Iran-Israël : sabotage à Parchin ?
Alain RODIER
Le dimanche 5 octobre 2014, une très importante explosion a eu lieu sur le complexe militaro-industriel iranien de Parchin (Iran). Deux bâtiments ont été littéralement soufflés et quatre autres ont été endommagés à des degrés divers. Les arbres environnants ont été carbonisés. Toutes les vitres des maisons avoisinantes ont été brisées par la violente déflagration qui a été entendue jusqu'à Téhéran, pourtant situé à 30 kilomètres au nord-ouest. Les autorités iraniennes n'ont pas pu faire autrement que reconnaître cette catastrophe en déclarant qu'« un incendie a eu lieu dans un atelier de fabrication d'explosifs situé à l'est de Téhéran et malheureusement deux employés sont morts ».
Le site de Parchin date du temps du shah. Il est destiné à stocker et à tester différents explosifs. Il a aussi servi à la mise au point de missiles balistiques à carburant liquide, comme les différentes versions du Shahab-3. Il est interdit aux inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) depuis novembre 2005. Les Iraniens sont fortement soupçonnés d'avoir mené sur ce site des essais en détonique destinés à provoquer une réaction en chaîne menant à une explosion nucléaire[1]. Des photos satellitaires ont décelé ce qui ressemblait à un bâtiment abritant une cuve de confinement d'explosifs qui aurait pu être utilisée pour des expériences hydrodynamiques.
Toutefois, le lieu de l'explosion (35°31'35.23''N / 51°46'23.94''E) ne correspond pas à l'atelier soupçonné qui se trouve plus au nord (35°33'32.21''N / 51°47'07.38''E). D'ailleurs, ce dernier aurait été « nettoyé » 2012 pour faire disparaître toute trace des expériences menées auparavant. Le site a entièrement été lavé à l'eau et deux bâtiments annexes ont été détruits. Ce fait est inquiétant car il est possible d'en déduire que les essais qui ont eu lieu entre 2005 et 2012 se sont terminés cette année là. Sept années de recherches, c'est bien suffisant pour arriver à aboutir aux résultats scientifiques escomptés, l'explosion de la charge classique devant être parfaite pour obtenir le déclenchement de la réaction en chaîne. Tout défaut, même minime, empêche le processus d'aboutir et on obtient alors qu'un gros pétard mouillé.
Une réaction iranienne symptomatique mais révélatrice
Le mardi 7 octobre, une patrouille israélienne subissait une attaque à la frontière libanaise, dans la région d'Har Dov, plus connue comme la zone des « fermes de Chebaa ». Deux militaires étaient blessés par l'explosion d'IED. Cette attaque était aussitôt revendiquée par la « Cellule du martyr Hassan Ali Haidar de la résistance islamique », un membre du Hezbollah tué le 5 septembre alors qu'il relevait un système de surveillance piégé installé par les Israéliens.
Or, le Hezbollah libanais n'a aucune envie que des troubles sérieux éclatent aujourd'hui avec Israël. Il est bien trop occupé à défendre les régimes syrien et irakien opérations dans lesquelles ses pertes s'élèveraient à quelques 800 combattants. Il ne peut s'offrir le luxe d'ouvrir un nouveau front qui risquerait de l'affaiblir considérablement. D'autant qu'il est aussi menacé au Nord-Liban par les radicaux sunnites. En fait, ce coup d'épingle (auquel Israël a répliqué par quelques tirs d'artillerie sur des positions du Hezbollah au Sud-Liban) est un message envoyé par Téhéran par messager interposé à l'Etat hébreu. C'est en quelque sorte l'« accusé de réception » de l'explosion de Parchin. Au moment où les négociations « 5+1 » (les membres du Conseil de sécurité de l'ONU plus l'Allemagne) vont reprendre, l'Iran signifie ainsi qu'il a bien pris en compte l'avertissement d'Israël qui y est opposé. A noter que le Hezbollah est aussi mis en difficulté par l'Armée syrienne libre (ASL) à la frontière israélo-syrienne au nord-ouest de Deraa. Cet état de fait n'est pas pour déplaire aux Israéliens qui voient ainsi l'influence de leur principal adversaire contestée dans cette zone jugée comme stratégique.
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Ce n'est pas la première fois que des sites sensibles iraniens connaissent des « accidents » étranges, ni que certains de leurs scientifiques sont assassinés par de mystérieux assaillants[2]. Le brigadier-général Hassan Moghaddan, chef du programme balistique iranien, avait par exemple trouvé la mort dans l'explosion d'un site de fabrication de missiles géré par les pasdaran, le 12 novembre 2011[3]. Cette opération (s'il est confirmé que c'en est bien une) relève plus du domaine du symbolique que du tactique. En effet, elle ne va en rien ralentir l'effort militaro-nucléaire iranien car elle n'a pas touché un point névralgique. Mais elle vient confirmer, pour ceux qui en douteraient encore, qu'Israël continuera à s'opposer, s'il le faut par les armes, à l'effort nucléaire de son principal ennemi dans la région.
- [1] Deux demi-sphères ou une sphère creuse de matière fissile (uranium 235 ou plutonium 239) sont violement comprimées par une charge d'explosif classique, ce qui entraîne la réaction en chaîne provoquant l'explosion nucléaire.
- [2] Note d'Actualité n°235 de décembre 2010 : « Qui est derrière l'assassinat de scientifiques iraniens ? ».
- [3] Note d'Actualité n°263 de novembre 2011 : « Iran. Mystérieuse explosion sur une base de pasdaran ».