafic d'armes.
Dirigé par Abdolmalek Rigi, à peine âgé d'une trentaine d'années, ce mouvement mène depuis le 2003 des actions de harcèlement contre les représentants du pouvoir central dans la région du Sistan-Baloutchistan dans le sud-est du pays. L'objectif de ce groupe ne consiste pas à vaincre le régime des mollahs mais à préserver une zone de non-droit où il peut s'adonner à ses trafics lucratifs sans être inquiété par les autorités. Depuis 2006, les attaques se sont multipliées contre les représentants du pouvoir et contre les pasdaran. En effet, ce sont ces derniers qui ont pris en charge la sécurité de la région en janvier 2007, car la police s'était montrée particulièrement inefficace, vraisemblablement en raison de la corruption qui règne dans la région. Des dizaines de pasdaran sont ainsi tombés dans des embuscades ou ont été faits prisonniers avant d'être froidement assassinés par leurs ravisseurs. Cependant, le premier attentat-suicide « à la mode » irakienne (ou afghane) n'est survenu que fin 2008 à Saravan, village situé dans la même province. C'est Abdolghafoor Rigi, un des frères du chef du Jundallah, qui a mené personnellement cette opération. Quatre personnes avaient alors trouvé la mort dans cette action.
En retour, la répression a été féroce. De nombreux membres supposés du Jundallah ont été arrêtés, jugés, pendus ou amputés de la main droite et du pied gauche. Le frère cadet du leader, Abdolhamid Rigi, qui a été livré par les autorités pakistanaises en compagnie de trois de ses hommes en juin 2008, attend d'être exécuté d'un jour à l'autre.
La faiblesse de l'opposition armée en Iran
Le régime iranien connaît actuellement une forte opposition populaire. Cependant, l'opposition armée se limite à des groupes opérant au Sistan-Baloutchistan, au Khouzestan (sud-ouest du pays où vit une importante communauté arabe sunnite) et au Kurdistan du nord-ouest [2]. En raison du rapport des forces très défavorable et parce qu'ils représentent des minorités ethniques et religieuses, ils ne paraissent pas être en mesure de mettre réellement en péril le pouvoir en place à Téhéran.
Quoiqu'en disent les mollahs, ni les Etats-Unis, ni Israël, ni l'Arabie saoudite, ni le Pakistan ne soutiennent directement ou indirectement ces mouvements qui sont jugés comme infréquentables, en raison de leurs activités criminelles affichées ou leurs liens « contre nature » (en particulier pour le PJAK).
Quant à Al-Qaida, ce mouvement sunnite qui a montré sa haine des chiites en Irak, il reste très discret en Iran. Il faut dire que les autorités iraniennes ont accueilli des activistes du mouvements – dont au moins un des fils de Ben Laden – lorsqu'ils ont fui l'Afghanistan fin 2001. Ces « réfugiés » pourraient très bien servir de monnaie d'échange si Al-Qaida se décidait à passer à l'action violente en Iran. En sus, les pasdaran auraient organisé une branche iranienne d'Al-Qaida placée sous l'autorité de l'Egyptien Saif al-Adel. Cette unité pourrait servir les intérêts du régime en se livrant à des actions terroristes planifiées à l'étranger si une frappe était déclenchée contre les sites nucléaires du pays.
- [1] La population baloutche en Iran comprendrait entre un et quatre millions d'âmes. Il y en aurait de quatre à huit millions au Pakistan et un plus petit nombre en Afghanistan. Certains responsables réclament la création utopique d'un Etat baloutche qui empièterait sur ces trois pays. En réalité, chaque communauté baloutche tente de faire reconnaître ses droits à l'égalité dans son pays d'appartenance.
- [2] Où opère le PJAK, mouvement kurde iranien lié au PKK turc.