Infiltration de cartels mexicains en Europe et aux Etats-Unis
Alain RODIER
Non contents de mener une véritable guerre civile au Mexique – laquelle a causé la mort d'environ 5 300 personnes en 2008 et a fait, depuis le début de l'année 2009 une dizaine de victimes par jour – et d'avoir étendu leur influence sur l'ensemble de l'Amérique latine (en particulier en Argentine, au Pérou et au Guatemala), les cartels mexicains auraient commencé à infiltrer des éléments en Europe et sur le continent nord-américain dans le but d'y développer leurs activités criminelles. Leur objectif serait de s'emparer totalement de la filière de distribution de drogue sud-américaine et d'y étendre leur influence sur d'autres activités comme les trafics d'armes et d'êtres humains.
Infiltration de l'Europe
Le point d'entrée principal est l'Espagne et plus particulièrement Barcelone, Madrid, Malaga et Bilbao. Cependant, les villes d'Oslo et d'Amsterdam auraient été discrètement investies. Des membres des cartels mexicains ont aussi été signalés en Italie.
Les trois cartels les plus actifs seraient celui de Sinaloa (dirigé par Angel Guzman Loera), du Golfe (ou Matamoros dont le chef est Jorge Eduardo Costilla-Sanchez) et de Tijuana (dirigé par Luis Fernando Sanchez Arellano). Ils auraient dépêché sur place leurs « sicaires », membres de leurs groupes armés [1]. Parmi eux se trouvent d'anciens militaires et policiers ainsi que de nombreux membres des Maras originaires d'Amérique centrale, des mercenaires du crime vendant leurs services aux plus offrants.
Si l'information se confirme, cela peut laisser envisager qu'une guerre des gangs devrait éclater sous peu sur le continent européen. En effet, les Organisation criminelles transnationales (OCT) qui assurent aujourd'hui la distribution de la drogue sur le vieux continent [2] ne vont certainement pas s'en laisser compter. Pour elles, il s'agit en effet un véritable « violation de territoire », crime impardonnable à leurs yeux, car non seulement de considérables profits sont en jeu, mais surtout, parce qu'il s'agit d'une question de prestige !
Une autre solution tout aussi inquiétante est que les organisations mexicaines pourraient conclure des accords de coopération avec leurs homologues évoluant déjà sur place. La puissance du crime organisé en serait décuplée. Dans ce cas précis, le cartel du Golfe a un avantage notable : il entretient depuis des années des relations avec les OCT européennes et asiatiques. La seule différence réside dans le fait que ce sont ces dernières qui assuraient de la distribution des « produits » de cette organisation mexicaine sur le sol européen.
En ce qui concerne le cartel de Tijuana, cette nouvelle politique pourrait avoir été initiée par Luis Fernando Sanchez Arellano « El Alineador » qui a succédé à son oncle Eduardo, arrêté le 25 octobre 2008, et en passe d'être extradé vers les Etats-Unis. Il faut dire qu'il est très bien conseillé par sa mère Enedina qui a une grande expérience des activités criminelles familiales.
Il aurait comme adjoints José Jorge Briceño Lopez « El Cholo », Miguel Aguirre Galindo « El Caballo » et Armando Villareal Heredia « El Gordo ». De plus, le cartel de Tijuana entretient des relations privilégiées avec le cartel del Norte del Valle colombien. A ce titre, il est à même d'obtenir de grandes quantités de cocaïne qu'il pourra ensuite revendre au prix fort.
Quant aux chefs des deux autres cartels, Eduardo Costilla Sanchez « El Coss » et Juaquin Angel Guzman « El Chapo », ils pourraient étendre la guerre sanglante qui les oppose depuis 2005 [3] sur le sol mexicain au continent européen. A noter que le cartel de Sinaloa est également en guerre ouverte avec le cartel de Juarez dirigé par Vicente Carillo et que l'ensemble des organisations criminelles mexicaines sont sujettes à des guerres internes, de jeunes ambitieux particulièrement violents remettant souvent en cause la génération précédente.
Infiltration du continent nord-américain
Non seulement les cartels mexicains infiltrent l'Europe, mais ils font de même sur le continent nord-américain.
Ils ne se limitent pas à la région frontalière, comme par exemple la ville de Phoenix où les actes de violence imputés aux Mexicains sont monnaie courante ; ils sont aussi de plus en plus actifs dans des lieux comme, Washington, Atlanta, Anchorage, Boston, Sioux Falls, Stowe et Iowa City. Globalement, ils se seraient ainsi installés dans plus de 230 agglomérations nord-américaines. Les autorités reconnaissent qu'elles n'ont pas connu des actes d'une telle violence depuis les années 1980 dites de « Miami Vice » en référence au célèbre feuilleton télévisé.
Il faut dire que l'enjeu financier est de taille : le trafic de drogue aux Etats-Unis aurait rapporté 28,5 milliards de dollars aux cartels mexicains en 2008 ! En sens inverse, les armes sophistiquées que l'on retrouve aux mains des tueurs mexicains seraient achetées aux Etats-Unis.
Les cartels mexicains importent avec eux leur extrême violence qui se traduit par des enlèvements, des tortures et des meurtres particulièrement spectaculaires. Il est possible que, pour des raisons de contrôle de territoires, des guerres ne se déclenchent avec la criminalité locale, notamment avec la Cosa Nostra nord-américaine et les gangs des motards. Ils pourraient aussi être confrontés aux Triades chinoises particulièrement bien implantées au Canada.
Pour palier à cette menace, Washington a accordé dans le cadre de « l'initiative de Merida » votée en 2008, une aide de 1,4 milliards de dollars en trois ans à Mexico pour lui permettre de lutter efficacement contre les cartels. A noter que les services américains pointent du doigt le cartel de Sinaloa comme étant le plus actif aux Etats-Unis.
*
Dans le domaine du crime organisé, les cartels mexicains représentent désormais un risque majeur non seulement pour le Mexique qui risque littéralement d'exploser, mais aussi pour l'ensemble de la planète. Cela a atteint un tel point que ce problème est considéré par Washington comme la seconde menace pesant sur les Etats-Unis après celle d'Al-Qaida.
- [1] Appelés Los Negros pour le cartel de Sinaloa et Zetas pour le cartel du Golfe.
- [2] Les mafias italiennes, albanaises, les OCT issues des ex-pays de l'Est et désormais les triades chinoises.
- [3] Il est possible que l'assassinat de Leonidas Vargas, le chef du cartel colombien de Coqueta, survenu le 8 janvier 2009 à Madrid entre dans le cadre de la guerre des gangs dont le but est de s'approprier le marché européen de la drogue. Vargas qui avait été arrêté en 2007 pour un trafic de 427 kilos de cocaïne saisies dans le port de Valence était en attente de jugement. Il venait d'être admis dans l'hôpital Doce de Octubre en service de cardiologie. Deux tueurs sont montés jusqu'à la chambre qu'il partageait avec un autre patient au 5e étage de l'hôpital. Pendant qu'un des deux hommes faisait le guet dans le couloir, le second est entré dans la chambre et a abattu Vargas dans son lit, de quatre balles tirées à bout portant à l'aide d'un pistolet doté d'un silencieux. Les deux hommes ont ensuite quitté tranquillement l'hôpital sans être inquiétés. Si, comme cela est probable, les Mexicains sont derrière cette exécution effectuée par de véritables professionnels – l'on pense immédiatement aux Zetas ; il s'agit alors d'un avertissement adressé aux organisations sud-américaines concurrentes.