Colombie : mort d’un baron de la drogue
Alain RODIER
Le 30 janvier 2008, Wilber Alirio Varela – alias Jabon, José Garcia, Capacivo, el Viejo, el Negro, etc. – un des plus importants barons colombiens de la drogue, a été retrouvé criblé de balles en compagnie d’un de ses gardes du corps1 dans un complexe touristique de Merida, au Venezuela, à 500 km au sud-ouest de Caracas. L’homme était activement recherché par la Colombie et par les cours de justice de New-York et de Washington DC. Le FBI avait promis une récompense de 5 millions de dollars à toute personne qui fournirait des renseignements permettant sa capture. Washington avait également fait geler les biens de plus 1 200 sociétés qu’il possédait en Colombie, à Aruba, au Costa Rica, en Equateur, au Panama, au Pérou, en Espagne, au Venezuela, aux Bahamas, aux Iles vierges britanniques et aux Iles Caïman. Il faut dire qu’il entretenait des liens étroits avec certains chefs de milices d’autodéfense (AUC) d’extrême droite dont Carlos Mario Jiménez dont les Etats-Unis demandent l’extradition.
Varela avait déjà été annoncé pour mort en 2004 et 2006. Cependant, cette fois semble être la bonne !
Un « parrain » ambitieux
Varela est né le 6 novembre 1957 à Roldadillo, dans la province del Valle del Cauca, en Colombie. Il exerce d’abord des fonctions de sergent de police, avant de rejoindre, au début des années 1980, le cartel de Cali des frères Gilberto et Miguel Rodriguez Orejuela. Après la disparition de cette organisation2, il s’allie au chef d’une fraction du cartel del Norte del Valle, José Orlando Henao Montoya3, dont il devient l’un des bras droits. Après le décès de ce dernier, une guerre sanglante l’oppose à Diego Leon Montoya Sanchez, alias Don Diego, le leader le plus important du cartel del Norte del Valle.
Cette lutte fratricide qui débute en 2003, fait plus d’un millier de victimes. Elle oppose « los Machos », la garde prétorienne de Diego Montoya, aux « Rastrojos », le groupe armé commandé par Varela. Elle se termine par l’arrestation puis l’extradition vers les Etats-Unis en septembre 2007 de Diego Montoya4.
Début 2006, pressé par les hommes de Diego Montoya, Varela s’était réfugié au Venezuela voisin, sous la fausse identité de José Antonio Pérez Chacon.
Profitant de l’arrestation de son grand rival, Varela tente d’exploiter l’occasion qui lui est ainsi offerte pour prendre le contrôle du cartel del Norte del Valle.
Varela aurait été abattu par trois de ses proches. Les « traîtres » ont dus être retournés par des fidèles de Diego Montoya.
Qui va prendre la direction du cartel del Norte del Valle ?
La guerre pour le contrôle du cartel del Norte del Valle va certainement se poursuivre. Les concurrents à la direction de cette organisation sont nombreux. Tout d’abord, par des hommes proches de Diego Montoya :
- Jorge Urdinola Perea – alias « l’iguane », 42 ans – cousin d’un ancien membre fondateur du cartel décédé en 2002, Ivan Urdinola Grajales. Il dirigeait l’armée personnelle de Diego Montoya – « Los Machos » – et il est présenté comme son successeur le plus probable. Il est fort possible que ce soit lui qui soit à l’origine de l’exécution de Varela. Son frère, Hilbert Urdinola Perea alias « Don H » est son plus proche allié.
- Oscar Varela Garcia – alias « Capacivo », 54 ans – un ancien ami de Varel qui s’est résolument rangé du côté de Don Diego en 2003.
- Gildardo Rodriguez – alias « El Señor de la Camisa », 39 ans – un ancien guérillero d’extrême-gauche qui a rejoint Diego Montoya en 1998.
- et Carlos Alberto Renteria – alias « Beto Renteria », 63 ans.
Varela pourrait pour sa part être remplacé par deux hommes issus de son camp qui souhaitent également postuler pour la tête du cartel :
- Gilmer Humerto Quintero, alias « Cabezon » ;
- ou Jaime Alberto Marin, alias « Beto ».
Il est important de rappeler que le cartel del Norte del Valle, à la différence de ses homologues de Medellin et de Cali aujourd’hui disparus, n’est pas une organisation unie sous une direction commune. Il s’agit plutôt d’un conglomérat de bandes rivales qui coopèrent occasionnellement quand le besoin s’en fait sentir et qui se combattent pour la prédominance sur certains marchés et sur certains territoires. En clair, le cartel del Norte del Valle est loin d’être décapité car il a trop de têtes !
Le rôle du président Hugo Chavez
Le président vénézuélien Hugo Chavez semble actuellement changer de politique vis-à-vis des trafiquants de drogue en général et colombiens en particulier. En effet, accusé par la communauté internationale de les accueillir, ou du moins de fermer les yeux sur leur présence au Venezuela, il s’est déclaré favorable à une reprise de la coopération avec Washington dans le domaine de la lutte contre le trafic de drogue. Il avait lui-même interrompu cette coopération en août 2006, accusant notamment les agents de la Drug Enforcement Administration (DEA) détachés à Caracas, de se livrer à des activités d’espionnage.
Un premier geste de bonne volonté vient d’avoir lieu. Plusieurs trafiquants recherchés par Washington sont en instance d’extradition à destination des Etats-Unis. Notamment les Mexicains Luis Ramon Guerra et Jesus Castillo, arrêtés début février.
Cherchant à retrouver une légitimité écornée sur la scène internationale, le président Chavez ne peut plus tolérer la présence trop visible de trafiquants de drogue notoires dans son pays. Il y est également poussé par des raisons de politique intérieure. L’insécurité qui grandit de jour en jour devient de plus en plus intolérable pour ses concitoyens. Il est donc contraint d’effectuer quelques gestes forts afin d’assurer sa popularité. La lutte contre le trafic de drogue en est un. Malheureusement, il y a peu de chances qu’il s’en prenne directement à ses amis des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), qui trouvent refuge et assistance au Venezuela. Il prend d’ailleurs bien soin de souligner les liens unissant les criminels colombiens avec les milices d’autodéfense d’extrême droite AUC en oubliant pudiquement ceux reliant les FARC au trafic de drogue. Avec ces dernières, il est d’ailleurs en passe de remporter un nouveau succès diplomatique si elles tiennent leur promesse faite au début février de libérer trois parlementaires malades détenus comme otages depuis 2001. Quant au problème du « Venezuela, le carrefour de la drogue sud-américaine », il est si vaste qu’il n’est pas en passe d’être réglé prochainement5.
- 1 Qui portait l’identité vraisemblablement fausse de Weimar Pérez Aramburu.
- 2 Les frères Orejuela n’ont été extradés vers les Etats-Unis qu’en 2006.
- 3 Le successeur d’Arcangel Henao Montoya qui sera arrêté en 2004.
- 4 Cf. Note d’Actualité n°103, septembre 2007.
- 5 Cf. Note d’Actualité n°101, septembre 2007