Colombie : les groupes paramilitaires criminels
Alain RODIER
Malgré les efforts consentis depuis de nombreuses années par le gouvernement colombien – appuyé par Washington – pour lutter contre le crime organisé, ce dernier continue à prospérer en fondant toujours ses activités sur la culture de la coca. Toutefois, en 2009, les Colombiens ont dû laisser leur place de leader mondial en ce domaine aux Péruviens, ces derniers ayant produit 119 000 tonnes de ce produit contre 103 000 tonnes pour la Colombie.
La Colombie sert de base d'approvisionnement à des organisations locales mais aussi à de nombreuses organisations criminelles transnationales (OCT) étrangères. Si l'on parle beaucoup des narcoterroristes (Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia/FARC et Ejército Revolucionario Nacional/ELN) ainsi que de cartels autochtones (Cartel del Norte del Valle, cartel de la Costa, etc.), les milices héritières des organisations paramilitaires d'extrême droite (Autodefensas Unidas de Colombia/AUC) sont moins évoquées. Il s'agit en effet d'un sujet « qui fâche », car le gouvernement colombien a théoriquement réussi à les démilitariser dans le cadre de la « Loi de justice et de paix » initiée en 2005. Or, si un certain nombre de « Blocs » (nom donné à ces unités comparables aux « Fronts » des FARC) ont en effet disparu et si certains leurs membres ont rejoint la société civile, beaucoup d'activistes ont versé purement et simplement dans le crime organisé.
Des organismes indépendants comme l'INDEPAZ (Instituto de Estudios para el Desarrollo y la Paz) donnent des chiffres beaucoup plus inquiétants que ceux fournis par les autorités de Bogota. Ainsi, selon cette organisation, le nombre d'activistes armés agissant au sein de ces bandes serait d'environ 6 000[1] appuyés par 7 400 à 12 000 sympathisants. A noter qu'au plus fort de leurs activités, les effectifs des AUC étaient estimés à 20 000 activistes.
Quels sont les groupes paramilitaires criminels ?
Les trois principaux groupes héritiers des AUC sont :
– l'ERPAC (Ejército Revolucionario Popular Antisubversivo de Colombia) forte de 800 hommes dirigés par Pedro Oloviero Guerreo Castillo « Cuchillo » et Daniel Barrera « Loco Barrera », un ancien membre des FARC (le retournement de veste est un classique quand il s'agit d'argent) ;
– Los Aguilas Negras, commandées par Ruberney Vergara et Vicente Castaño Gil, lequem présente la singularité d'avoir fait assassiner son propre frère Carlos alors chef des milices d'autodéfense AUC[2] ;
– Las Rondas Campesinas Populares (RCP), aussi appelées Rastrojos, fortes de 1 200 hommes, dirigées par les frères Luis Enrique et Javier Antonio Calle Serna et Diego Peres Henao « Diego Rastrojo ».
A côté de ces principaux mouvements, il existe une douzaine de petits groupes (Los Urabeños, Caique Pipinta, Autodefensas del Llano, Autodefensas del Casanere, Nueva Generacion, Los Paisas, Oficine de Envigado, Renacer, etc.) qui tiennent généralement des zones géographiques limitées et qui ont peu ou pas de contacts internationaux. Toutes ces organisations criminelles combattent aussi bien les mouvements d'extrême gauche[3] que les autorités. En outre, il arrive fréquemment qu'elles se livrent à des guerres internes.
Les criminels colombiens se sont fait une réputation de sadiques sanguinaires qui ne reculent devant rien. Il semble que les héritiers des AUC perpétuent cette tradition et bénéficient parfois de la collaboration de certains fonctionnaires qui agissent de leur plein gré (par idéologie) ou contraints et forcés (par la terreur). Ces liens ambigus avec le pouvoir en place à Bogota leur permettent de continuer à prospérer.