Guinée Bissau : un narco-Etat Ouest africain sur la route de la drogue colombienne
Alain RODIER
La Guinée Bissau est classée dans la catégorie des narco-Etats par l’Office contre la drogue et le crime des Nations unies (ONUDC), car ses dirigeants, même au plus haut niveau, sont impliqués dans le trafic de drogue.
Lorsque des responsables politiques fraîchement mis en place ont tenté de donner un coup d’arrêt à cette activité, ils ont été écartés comme lors du coup d’Etat qui est intervenu le 1er avril 2010. Celui-ci a provoqué le départ du Premier ministre, Carlos Gomez Junior, et du chef d’état-major des forces armées, le général Jose Zamora Induta. Le président Malam Bacal Sanha a accepté le retour de l’ancien chef d’état-major de la marine, le contre-amiral José Americo Bubo Na Tchuto, et la nomination au poste de chef d’état-major du général Antonio Indjal (l’ancien numéro deux). Les deux hommes sont connus pour leur implication dans le trafic de drogue. L’amiral José Americo Bubu Na Tchuto se comporte comme un parrain de cinéma, n’hésitant pas à menacer les personnes qui pourraient le gêner comme certains journalistes.
S’il n’est pas personnellement partie prenante dans cette activité, le président ne souhaite vraisemblablement pas connaître le sort de son prédécesseur, Jose Bernado Vieira, qui purement et simplement été assassiné le 2 mars 2009. Il semble qu’il se soit montré trop « gourmand » dans les pourcentages qu’il touchait. Surtout, il aurait joué un rôle dans l’assassinat quelques heures auparavant du chef d’état-major des forces armées, le général Tagmé Na Waié. Le Premier ministre a repris son poste au grand déplaisir du président qui est à couteaux tirés avec lui. Le général Ibrahim Papa Camara, chef d’état major de l’armée de l’air, n’a pas été touché. Il faut dire qu’il partage le privilège avec l’amiral Bubo Na Tchuto d’avoir ses biens bloqués par les Etats-Unis pour le détournement de 600 kilos de cocaïne en provenance du Venezuela en 2008 !
En Guinée Bissau, les fonctionnaires sont mal payés, la seule prison de haute sécurité a été détruite en 1998 et n’a jamais été remplacée, la surveillance des frontières terrestre et maritime est inexistante. Aucune condamnation pour trafic de drogue n’a été prononcée durant ces dernières années. Pour couronner le tout, une partie des élus sont des trafiquants notoires.
La drogue arrive par avion et bateau via l’archipel des Bijagos. Ces îles, dont une partie a été achetée par des narcos, sont équipées de piste d’atterrissage de fortune datant de la Seconde Guerre mondiale. Même la partie militaire de l’aéroport de Bissau est un lieu de débarquement de drogue. Des complicités sont achetées à tous les niveaux par les cartels colombiens qui ont également investi dans le secteur immobilier. Une centaine d’entre eux se serait ainsi installée à demeure dans le pays. Depuis 2007, ils y auraient fait construire quelques hôtels de luxe et autres lieux de loisirs.
Au début des années 2000, la Guinée Bissau a servi de « pionnière » dans l’acheminement de la cocaïne sud-américaine en Europe, via l’Afrique de l’Ouest. Elle est maintenant concurrencée comme « étape » pour cette marchandise par d’autres pays de la région.