Corne de l’Afrique : Fazul Abdullah Mohammed refait parler de lui
Alain RODIER
Fazul Abdullah Mohammed, un responsable opérationnel d’Al-Qaida qui écume l’Afrique de l’Est depuis plus d’une décennie, aurait été désigné officiellement à l’automne 2009 comme le représentant de l’organisation terroriste dirigée par Oussama Ben Laden pour la Corne de l’Afrique. Il remplace à ce poste Saleh Ali Saleh Nabhan qui a été tué lors d’un raid américain en Somalie à la mi-septembre de cette année. Cette intronisation aurait eu lieu dans la ville de Kismayo, située au sud de la Somalie, en présence de Axmed Gabbi Goodane – alias Muktar ali Zubeyr – le chef des milices Shabab.
Fazul Abdullah Mohammed est loin d’être un nouveau venu. Il est né au début des années 1970, à Moroni, dans l’archipel des Comores. Il bénéficie de la double nationalité comorienne et kenyane et parle couramment le français, l’anglais, l’arabe, le comorien et le swahili. En 1990, il est l’un des premiers à rejoindre l’organisation des djihadistes internationalistes que mettait alors sur pied Ben Laden au Pakistan, qui se fera connaître quelques années plus tard sous l’appellation d’Al-Qaida. De retour en Somalie, il participe à la bataille de Mogadiscio en octobre 1993, au cours de laquelle deux hélicoptères Black Hawk sont abattus et 18 militaires américains tués.
Le 7 août 1998, Fazul Abdullah Mohammed est, avec le Kenyo-égyptien Moustafa Mohamed Fadhil [1], l’un des planificateurs des attentats dirigés contre les ambassades américaines de Nairobi au Kenya et de Dar es-Salaam en Tanzanie. Sa tête est mise à prix par le FBI en octobre 2001. Aujourd’hui, elle « vaut » cinq millions de dollars.
Le 26 novembre 2002, on retrouve sa trace dans les attaques dirigées contre l’hôtel Paradise de Mombasa (Kenya) et contre un vol charter israélien décollant de la même ville. Heureusement, les deux missiles sol-air de type SAM-7 mis en œuvre par lui-même et Ali Saleh Nabhan ne fonctionnent pas correctement. S’ensuit une cavale qui le fait passer par l’île de Siyu (au large des côtes kenyanes) puis le ramène dans la corne de l’Afrique en 2004. Lorsque l’Union des tribunaux islamiques (UTI) a dirigera la Somalie durant quelques mois en 2006, il sera chargé d’organiser le renseignement du régime.
Il échappe au moins par trois fois à des raids américains : le premier le 8 janvier 2007 près de la frontière kenyane, dans le sud de la Somalie ; le deuxième en juin 2007 sur les côtes du Puntland, au nord du pays ; et le troisième, le 2 août 2008, au Kenya. Lors de cette dernière action, la police kenyane renseignée par les Américains le manque de peu, arrêtant deux de ses complices et récupérant deux de ses passeports. Une de ses épouses et ses enfants sont aussi arrêtés au Kenya avant d’être transférés en Somalie.
A l’occasion de son intronisation, Fazul Abdullah Mohammed a déclaré souhaiter étendre la lutte à Djibouti, au Kenya et à l’Ethiopie. Cet activiste représente une menace extrêmement dangereuse en raison de son expérience acquise lors d’actions terroristes et au combat. Il entraînerait depuis des années de nombreux volontaires étrangers dont des Européens et des Américains qui ont rejoint la Somalie pour y mener la guerre sainte.
- [1] Fadhil aurait été arrêté au Pakistan en 2004.